Lettre N°6-10/06/20

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Coucou Abuelo,

Ça fait un petit moment que je ne t'ai pas écrit, et j'en suis désolée. Si je reviens aujourd'hui pour t'écrire c'est parce que j'en ai besoin. Dimanche ça fera trois semaines que tu es parti. C'est vraiment très dur comme tu peux t'y attendre. Je sais vraiment pas comment je fais pour rester forte pour toi, mais en ce moment mes larmes ne coulent plus trop, plus si souvent du moins. Hier encore en revanche je me suis effondrée, j'étais en larmes. Et donc me revoilà à t'écrire aujourd'hui, je n'ai pas le moral.

Je regardais ma série préférée, tu sais celle dont je te parlais souvent, «Vampire Diaries ». Dans l'épisode 04 de la saison 05, les personnages principaux découvrent que Bonnie est morte, à 33"43 c'est son enterrement et c'est à ce moment que j'ai craqué, j'ai seulement pensé à toi, et toi seul.

Je sais très bien que c'est de la fiction pure et simple et pourtant j'aurais voulu que ce soit possible. J'aurais aimé que tu sois comme Bonnie, que tu puisses encore nous parler, alors même que tu n'es plus présent. Elle, elle peut leur dire au-revoir comme il se doit, à travers un autre personnage, Jeremy.

C'est peut-être stupide, ou naif mais moi aussi je voudrais avoir le droit de te voir quand je veux, pouvoir te parler encore et encore sans jamais m'arrêter. Je sais que tu m'observes de là-haut, et je ne te remercierais jamais assez que tu prennes soin de moi, mais j'aurais tellement besoin d'entendre ta voix une dernière fois.

Tu sais je n'ai jamais eu l'occasion de te le dire mais je suis contente que tu aies pu partir en ayant entendu une dernière fois ma voix. Je regrette juste de ne pas avoir pu entendre une dernière fois ta belle voix un peu rauque mais remplie de tendresse.

Autre chose qui me fait très très mal, malgré que je sois heureuse, j'ai reçu ce mail d'inscription de la fac. Je suis vraiment très heureuse de l'avoir reçu, je te le promet mais de toute façon je suis sûre que tu vois parfaitement la tristesse dans mon regard. Je sais bien que c'était aussi important pour moi que pour toi, d'être présent pour mon entrée à la fac. Rien que pour ça je crois que j'en voudrais toujours à cette fichue maladie de t'avoir emporté.

Le mail tant attendu (rien de bien fou, je suis d'accord mais il m'a juste fallu ça pour faire couler cette eau salée sur mes joues)

«Bonjour P. Laure,

Vous avez accepté une proposition sur PARCOURSUP de la part de l'Université Jean Moulin Lyon 3 et êtes titulaire du baccalauréat ou équivalent.

Nous sommes heureux de vous compter parmi nos étudiants à la rentrée prochaine. »

Cette année, elle est super importante, je trouve. C'est l'année de mes dix-huit ans, de mon entrée à l'université, de mon lancement de la vie seule dans une grande ville, mes études dans ce que j'ai toujours voulu faire : les langues. Et je pense que c'est aussi en partie grâce à toi, que je suis très concernée par les différents langages humains. On a toujours eu une sorte de connexion tous les deux avec les langues. Je sais que tu as toujours été fier que je sois si enthousiaste à l'idée d'apprendre l'anglais et l'allemand . Puis, est venu notre pilier commun : l'espagnol. Toi qui le parlait et le comprenait parfaitement et moi qui l'apprenais petit à petit, grâce à toi. Je sais parfaitement que ça te rendait heureux et fier que j'aprenne cette langue qui te tenait tant à cœur.

Tu as toujours aimé la culture hispanique, toujours à vouloir en savoir plus sur ce pays et ses traditions. Ce qui prouve bien ce que j'ai dit dans ton éloge, tu avais un intérêt sans limite pour tout. Je pense que tu avais ce besoin d'être constamment en apprentissage.

C'est d'ailleurs cette passion pour l'espagnol qui t'a conduit à réaliser ce rêve qui te tenait tant à cœur. Celui du pélerinage de Saint Jacques de Compostelle, que tu as fait jusqu'au bout, parce que tu étais un vrai battant. Je sais même plus si je t'ai déjà dit à quel point, moi, j'étais fière de toi.

Désolée, pour ces larmes qui coulent le long de mes joues, et dans mon cœur aussi, à l'écriture de ces mots. J'essaie vraiment par pur égoïsme, de te mettre un peu de côté pour ne pas seulement penser à toi, pour essayer de me relever de cette grosse épreuve que nous a infligée la vie. Mais, toi, tu dois bien voir que non, je ne vais pas bien du tout, je mens à tout le monde en cachant ma souffrance par ce sourire. Seulement voilà, c'est pas possible de te mentir à toi.

