Chapitre 32 : Je sais. Tu sais. Il sait.

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TW : Maladie mentale, érotisme, pornographie.


La nuit termina de consolider notre lien d’amitié. Cette première journée partagée ensemble m’évoquait un souvenir quasi lunaire. Cantharis avait profondément bouleversé notre voyage.

J’avais peur de m’être perdu, endurci par mon vécu, d’avoir abandonné mon innocence au profit de la suspicion ... Et maintenant. Maintenant, voilà que je contrains une autre âme de nous suivre. C’est à se demander si l’empathie n’est pas aussi mauvaise conseillère que la méfiance.

J’observais Cantharis et Cyclope replier le camp. Cyclope avait l’habitude de me voir en errance mentale au petit matin et ne prenait pas ombrage de mon oisiveté. Il saisissait parfaitement mon besoin d’intimité. Je contrebalançais toujours par ailleurs ces moments de flâneries intellectuels plus tard dans la journée. J’avais moi-même remarqué que sans cette routine matinale, Celui qui sommeille en moi gagnait en influence.

Qu’est ce qui m’a pris de le ramener ainsi avec nous ? Depuis quand le sort d’autrui m’importe autant ? Quand mon peuple m’a trahi, quand la noire candeur m’a tourné le dos, quand on m’a exilé, je pensais avoir tourné cette page.

Le tocard présentait avec bienveillance la marche à suivre pour replier la tente holographique dans laquelle nous avions dormi. Je subodorais que l’attention exagérée du marchand aux propos du géant devait autant à la complexité de la démarche qu’à une volonté de plaire.

Je dois à Cyclope ce renouveau d’empathie. Cette belle âme n’a jamais cessé de panser mon âme de cette plaie de solitude. La cicatrice n’a jamais guéri.

Je relevais la tête et écarquillais les yeux, le corps secoué par une épiphanie saisissante.

C’est ça que je suis en train de faire. J’essaye devenir le Cyclope de Cantharis. Je sens que je peux alléger son fardeau. Je sens que l’on peut s’entraider. Aveuglé par ce désir, je l’ai contraint, par égoïsme. À quel moment va t’on me dire que je suis dans l’erreur ? J’ai beau le savoir, pourtant…

Bien sûr nos liens n’avaient rien à voir. Cyclope était un frère, nous avons partagé bien plus de temps de voyages, d’expériences. Il avait vu en moi et j’avais vu en lui. Le voyage avait fait de nous des alliés. La télépathie nous avait rendu frère. Je ne m’imaginais pas poursuivre mon voyage seul. Quand nous fûmes séparés par les événements, ce fut toujours avec déchirement et jamais pour une durée très longue. Quand j’ai cru l’avoir perdu, j’avais la sensation d’avoir perdu une partie de moi-même.

Je tournais mon regard vers le nomade.

Il en allait tout autrement de Cantharis. Notre lien était jeune, ténu. Un voile de malaise tapissait nos relations. Pourtant au-delà de l’embarras, au-delà de la défiance, je devinais derrière ce vernis de malaise social un être exceptionnel. Son physique chétif et son apparente maladresse m’avaient d’abord induit en erreur. Notre premier échange télépathique m’avait permis de réaliser l’étendue de mon erreur. Vu le fardeau que cette homme supportait, la force qu’il fallait pour endurer ce qu’il devait subir, il aurait pu supporter aisément tous les maux de cette terre. C’était un martyr.

Un martyr injustement puni, mais n’est-ce pas justement l’injustice qui fait le martyr ? Tout comme les héros mènent leur action au profit d’une une cause, un saint a quelque chose a gagné de son sacrifice.

Lui était au-delà de ça.

Personne ne verrait son combat. Personne ne chanterait ses louanges à sa mort. Pourtant… qui pourrait se targuer de résister à ce qu’il combat ? Si par malheur, il en venait à rejoindre le dôme de l’ouïe, un seul contact télépathique avec lui pourrait détruire toute leur société.

Quand mes comparses eurent fini de replier le camp, nous nous mîmes en routes après un repas frugal. Fort heureusement pour nous, le dénivelé se fit plus clément que la veille, même si les courbatures qui déchiraient nos muscles ne nous laissèrent pas totalement l’opportunité d’apprécier la différence. Plus coutumier de ces terres que nous, Cantharis progressait sans entrave, alors même que je mésestimais sa condition physique, c’était de loin le plus endurant. Jamais il ne remonta sur son lama, jamais il n’en manifesta l’envie. J’interprétais son geste comme s’il voulait nous montrer que nous partagions ce trajet et ses contraintes ensemble. Il tenait l’animal par la bride, en calquant son rythme sur celui de l’animal. Très rapidement il était devenu la force motrice de notre voyage. On devinait tant d’enthousiasme dans sa démarche, il devenait stupide de le considérer comme captif.

Était-ce notre discours qui l’avait convaincu ? Ou peut-être simplement notre compagnie lui faisait du bien ?

Si nous l’avions perçu comme craintif au départ, il affichait désormais un sourire enthousiaste aux lèvres. Il nous guida bientôt dans un labyrinthe de roche et d’arbre pour nous amener au sein d’une bien curieuse entrée. Une arche parfaitement taillée dans la montagne découpait le début d’un tunnel magnifique. La voûte était ornée d’un symbole curieux, une main tatouée, à demi fermée dont seul l’index et le pouce se dressait. Sur le revers de la main, on pouvait voir une face de la planète, dominée par le bleu des océans quand le reste des terres, légèrement mis en relief, présentait un mélange oscillant entre le brun et le vert.

