Chapitre 3 : Dégoûté

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Mon hôte me permis de passer la nuit dans son logis, bien que ma tête fourmillait de réflexions, d'inquiétudes et d'appréhension quant à la suite de mon voyage, la fatigue finit par prendre le pas sur la raison. A mon réveil, je surpris mon ami déformé veiller sur moi, comme un garde du corps. Je feins encore un peu la somnolence le temps de rassembler mes esprits. Une fois fait, je pris la décision de m'étirer pour lui signaler mon éveil puis je pris la parole en m'efforçant d'imiter le dialecte de son peuple.

-Moi te poser question.

Mon hôte demeura silencieux, dans l'expectative de mes propos.

Comment insecte traiter Tocards ?

Sa mine souriante se mua en un rictus consterné.

-Insecte égal danger, mort. Si toi vu par insecte toi mort. Toi et tocards autour de toi morts. Tous morts.

Le ton de sa voix ne laissait planait aucun doute sur le fait que cette information avait été vérifiée et subie.

Insectes rusé, agile. Faible quand isolé mais ... jamais seul. Certains Tocards raconter comment eux survivre à insecte en ...

Il mima un ciseau découpant ce qui devait être les antennes du cafard.

Insecte perdu après. Pas rejoindre autres vermines. Vulnérable.

Intéressant... je ne sais pas si cela infirme ou confirme mes théories sur les cafards mais intéressant quand même.

-Compris. Tu m'as beaucoup aidé avec ces informations. Permets-moi de t'aider en retour. Je vais rentrer dans mes terres, ensuite je reviendrais pour te ramener cette combinaison qui avait l'air de te faire de l'œil.

Il semblait accueillir la nouvelle avec une grande joie, heureux comme un nourrisson il me prit dans ses bras et me pressa dans une étreinte fraternelle.

Son regard se figea l'espace d'un court instant comme s'il rassemblait sa concentration dans un but précis. Une fois qu'il se sentit prêt, il enchaina.

-J'attends déjà ton retour avec impatience.

Époustouflé par sa syntaxe, seule ma pudeur et peut-être une timidité latente me retenaient de le féliciter.

- Tu peux m'appeler Zachary, si tu le souhaites.

-Moi, Cyclope.

Sans plus de formalités, il enchaîna.

Maintenant, ramener Zachary vers sortie.

Sous le regard tantôt médusé, tantôt admiratif, tantôt envieux de mes pairs des égouts, mon ami géant m'escorta vers l'entrée qui m'aura vu découvrir cette surprenante peuplade dont j'ai tant appris.

Avant de le quitter, il me vint en tête une question que je me sentis le devoir de lui poser.

-Cyclope, pourquoi ton peuple se nomme-t-il les tocards ?

L'expression de son regard prit une mine grave. En un éclair, il me répondit machinalement.

-Parce que tous les hommes sont des Tocards.

Amusé et surpris, je ne pus réprimer l'envie d'en savoir davantage.

-Mais... pourquoi ?

Pendant notre échange, nous nous enfoncions de plus en plus profondément dans un dédale de tunnel si labyrinthique que je n'aurais su retourner sur mes pas.

-Toi déjà vu dehors. Toi déjà savoir pourquoi homme égal Tocard.

Ils savent que ce sont les hommes qui ont provoqué tout ça. Non seulement ils savent mais ils en endossent leur part de responsabilité. Ils portent en eux une part de la culpabilité de la catastrophe que nous, humains, avons causé par nos travers. J'étais loin de m'imaginer qu'ils étaient si humbles et si nobles.

Finalement arriva le moment de se dire au revoir. Un moment que j'attendais avec une certaine appréhension, puisque ce moment était le théâtre d'un échange tout particulier. En soupirant je repris la parole

-Bon, c'est le moment de se dire au revoir, n'est-ce pas... ?

Il hocha la tête en guise de réponse

Et j'imagine que l'on se dit au revoir de la même manière que...

Je n'eus même pas le temps de finir ma phrase qu'il hochait de nouveau vigoureusement la tête, un large sourire s'étendant sur ses lèvres.

Je peux commencer, cette fois ?

En ouvrant la paume de sa main, il m'invita à me mettre en action. Comme lors de notre première rencontre, il se pencha, tendit sa joue et resta figé. C'est ainsi que je lui décochai la première droite de ma vie, un coup de poing lamentable qui était le parfait témoin de mon inexpérience. A en juger par ses réactions, c'était à peine comme s'il l'avait perçu.

C'est à ...

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase que j'eus la sensation que ma joue et mes dents fusionnèrent pour ne former qu'une masse uniforme de douleur. Les yeux écarquillés, je sentis mon cou se tordre dans le sens de sa frappe, je me serais probablement effondré au sol s'il n'avait pas eu la délicatesse et l'intelligence d'anticiper les conséquences de son attaque, en me soutenant par les épaules.

-Bon voyage, Zachary.

