A Raison ou à Tort

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Ce n'est pas comme si elle avait eu le choix.

Et pourtant, le regard des autres pesait sur elle comme la plus lourde des roches. Elle savait qu'ils la tenaient pour responsable. Aucun d'eux ne pensait qu'elle avait fait le bon choix.

Leurs yeux étaient aussi vides d'humanité que leurs pensées étaient vides de sens. Car elle, elle le savait. Elle avait eu raison.

Après la cour, elle ne poserait plus jamais ses yeux bordés de sombres sur leurs visages fermés. Pour eux c'était une honte, elle était une honte. Tout ce pourquoi elle s'était battu n'était que ça, une ombre sur le beau tableau familial qui ornait le mur de la mairie.

Chacun dans cette ville, dans sa famille, avait sa place attitrée. Son père était le maire, sa mère était professeure, son frère un élève brillant, son cousin un joueur à la carrière prometteuse et elle était supposée être une future juge.

Elle se demandait parfois si quelqu'un l'avait su. Elle se demandait si sa famille avait détourné le regard sur ses actions comme ils le faisaient maintenant avec les siennes.

Après tout, c'était quelque chose de privé. Qui n'aurait jamais dû sortir du cercle familial. Quelque chose qu'on réglait en privé, ou mieux, qu'on enterrait au plus profond de son jardin.

Mais elle n'était pas comme eux. Elle avait parlé. Et ça n'avait pas suffit, elle avait prit le problème en main.

Le soir de son anniversaire était désormais entaché. Elle avait tenté d'en parler, lorsque ce n'était que des gestes et des paroles qui la mettait mal à l'aise. Mais ils lui avaient dit de laisser couler, que c'était "normal à leur âge".

La deuxième fois, elle avait fait son choix. Son téléphone sur enregistrer, l'arme de son père sous l'oreiller et le couteau suisse dans sa poche.

Elle savait qu'il allait venir. Elle aurait pu simplement s'enfermer mais elle n'avait pas la clé de sa chambre.

Mais elle ne savait pas tirer.

Lorsqu'il était venu, elle l'avait visé, les mains tremblantes. Lui avait dit de partir, qu'elle n'hésiterait pas. Mais en un coup, l'arme était tombée de ses mains. Il lui avait cogné la tête deux fois contre le sol. Elle avait préféré jouer les inconscientes, en espérant qu'il y croit. Sentir ses mains sur elle lui avait donné la nausée, il lui faisait mal mais elle était restée calme. L'arme était trop loin pour qu'elle l'atteigne, aussi s'était-elle rabattue sur le canif.

Heureusement, elle était rapide. Après avoir agi, elle avait contemplé le sang sur ses mains tandis que son cousin était au sol en train de geindre.

Elle s'était enfui, avec seulement son couteau et son téléphone. S'était réfugiée chez une amie. Et avait porté plainte.

La bataille avait été dure, le regard de sa famille encore plus. Mais elle avait tenu bon. Ses membres marqués de bleus lui rappelaient sans cesse qu'elle se battait pour la bonne cause.

Et puis, le verdict était tombé: légitime défense. Son cousin était condamné. Pas assez longtemps pour elle, trop pour sa famille qui regrettait sa carrière si prometteuse. Elle savait qu'elle n'était pas la première. Il n'avait jamais été condamné pour les autres. Car elle était la seule qui avait pu en parler.

Maintenant, elle sort du tribunal. Elle voit ses parents qui la fusille du regard, son frère n'est pas là.

Elle détourne le regard et part.

Partir où ?

Partir loin.

Partir ailleurs.

Partir quelque part où se défendre n'est pas considéré comme un crime.

Partir quelque part où l’agresseur n’est pas considéré comme la victime.

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