Suivant mon regard, Cantharis pris la parole.

-Et ça, mes amis, c’est le symbole du dôme du toucher. Nous sommes pratiquement arrivés. Au bout de ce tunnel se trouve une merveille dont vous n’avez pas idée. Ne vous laissez pas dépassé par la splendeur de son architecture, vous risqueriez de passer à côté ce qui fait le charme de ce…

Il laissa suffisamment sa phrase en suspens pour que Cyclope et moi remarquions son émoi, puis le marchand reprit.

De “mon dôme”. Car comme vous l’aurez deviné, nous sommes arrivés dans les Terres qui m’auront vu naître.

Pendu à ses lèvres, immédiatement je l’encourageais d’une voix intéressée.

-Tu parlais de ce qui faisait le charme de ton dôme ?

Alors même qu’il retrouvait le fil de son idée, une lueur de mélancolie quitta son regard.

-Ah oui, sa culture bien sûr. Peut-être que mon point de vue est biaisé, mon unique point de comparaison est le dôme des deux sens. Mais je suis sûr que vous ne manquerez pas de trouver

Il marqua une petite pause, hésita un instant et prononça d’une voix chevrotante.

“Mon” peuple passionnant à observer.

Derrière sa voix tremblante, je devinais des sanglots étouffés. Aussi, par égard vis-à-vis de son intimité, je choisis de ne pas creuser la question. Cyclope n’eut pas la même réserve. Et qui pourrait lui donner tort ? S’il insistait autant sur cette distance, n’était-ce pas une invitation à lui poser la question ou bien que Cantharis lui-même souhaitait en parler, consciemment ou non ?

Avec une profonde empathie et une voix bienveillante le tocard s’adressa au nomade.

-Pourquoi hésites-tu ? N’est-ce pas réellement ton peuple ? Au bout du tunnel, ce sont tes frères que nous irons trouver, non ?

Le regard du nomade se perdit dans le vide.

- Puis-je appeler frère des individus qui appelaient à mon départ. Alors même que je n’ai rien à me reprocher ?

La si belle culture qu’il venait de dépeindre s’entachait d’une première fêlure.

Sans un autre mot, il prit l’initiative de rentrer dans le tunnel, nous invitant silencieusement à faire de même.

Cyclope insista d’un ton qui transpirait l’indulgence.

-Ne crains-tu pas d’être mis en danger par ton retour ? Comment les gens vont voir ta venue ?

Cantharis lui répondit d’une voix sèche, comme s’il voulait clore le sujet.

Ils sont habitués à me voir faire des aller-retour. Ils ne m’ont pas condamné au bannissement. Je peux y retourner, je ne peux simplement pas m’y installer.

Je n’avais pas besoin d’entendre pourquoi il avait été exilé, je l’avais vu. D’une manière ou d’une autre, ce qu’il abrite a produit sa mise au ban.

-Intéressant…

Franchir le seuil de ce tunnel me donnait l’impression d’accéder à un monde à l’abri des regards. J’avais la sensation qu’au terme de ce passage souterrain nous allions atteindre un paradis perdu ou un enfer interdit au commun des mortels. Je me sentais privilégié d’être conduit en ces terres inconnus. Le passage en lui-même devait faire dans les cinq mètres de large pour à peu près la même hauteur. L’ouvrage en lui-même imposait le respect tant on mesurait le temps et les efforts qu’un tel chef-d’œuvre d’orfèvrerie nécessitait. La totalité du tunnel était baignée dans l’obscurité. L’accès en lui-même ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu connaître. Il avait été creusé directement à même la roche. Les aspérités semblaient parfaitement polies rendant les murs parfaitement lisses. Le sol en devenait légèrement glissant ce qui, entre ça et l’absence de lumière, ne manquait pas d’inviter à la prudence. Nous avancions donc à tâtons pendant une bonne partie de notre progression.

Toujours prompt à gâcher mon enthousiasme, j’entendis l’écho de ma bête humaine résonner dans mon esprit.

~Si je souhaitais tendre une embuscade à quelqu’un, ce serait un lieu idéal.

Je me souvins alors de mon passage auprès de la station des cannibales et plus particulièrement dans la caverne abandonnée qui avait permis mon évasion.

Comme toi-même tu l’avais fait avec moi ? Quant au plus fort de mon désespoir, tu t’es jeté sur moi pour te repaître de la chair de mon esprit ? Caché dans les ténèbres, renforcé par les vapeurs de souffre.

-LÂCHE ET SANS HONNEUR COMME LA VERMINE QUE TU ES.

Cyclope et Cantharis se figèrent dans leur course. Emporté par un torrent d’émotion, je venais de parler à voix haute alors même que je m’adressais à ma bête humaine. Mes deux acolytes se tournèrent vers moi en me jetant un regard inquiet.

J’enchaînais d’un ton laissant transparaître un léger embarras et un total agacement.

Je sais…

Plantant mon regard dans celui de Cyclope.

Tu sais.

Désignant Cantharis du regard.

Il sait.

Je poussais un profond soupire de lassitude alors que j’entendais retentir le rire de celui qui sommeille en moi.

Nous savons. Pardon, ce n’était pas pour vous. N’en parlons plus.

J’emboîtais le pas pour ne pas laisser à mes comparses l’opportunité de relancer le sujet. Je sentais le regard inquiet du tocard sur moi mais ne souhaitait pas me confronter à sa compassion.