Le retour à la surface fut un retour à la réalité. Dure et cruelle terre que voilà, les tocards m'ont offert en comparaison une oasis de sérénité, même si je me sentais en danger en permanence chez eux. Ce n'était rien par rapport à cette solitude et dérisoire par rapport au niveau de menace des cafards. Je pris beaucoup plus de précaution que lors de ma sortie du dôme, évitant le plus possible la colonie de blatte que j'avais pu croiser. Il me parut judicieux de concevoir une carte, une fois ceci fait, je pris la direction opposée à la ville colonisée par les cafards

Au bout d'un jour de marche, je fus obligé de m'arrêter afin d'établir un campement de fortune avec l'équipement fourni par le dôme. La solitude fut jointe par le désespoir. Existe-t-il seulement autre chose de ce monde que ce que j'ai pu en voir ? Les cafards vont ils me trouver dans la nuit pour venir me dévorer ? Quand bien même je réussirais à survivre, parviendrais-je à respecter la promesse que j'ai pu faire à mon ami cyclope ?

Mon sommeil fut largement perturbé par ces questionnements, toutefois je réussis à rogner quelques heures de repos afin de me remettre partiellement d'aplomb.

Mon réveil ne fut pas de mon fait.

Je fus violemment arraché de mes rêveries par trois personnes en combinaison antiradiation. Leur uniforme, contrairement au mien, ne porterait aucun signe de la noire candeur, aucun œil pouvant signifier l'appartenance au dôme. Cela me réjouissait d'une certaine manière. Cela impliquait que d'autres peuples avaient trouvé le moyen de résister aux radiations. Toutefois ma joie était immédiatement contrebalancée par leurs actions. Il ne faisait aucun doute qu'ils étaient en train piller mes affaires. Si leurs « manières » étaient manifestes quant à leurs intentions néfastes, il me fallait essayer de désarçonner la virulence de la situation. Comment faire...

–Bonjour ?

Un des hommes répondit.

–Oh putain, il est vivant et il parle.

Un autre l'interrompu immédiatement.

–Moi aussi alors ferme ta gueule.

Le troisième demeura silencieux pendant que le second jeta un regard entendu au premier. D'un commun accord tacite, ils se mirent à me ruer de coups. J'eus beau tenter de les interloquer, aucune réponse ne me parvient.

Au bout d'une salve de coups qui me parut interminable, leur lynchage prit fin. Celui qui demeurait silencieux prit la parole.

Tu vas nous suivre, bien sagement, sans poser de questions.

Ma seule réponse fut de plisser les yeux et de m'exécuter. Nous arrivâmes au bout d'une demi-heure de marche au sein d'une immense structure métallique.

Autant les habitations humaines que j'avais découvertes jusqu'à présent sortaient du sol et se dressaient en hauteur, celle-ci s'étendait horizontalement sur facilement 100 m, comme si elle s'était écrasée. On pouvait lire sur certaines façades : « station MIR ». L'entrée de ce colossal squelette de métal se composait d'une toile étanche que je supposais être un sas de décontamination.

Un sas de décontamination... cela sous-entends qu'ils sont intelligents et assez évolué technologiquement... Au vue de la manière dont il me traite, est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Cela veut également dire qu'à tout moment ils peuvent m'enlever ma combinaison et mon voyage s'arrêterait ici.

M'enfoncer dans l'inconnu avec ces gens, animé par des intentions clairement hostiles, dont je ne savais absolument rien me terrifiait plus que tout. A plus forte raison, sans savoir si je pourrais un jour en réchapper.

Le processus de décontamination me parut interminable, le silence semblait m'étreindre au point de m'asphyxier. Une fois que cela fut fait, mes ravisseurs m'abandonnèrent à mon sort et coururent à l'opposé de l'entrée. Il ne fallut que quelques secondes avant que d'autres locaux viennent me délivrer de cet isolement.

–Caporal Étienne Moreau, de la station internationale. Déclinez votre identité et dites-moi comment vous êtes arrivé à proximité de MA base.

–Zachary Tempès, du dôme de la vision. Simplement en marchant au travers des Terres Mortes.

Ces « Terres Mortes » dont tu parles sont mes terres natales, NOS terres. La terre de nos grands-parents et de leurs aïeuls, ainsi que la terre de nos enfants. Insulte-les à nouveau et je fais coudre tes lèvres.

Il marqua un temps de pause comme pour appuyer le sérieux et la gravité de sa menace.

Où se situe ce « dôme » ?

Je pris un court instant de réflexion, il apparaît clairement dangereux de lui révéler quoi que ce soit.

Trop tard, tu réfléchis pour mentir. Le cachot devrait remettre de la sincérité dans ta langue. Si l'isolement ne suffit pas, la faim et la soif sauront attester de la véracité de tes propos. Réfléchis bien. À la semaine prochaine.

–SEMAINE ?

Je ne parvenais pas à réaliser... Une semaine ? Ce n'est pas de la précaution, c'est de la torture.

Il fit mine de ne pas avoir entendu et s'en alla sans autre forme de procès. On me conduisit sans ménagement vers une pièce séparée.

Ainsi débuta mon calvaire.

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