Tu es dans chacune de mes pensées. Dans le silence de ma chambre je pleure encore et encore en me demandant ce que tu penses de moi aujourd'hui, de celle que je suis devenue. Je sais que tu ne me trouverais pas pathétique, ni moi, ni le fait que j'écoute la musique qu'on a passée à ton enterrement. Parce que toi tu étais comme ça, jamais tu ne jugeais les gens, et ce peu importe ce qu'ils faisaient car tu avais un cœur en or, un cœur des plus purs qu'il puisse éxister, Abuelo. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment, toi l'homme le plus merveilleux du monde, tu as pu être emmené hors de la vie ?

Je t'aime tellement Papi, je ne sais pas si d'où tu es, tu peux t'en rendre compte de comment j'en souffre. Je te promets que je fais vraiment tout mon possible pour faire comme si tout allait bien. Je fais tout mon possible pour me relever et ne pas me laisser tomber dans une sorte de mini dépression.

Papi, je n'ai même pas eu l'occasion de te dire de vive voix que je rentrais à la fac, je ne peux pas m'empêcher d'y penser, et pourtant je sais que ça me fait du mal. Je voudrais que tu puisses me réconforter en me serrant contre toi avec toute ta force et ta douceur, j'en ai vraiment besoin là.

Tu te rends compte que je peux même pas te pleurer tranquillement, je saigne du nez.Ça aussi c'était drôle quand je vivais ces saignement avec toi. Tu me faisais tellement rire, que je te disais d'arrêter parce que ça me faisait mal. Il y a sûrement d'autre moyen de me signaler que je dois me reprendre en main.

Le ciel est devenu gris d'un coup, je le prends comme un signe. Je m'imagine que c'est parce que toi aussi tu es triste au même moment. Alors si c'est le cas Abuelo, ne pleure pas je vais aller mieux, pas aujourd'hui, mais j'irai mieux, bientôt. Je te le promets. Je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu sois éternellement fier de moi.

Je sais que ce morceau “ La Chica Perfecta” tu le dédiais plus spécialement à Elodie, mais au fond je ne peux pas cesser de penser qu’il est un peu aussi pour moi, combien de fois, tu m’as signalé que j’étais une petite fille formidable pour toi et que tu étais content que Maman m’ati amenée dans ta vie et fait de toi une fois deplus grand père, que j’étais ta « vraie » petite fille. Ce mot est tellement touchant pour moi, alors que je sais que je fais partie intégrante de cette grande famille, qu'il n'a jamais été question que je sois la « la fille d'Aurore », non j'ai toujours été « la fille de Damien et d'Aurore, la petite fille, ou la cousine ». Je ne l’oublierai jamais papi, ça tu peux en être sûr. Je n'oublierais jamais la façon dont vous m'avez tous accueillit !

Je t’aime tellement papi ! Je vais devoir te laisser j’ai une lettre de motivation à écrire. Et voilà que je re-pleure, encore un souvenir qui m’unit à toi. J’ai fait appel à toi et Gilles pour ma lettre de motivation pour l'université. Tu n’as pas eu l’occasion de me dire ce que tu en pensais parce qu’il fallait que je l’envoie rapidement à la fac, mais Gilles t’a trahi, il m’a dit que tu étais très fier et impressionné de la façon dont je paraissais mature dans cette lettre. Ça m’avait énormément touché.

Celle-là je vais pas pouvoir te la faire lire à mon plus grand regret, c’est encore une des choses que la vie a décidé de pas nous faire vivre ensemble. Et maintenant voilà que la musique passe sur « les gens heureux » - de Bilal Hassani cette musique aussi me donne un peu le bourdon à quelques moments, les paroles me rappellent que tu es bel et bien parti mais que tu ne seras jamais très loin. C’est vrai en un sens, tu ne seras jamais loin de moi, enfin par la pensée du moins, et puis tu vas aussi me protéger de la vie, depuis là haut, comme d'habitude.

Ce sont ces paroles là qui me font penser à toi :

«C'est juste un au revoir, au revoir

On est jeune on sera triste plus tard

Y'a pas d'adieu, tout ira bien, les gens heureux n'ont peur de rien

Y'a pas d'adieu, tout ira bien, dis-toi que je ne suis pas très loin

Y'a pas d'adieu, tout ira bien, les gens heureux n'ont peur de rien

Y'a pas d'adieu, tout ira bien, dis-toi que je ne suis pas très loin

La route est longue, mais prendra fin

Prends tout ce qu'elle donne, ne jettes rien

Vas pas chercher des milliers de raisons

Faut te rendre à l'évidence

Un jour toi aussi tu quitteras la maison, pour saisir ta chance

Ça sert à rien d'en faire toute une histoire

C'est juste un au revoir, au revoir

On est jeune on sera triste plus tard»

Bon allez cette fois je te laisse Abuelo, je dois écrire cette lettre pour demain, maman essaie de faire en sorte que j’aille bosser à Casino pendant les vacances.

Je t’aime tellement Abuelo.
Ta grande,

Laure

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