Il m’était difficile d’estimer depuis combien de temps nous arpentions cet accès. Était-ce la fatigue ? L’obscurité ? Mon embourbement mental ? J’avais la sensation que ce passage n’avait pas de fin. Un silence baigné de malaise pavait notre échappée. Alors que notre avancée se faisait jusqu’alors maladroitement sur ce sol lisse, j’observai subitement un changement. D’un sol parfaitement lisse et glissant, nous découvrîmes un système de petites dalles ou plus exactement de plaques de pression qui s’enfonçait au hasard de nos pas. Je pensais d’abord à un piège quand brusquement, une source de lumière se mit à accompagner notre marche. J’eus des difficultés à en identifier la provenance, pour finalement remarquer que les murs renfermaient désormais de petites aspérités d’où ressortait une roche curieuse qui illuminait notre traversée. Les cailloux s’illuminaient et s’éteignaient en battant la mesure de nos pas. Curieusement, cela me donnait la sensation d’être observé, suivi. Cela ne perturbait pas le moins du monde Cantharis, mais plongea Cyclope et moi dans un état de vigilance exacerbé.

Ces dalles mirent en lumière une longue fresque qui ne semblait ni avoir de fin ni de début. Je la pris donc en cours de route et m’intéressait à sa représentation. Ce que j’en voyais me laissa pantois. Elle évoquait la fragmentation d’un Radicor en une infinité de morceau. Elle pouvait tout autant signifier sa mort éventuelle ou la naissance de ses clones.

L’un de ces fragments s’enfonçait dans la terre, de cette terre germa une créature élémentaire gigantesque, entre la roche et l’humain, une montagne vivante en pleine gestation.

Cantharis désigna le ventre rebondit de la forme chimérique.

-La genèse de notre dôme.

Il croit à ça ? Enfin après tout… ça n’a pas vocation à être vrai, ça a simplement pour but de donner du sens…

J’observais l’évolution de la fresque qui représentait désormais la montagne non plus comme une créature mais comme un agglomérat d’humain nu et en pleine fornication. Je sentais que mon regard gagnait en lubricité ce qu’il perdait intérêt culturel.

Un être de chair et de sang. Dominé par le charnel et les frustrations. Comme j’aimerais m’abandonner, moi et mes soucis dans ces orgies libératrices. Ne plus faire sens individuellement mais communier dans le tout que représente ce golem de chair.

Alors que je me surpris à rêver de ces fantasmes, Cyclope me posa la main sur l’épaule pour désigner la présence d’un autochtone qui nous barrait la route.

Un superbe apollon nous accueillit. Il était grand peut-être légèrement élancé. Son visage affichait une confiance inébranlable, comme une statue immuable, on avait la sensation qu’il aurait pu traverser les âges sans jamais rien perdre de sa superbe. Les traits de son visage étaient dur, bien qu’adouci par l’expression et le sourire qu’il arborait. Il n’était vêtu que d’un pagne tressé, brodé de fil d’or et de cuivre. Rien qu’à l’observer, j’avais la sensation d’être trop habillé. Il était coiffé d’une coupe au bol mi longue, ses cheveux soyeux et blonds se conjuguaient parfaitement avec son teint basané, en harmonie avec le cuivré et le doré de son vêtement. Ses abdominaux et ses pectoraux, parfaitement dessinés me laissèrent songeur. Ce n’était pas non plus une morphologie gonflée, artificielle, simplement la beauté naturelle d’un corps sculpté par l’effort. J’aurais voulu suivre le tracé de ses muscles de mon index et observer si les courbures de ses chairs étaient aussi agréables à observer qu’à toucher. En plus de son vêtement qui moulait les formes de son entrejambe, il était équipé d’une longue lance et d’une rondache aux mêmes couleurs que son pagne.

Cantharis passa devant, indifférent face à la beauté de cet adonis.

-Tiens donc, tu nous as ramené de la visite cette fois …

L’inconnu s’interrompit, écarquilla les yeux et dévisagea Cyclope de haut en bas. Il demeura bouche bée pendant une quinzaine de seconde. Il se pourlécha les lèvres et adressa un clin d’œil au géant à la peau d’albâtre.

Voilà une montagne que je prendrais plaisir à gravir.

Le marchand tourna la tête vers le tocard et lui glissa quelques mots subrepticement :

-Tu ferais mieux de t’y habituer. Tu vas faire cette effet là à … à peu près tout le monde. Avec un physique comme le tien, c’est à peine si vous avez besoin de moi rentrer.

Replongeant son attention sur le garde.

Ces hommes viennent de loin. De bien plus loin que le dôme des deux sens. Ils ont formulé le vœu de visiter notre dôme, je les sais animés de bonnes intentions. Il n’était pas en mon pouvoir ni de leur refuser ni d’accepter leur requête, c’est pourquoi je les amène ici, à toi, Enkidu. Ils n’ont rien à vendre mais comme tu l’auras remarqué… ils ne manqueront pas d’intéresser beaucoup de monde ici. Accepte-tu notre arrivée ?

L’homme qui jusqu’alors nous barrait la route se mit de côté puis d’un mouvement circulaire du bras tenant son bouclier, nous invita à passer. Son visage fier ne devint qu’humilité sur notre passage.

Accueillir des nouvelles têtes comme les vôtres remet en cause la nécessité d’un gardien. Profitez bien de votre séjour chez nous.

Je voyais dans le visage de Cyclope la même incrédulité qui me transportait. Au dôme de l’ouïe, nous avions été majoritairement ignoré. Au dôme des deux sens, nous avions été méprisé. Je ne parlerais même pas de mon propre dôme. À l’exception des synanthropes, c’est vraiment la seule fois où nous profitions d’un tel accueil.

La première impression qui ressortait à mon entrée dans le dôme du toucher était l’émerveillement. Passé le seuil de ce tunnel, j’avais la sensation d’être à l’extérieur alors même que nous accédions au cœur de la montagne. Ces gens avaient élevé le fait de creuser la terre au rang d’art.

C’était comme si la roche s’était courbée à leur désir. Aussi improbable que cela pouvait paraître, la montagne était creuse. Plutôt qu’un dôme il aurait été plus exact de parler d’un cône. Je n’aurais su dire si ce miracle était l’œuvre d’une machine improbable ou s’il s’agissait d’une formation naturelle.

En levant la tête, je fus saisi par la beauté de l’architecture semi naturelle de ces lieux. Les parois rocheuses étaient décorées par des arabesques stylisées qui traçaient régulièrement des motifs en forme de demi-lunes. Chacune de ces lignes en forme de croissant incorporaient une sorte de véranda laissant entrevoir l’intérieur d’une habitation troglodyte. De là où nous étions, c’en était un spectacle éblouissant tant des centaines et des centaines de ces vitres reflétaient la lumière pour nous éblouir de leurs éclats.

Nous étions à l’étage inférieur de la coupole. Un espace qui s’étendait sur des kilomètres, une plaine verte entourée de roche ocre qui rendait un côté onirique à ce paysage enchanteur.

Avant même de m’intéresser à l’architecture, ce fut pourtant autre chose qui retins mon attention. Au sommet du dôme du toucher se trouvait un soleil artificiel dardait de ses rayons la totalité du dôme, baignant les lieux d’une lumière qui ressemblait à s’y méprendre à une lueur naturelle. Je supposais assez rapidement que leurs teins basané tenait de cette source.

Je n’eus pas réellement le temps de m’y intéresser davantage puisque bientôt une foule de personnes ne se présenta à nous. Nous fûmes accueillis par une infinité de sourire et de mines curieuses qui se précipitaient chacune plus enthousiaste que l’autre à l’idée de notre rencontre.

La morosité laissa place à la ferveur. En écho à leur émerveillement, je m’abandonnai dans leur ardeur et communiai à leur entrain. Dans la foule d’acclamation que nous reçûmes, je me contentais de sourire bêtement et de me laisser happer par l’ambiance général. Si c’était bien Cyclope qui reçut l’essentiel de leur liesse, je n’étais pas en reste. Même Cantharis qui ne semblait pas être le plus populaire des citoyens reçus largement sa dose de louange pour être responsable de notre venue.

Mon regard se perdit dans la foule, dans la multitude des allures et des couleurs que ce noble peuple nous offrait.

Je ne parvins pas à saisir si les couleurs avaient leur signification, si elles symbolisaient un échelon social ou si c’était simplement par attrait esthétique. Quoiqu’il en fut, ce fut un spectacle visuel sans précédent.

Je voyais ici et là, des quidams pourvus d’une longue tunique en écaille violine et jaune couvrant la quasi-totalité de leur corps; au détail prêt qu’elles avaient été découpées au niveau de la poitrine et de l’entrecuisse par des motifs en forme de demi-lunes, les mêmes motifs que j’observais au plafond quelques instants auparavant. D’autres portaient une sorte de lingerie sensuelle formés de plûmes oranges et bleus qui soutenaient magnifiquement d’opulentes poitrines et laissaient deviner de sublimes fessiers aguicheurs. D’autres encore vêtu plus légèrement de simples bandelettes de tissu verts clairs et roses pales faisant tantôt ressortir la virilité des mâles ou l’intimité des femmes. Certains portaient un habit formé de fibres délicates ressemblant à s’y méprendre à des toiles d’araignées rouges et vertes laissant deviner au détour d’un regard indiscret tétons ou l’entrejambe. Il y en avait qui ne portaient aucun vêtement, certains s’habillaient de maquillage ou de peinture, quand d’autres ne s’embarrassaient d’aucune forme d’artifice et se promenaient dans le plus simple appareil.

Là où l’on s’habillait pour préserver sa pudeur, les gens ici se vêtissaient pour révéler leur moi intérieur. Des pagnes, des robes, des collants qui moulaient parfaitement la forme du corps, des mini shorts, des jupes, d’élégantes et légères culottes portaient par-dessus des pantalons quasi transparents. Il y avait une vraie liberté créatrice, tant dans la forme que dans les teintes, qui allaient même jusqu’aux coiffures. Une même tête pouvait arborer des dreadlocks d’un côté et une charlotte de l’autre, une crête et des tresses, de couleurs et de formes différentes à chaque fois. Chacun semblait libre de se vêtir comme il l’entendait, sans s’embarrasser de norme de genre, de mode ou de pudeur. Ce n’était un effort délibéré pour impressionner son prochain mais la réelle expression d’une fibre artistique, d’un moi intérieur.

Si le dôme des deux sens m’avait réservé une haie d’honneur pour mon départ, le bain de foule que je pris ici n’avait rien à voir. Il n’y avait pas ce côté cérémonieux, protocolaire et hypocrite. Ici, les gens étaient sincèrement ravis de nous voir, sans attendre quoi que ce soit de nous. La foule se pressait contre nous pour nous baigner d’une chaleur humaine qui me mettait du baume à l’âme. Les mains se glissaient contre mon torse, sous ma tunique pour effleurer délicatement ma peau, palper mes pectoraux, se glisser et dessiner le contour de mon nombril alors que d’autres mains aventureuses se glissaient un peu plus bas pour effleurer de caresses érotiques mon scrotum ou dessiner le galbe de mon pénis. Rarement je m’étais senti si vulnérable et autant excité par l’idée de l’être. Il m’était difficile de rester impassible, pourtant nous progressions… guidé par un Cantharis qui semblait la plupart du temps épargné de l’attention de la foule. Cyclope quant à lui peinait à progresser tant la foule ne cessait de s’agrandir et de se masser autour de lui. J’avais l’impression d’être dans un champs de bataille à nul autre pareil et de contempler cet immense général de guerre se frayer un chemin dans les rangs de légions de l’ennemi.

Au bout d’un bon quart d’heure de laborieuse progression, le marchand nous invita à emprunter un escalier qui nous mena dans les étages les plus élevés du dôme. Précéder par une procession qui ne cessait jamais de désemplir, nous gagnâmes avec enthousiasme notre destination.

Le marchand éleva la voix pour se faire entendre de Cyclope et moi.

Je vous amène vers notre cheffe, nous ne sommes plus très loin du temple du désir, notre destination. J’espère que vous avez apprécié l’accueil, sachez que vous n’êtes pas au bout de vos surprises.

De par la vue en hauteur que l’escalier nous offrait nous surplombions la plaine que nous venions de quitter, nous permettant d’observer plus en détail les occupations et les habitudes des autochtones. Nous voyons un groupe d’enfant jouer ensemble à s’attraper les uns les autres, d’autres qui dansaient en rondes gaiement avec nulle autre prétention que celle de rire, en toute espièglerie. Plus loin, je voyais un groupe de femmes et d’hommes s’adonner à des activités de broderie avec un ensemble de textiles colorés, ils composaient collectivement une seule et unique œuvre de ce que j’imaginais être une tapisserie colossale par ses proportions. Non loin de ces deux groupes, je pouvais un groupe d’hommes s’enlacer, s’embrasser et forniquer en toute impudeur et sans que cela ne choque qui que ce soit. Un groupe de femme profitait d’une source d’eau chaude pour se rafraîchir, se laver, se détendre et… joyeusement copuler dans les rires et les gémissements de plaisir. Chacun ici semblait libre, c’était comme si le reste de l’humanité avait toujours été captif de leur pudeur. S’il était étonnant de voir des enfants naïvement s’amuser autour de ces gens, ils n’avaient pas eux-mêmes l’air choqué et personne ne semblait s’en formaliser. Comme s’il était normal de voir des gens faire l’amour. Que le simple fait de qualifier leurs agissements de comportements déviant faisait de nous des gens anormaux. Rapidement, Cyclope et moi ne nous en formalisions même plus.

Suite à un certain temps d’ascensions, nos pas nous menèrent au point culminant du dôme. Une large bâtisse soutenue par des piliers en forme de sabliers, dont les énormes marches nous demandèrent un ultime effort de motivation après cette journée riche en efforts et en surprises. De part et d’autres, les colonnes étaient entourées de statues d’hommes au sexe dressés, dans des poses aux formes suggestives mettant également en valeur la courbure de leurs fessiers. D’autres statues de femmes se présentaient dans des expression lascives ou allongées, avec souvent deux doigts au niveau de leur vulve qui venaient écarter les lèvres de leur intimité pour se révéler au regard de qui s’y intéresser. Il m’était de plus en plus difficile de réprouver le désir qui en cet instant bouillonnait dans mon bassin, je sentis un feu intérieur me consumait… il était plaisant de perdre cette bataille, pourtant je m’efforçais de me tenir alors même qu’il aurait suffi de ralentir la cadence et de laisser la foule me rattraper pour m’abandonner à ce feu intérieur.

Notre randonnée touchait à son terme, au fronton de cette magnifique architecture, je pus enfin lire que nous étions arrivés à destination, nous franchissions le seuil du temple du désir pour immédiatement être accueillis par des effluves très… enivrantes.

Une avalanche de stimulus olfactif envahit nos corps haletant de fatigue. Une odeurs d’encens aux effluves de citronnelles et de gingembres me saisit immédiatement. Bientôt cette délicieuse senteur se nimba d’odeurs musquée, non moins saisissante, de sueur et d’effluves sensuelles. La salle résonnait de gémissements de plaisirs qui immédiatement fit accélérer les battements de mon cœur. Immédiatement Cantharis nous intima d’enlever nos chaussures avant de pénétrer davantage dans ce lieu sacré. Les lieux avaient une dominante de couleur écarlates, de rose fuchsia et d’ocre. Notre chemin étaient pavés de brodures, de fresques et de tapisserie à l’effigie d’actes charnels ou célébrant un exhibitionnisme exalté. On y voyait également d’élégants coussins satinés qui décoraient les lieux autant qu’ils invitaient à se prélasser. Tout n’était qu’une invitation au plaisir.

Après quelques pas seulement, nous observions un premier groupe s’adonner aux plaisirs de la chair. Trois couples de personne nues célébraient le désir en copulant tous ensemble, échangeant parfois de partenaire quand l’envie leur en prenait. À notre arrivée, parmi ce groupe une femme chevauchait un homme dans une danse lascive. Elle se tenait au-dessus de son partenaire allongé, en empalant sa féminité sur la verge offerte de son partenaire, les cuisses de part et d’autres du bassin de son compagnon. Elle avait des airs de femme intrépide, ses mouvements, son attitude, sa posture me rappelait celle d’une héroïne antique. Une héroïne qui, de sa seule présence, avait le pouvoir de retourner un conflit, et ce par la seule force de son aura. Une aura qui enveloppait son être d’un charisme assourdissant.

Une nymphe qui se révélait dans sa ferveur. C’était cela que je voyais dans cette femme. Elle avait, en cet instant, le pouvoir de faire naître ou de briser toute forme de passion. De faire ou de défaire en un claquement de doigt. Sa chevelure couleurs des blés, des lèvres pulpeuses appelaient à la sensualité alors même que ses gémissements louaient sa férocité. Je ne pouvais voir plus en détail les traits de son visage, son cou arqué m’interdisait de voir le reste de son expression. Je devinais tout de même qu’elle gardait les yeux fermé pour mieux s’adonner à sa transe sexuelle. Par réflexe, j’aurais voulu que mon regard s’interrompe là, mais un voyeurisme que je me découvrais pris la décision de me laisser aller à l’indécence, si tant est que ce terme ait le moindre sens ici.

Mes yeux parcourent son corps plus en avant pour bientôt que mon regard fonde sur sa poitrine rebondie, amplement arrogante et dont le galbe sphérique sonnait comme une invitation à y reposer les mains. Ses seins rebondissaient dans une danse sensuelle, au rythme de ses va-et-vient frénétiques. Elle-même venait parfois soutenir ses délicieuses rondeur pour venir porter un téton en bouche et laper voluptueusement ses propres formes. Mon regard descendit plus encore vers son nombril, je me mordais déjà les lèvres pour contenir mon désir. La cambrure de son dos mettait en valeur un aguichant fessier en forme de cœur qui battait le rythme de sa jouissance à venir. Elle n’avait pas forcément la croupe la plus imposante du monde, juste deux jolies fesses dont la simplicité faisait tout leur charme. Nulle opulence mais dans leur simplicité un charme qui hypnotisait le regard.

D’une main elle prenait appui sur le torse duveteux de l’homme totalement impuissant face à la charge endiablée de cette déesse incarnée. Son autre main alternait et se promenait entre sa poitrine et sa vulve qu’elle n’hésitait pas à stimuler pour porter son plaisir à effervescence.

Ses seins, son visage, ses cuisses, son dos, ses fesses… autant d’instrument dont elle jouait à la perfection pour interpréter la partition du plaisir. Toutefois le corps de son partenaire n’était pas en reste. Il arrivait fréquemment qu’elle délaissa son propre corps pour venir se poser sur celui de son compagnon. Massant son torse, ses pectoraux, ses abdominaux, pour lentement descendre sur son bassin, puis enfin, atteindre ses bourses qu’elle venait successivement effleurer, chatouiller puis empoigner d’une douce étreinte ou bien masser avec délicatesse. Quand elle le devinait réellement aux portes de l’orgasme, elle cessait ses caresses, pour à chaque fois le maintenir au bord de la libération salvatrice. Il devint bientôt irréfutable qu’elle maîtrisait autant son plaisir que celui de son partenaire.

L’homme qu’elle chevauchait me paraissait foncièrement dominé par la danse qu’impulsait sa partenaire, pour autant, il me parut tout autant passionné. Le terme exact aurait été dépassé par sa transe. Il n’était plus là et il était totalement là. Dans son regard absent et concentré, je lisais une expression fascinante, comme si dans une quête désespérée, il essayait de maîtriser un typhon qui inexorablement s’abattait sur lui et le domptait de sa fougue. Il était chevauché par la grâce, savourant son extase comme s’il était consumé par un feu divin et purificateur. De corps, il n’était pas particulièrement bien formé, son corps était assez commun, pas particulièrement athlétique ni impressionnant. Cela dit, envoûté par l’élan de sa partenaire, l’extase façonnait son éclat : il renvoyait une image d’abandon de soi et se dévouait corps et âme au plaisir de sa partenaire, autant qu’il le pouvait. Au-delà de sa beauté physique, cette représentation à elle seule était d’une beauté rare. Totalement en sueur, c’était comme s’il en avait été oint de fluides sexuels, donnant un éclat à sa peau qui faisait reluire ses formes. Le sourire qu’il arborait était celui de la béatification. Ses cheveux noisette aplatis de sueur présentaient encore de jolis boucles naturelles. Je n’eus pas le loisir d’admirer son visage plus en détail. Pas plus que son bassin caché par la position de sa partenaire, mais je devinais à son déhanché frénétique qu’il n’était pas à son premier baptême de l’air.

Les deux scandaient en chœur les chants du ravissement, de l’extase et du vertige.

Encadrant de part et d’autre ce couple qui dominait cette scène, Il y avait deux hommes qui s’apportaient mutuellement du plaisir dans un ballet silencieux.

L’un arborait des formes que d’aucun aurait pu qualifier de disgracieuse, d’une corpulence plutôt enrobée, de larges pieds inélégants, mais de jolis cheveux longs qui encadraient son visage d’une jolie robe rousse. Il était pourvu d’un torse particulièrement velu qui entourait son buste d’un pelage brun orangé que l’on devinait soyeux. On percevait au travers de sa corpulence qu’il exécutait depuis longtemps un métier physique. Ses larges mains renforçaient plus en avant cette impression. Dans d’autres circonstances, j’aurais dit qu’elles étaient faites pour le travail de la terre ou pour couper du bois. En cet instant pourtant, je ne voulais qu’une chose : que ses bras musculeux entourent mon torse et me bercent d’une chaude étreinte.

D’ordinaire, je ne l’aurais pas trouvé particulièrement beau, mais j’étais saisi par l’image qu’il reflétait. Dans le feu de l’action, en plein acte sexuel il rayonnait d’une rare beauté. L’essentiel de ses mouvements étaient focalisé sur la virilité de sa partenaire qu’il entourait de caresses raffinées. Il laissait serpenter sa langue charnue et humide tout le long du phallus de son partenaire. Maniant son appendice buccal comme un artiste maniait son pinceau, esquissant l’orgasme son partenaire dans son tracé sinueux. Loin d’être inactif de ses mains, il venait régulièrement flatter les bourses de son partenaire en appliquant ses paumes pour venir doucement réchauffer, effleurer ou masser son scrotum.

Alors que son apparence sous-entendait un homme bourru, indélicat et frustre, l’attention infinie qu’il accordait au sexe de son partenaire était à l’inverse de ce que l’on imaginait. Il déconstruisait à lui tout seul tout forme de stéréotype physique tant son attitude et l’exécution de ses attentions suggérait au contraire un être subtil et sensible. Sa respiration haletante soulevait sa poitrine au rythme de ses efforts et de son excitation. L’expression qu’il affichait sur son visage décrivait une réelle concentration pour ne pas chavirer sous les efforts de son partenaire.

Lorsque mon regard se promenait plus bas au niveau de ses hanches, j’eus tout le loisir de découvrir qu’il était fort bien membré. Malgré les efforts de son partenaire qui engloutissait ce qu’il pouvait de la verge de son amant, il en restait une large partie qui s’offrait à mon regard. Je voyais sur son phallus dressé, l’écume de son partenaire retomber en cascade sur ses bourses et ses poils pubiens.

Son partenaire était quant à lui plutôt de taille moyenne, plutôt maigrelet. Ses longs cheveux poivre et sel retombaient en cascade sur ses épaules. Son visage très légèrement ridé faisait ressortir un charme indéfinissable. On devinait de très jolis yeux bleus derrière ses lunettes élégantes. Loin d’être musclé, il y avait quelque chose dans son expression, sa corpulence ou son aura qui suggérait un métier d’artiste ou d’intellectuel. Au vue de l’absence totale de poil sur la totalité de son corps, l’évidence suggérait qu’il s’épilait régulièrement. Son absence de pilosité laissait tout le loisir à mon regard de se promener sur ses formes et d’en apprécier les courbures. Je n’aurais su dire comment ni pourquoi, mais son physique me donnait envie de lui plaire. Le charme qu’il déployait dépassait la raison ou la pudeur. Son torse chétif, à l’inverse de son amant, me donnait envie de l’emprisonner dans mes bras et de le garder pour moi. Quand mon regard se hasarda au niveau de ses hanches, j’eus la surprise de voir que son bassin se terminait en une forme de “V”, comme si le chemin amenant à son sexe était balisé par son propre corps. Sa verge n’était ni aussi imposante, ni aussi large que celle de son partenaire, et d’aucune manière cela n’entachait le portrait que cet homme magnifique renvoyait. Il avait l’air ni de complexer à ce propos, ni de frustrer son amant. De ses lèvres fines, il emprisonnait le membre de son partenaire dans une étreinte humide et chaleureux. Ses joues creusées par l’effort suggéraient qu’il assénait d’énergiques coups de langue au phallus de son amant, tout autant qu’il le suçait avidement. Incapable d’enfourner la totalité de la virilité de son compagnon, il empoignait la base de son pénis de sa main moite pour imprimer un mouvement de va et vient véloce et frénétique. Je ne parvenais pas à savoir comment son partenaire résistait à ses assauts.

A l’autre extrémité, deux femmes étaient étendues l’une sur l’autre, chacune prodiguant à l’autre des caresses de nature totalement différentes.

J’attardais mon attention sur celle des deux qui me parut la plus cavalière. Elle arborait une coupe de cheveux des plus singulières : rasée de prés sur les côtés et pourvue d’une crête iroquoise aux couleur chatoyante, teintée d’un jaune et d’un violet qui saisissait le regard. Ses yeux étaient maquillés de khôl, soulignant son regard d’une large bande noir. Sa lèvre inférieure était percées d’un anneau de métal. L’ensemble accentuait un aspect guerrier dans l’expression de son visage. Une sensation qui était renforcée par son allure et son attitude. Elle était plutôt petite. De prime abord, elle ne semblait pas d’une carrure particulièrement remarquable. Elle était pourvue d’un cou allongé qui débouchait sur un buste hors du commun. À sa poitrine absente et aux larges cicatrices qui recouvraient son torse, on devinait qu’elle avait subi une lourde opération. Mon regard chemina ensuite au niveau de son nombril où je découvris une musculature parfaitement formée, des abdominaux saillants qui encadraient son abdomen d’un carrelage de chair symétrique. Mes yeux descendirent ensuite pour admirer ses fesses musclées, dont on devinait la fermeté seulement en l’observant, ses courbures décrivaient un arrondi que seul un exercice régulier et intensif pouvait obtenir. L’espace de quelques instants, mon regard se perdit en elle et plus rien d’autre n’existait. Son corps se terminait en de longues jambes athlétiques et musculeuses, jambes dont je devinais qu’elle pouvait manier à la perfection, tant pour le désir que la violence. Son physique étonnait, mais passé la barrière de la surprise, cela ne faisait que renforcer le charisme qu’elle exhalait par tous les pores de sa peau. Elle était positionnée au-dessus de sa partenaire, la dévorant des yeux en lui adressant des sourires lubriques. Son regard était la promesse d’un plaisir à venir.

La femme qui partageait sa couche était d’une nature très différente. Ses longs cheveux verts étaient noués en deux couettes qui séparaient son crane en deux axes parfaitement symétriques et dégageaient son visage. Elle était plutôt de grande taille. Loin d’être obèse, elle présentait un léger embonpoint qui, loin de dénaturer ses formes, lui conférait au contraire un aspect réconfortant. Ses yeux en amande et ses sourcils parfaitement dessinés donnaient un côté perçant à son regard. Ses joues de pêches subtilement rougie par l’excitation et ses lèvres entrouvertes établissaient l’intensité de son effervescence. De petites taches de rousseur parsemées autour de son nez et de ses joues venaient parfaire un visage pourvu d’un charme indéniable. En cet instant, totalement saisie par l’impétuosité de sa partenaire, elle arborait un regard totalement hypnotisé, absorbée par la transe qu’imprégnait son amante. La manière dont elle se mordait les lèvres pour étouffer ses gémissements de plaisir était une des plus belles expressions qu’il m’ait été donné de voir. Ses bras ouverts ne pouvaient signifier qu’elle s’en remettait aux attentions de sa partenaire. Plus encore, elle les attendait impatiemment. Mon regard se glissa un peu plus bas pour admirer sa poitrine dont les mamelons pointaient chacun en des directions opposées. L’écart entre ses seins était assez prononcé, laissant un petit espace dégagé qui me donnait envie d’y poser la tête ou, n’écoutant que ma lubricité, d’y faire glisser mon sexe. Son ventre à peine arrondi se soulevait frénétiquement, au gré de son excitation. Je n’eus pas le loisir d’admirer son fessier. A la place, du fait de sa posture, de ses jambes écartées, elle offrait à sa partenaire et à nos yeux, une vue resplendissante sur son entrecuisse, ses lèvres intimes perlantes d’excitation, un très léger duvet blond recouvrait ses cuisses imposantes. Cuisses avec lesquelles elle emprisonnait sa partenaire d’une étreinte passionnée et infranchissable.

La femme aux cheveux violets et jaune se mit en action en laissant un doigt agile se promener délicatement sur son cou. Avec une lenteur calculée, elle le fit glisser lentement sur le buste de sa partenaire pour suivre le tracé de ses seins avec une douceur infinie, avant de noyer son cou d’un torrent de baiser. De son autre main, elle glissa son pouce dans la bouche entrouverte de sa partenaire, tout en lui intimant du regard de la sucer. Son amante s’exécuta immédiatement avec docilité. Soudainement, la femme aux cheveux bicolores bascula de la douceur à la brutalité. Ses baisers se muèrent en morsures qui marquèrent le cou de sa partenaire de petites empreintes rouges. Alors qu’elle effleurait jusqu’alors la poitrine de son amante, elle la pétrissait désormais avec voracité, des deux mains, comme pour lui indiquer que ce corps était sien désormais.

Il y avait toutefois une forme de sauvagerie, d’imprévisible dans l’expression de sa sensualité. Elle m’effrayait autant qu’elle m’impressionnait. Jamais je n’aurais souhaité me mettre en travers de son chemin. J’avais la sensation de voir une araignée faire l’amour à un papillon.

Ses mains descendirent ensuite vers le nombril qu’elle chatouillait de manière espiègle avant de repartir dans un volte-face de violence, griffant et traçant des sillons rougeâtres sur la peau de sa compagne. Atteignant son bas ventre, elle prit un temps de pause pour la faire bouillonner d’excitation puis elle poursuivit plus en avant ses attentions. Ses mains se glissèrent le long des jambes de sa partenaire, partant de son tibia pour lentement remonter à son entrecuisse dans une caresse aérienne qui ne manqua pas de faire défaillir sa compagne, tremblante de désir. Puis, de sa langue experte, elle traça les contours de sa féminité, mordillant très légèrement le bouton de chair qui surplombait son sexe tout en empoignant à pleine main ses seins offerts. La femme aux cheveux couleur émeraudes me sembla défaillir de plaisir et resserrer l’étreinte qu’elle imposait de ses cuisses à son amante. D’une main, elle pressa le visage de sa partenaire contre ses lèvres intimes, la contraignant à poursuivre, renversant par la même la relation de domination que sa partenaire impulsait. Ce simple geste provoqua un rire vibrant de sensualité à sa compagne qui aussitôt s’exécuta et intensifia ses caresses. Ses caresses alternaient continuellement entre une passion dévorante et une retenue insupportable. Elle contrôlait l’excitation de sa partenaire et prenait un malin plaisir à la maintenir au bord du gouffre.

Leur étreinte charnelle ne ressemblait d’aucune façon aux deux autres, elle me troublait autant qu’elle m’excitait.

Au bout d’un certain temps, la femme qui chevauchait l’homme s’interrompit en prenant conscience de notre présence. Elle nous jeta un regard bouillonnant d’intensité et d’une voix impérieuse nous commanda.

-VOUS. VOUS TROIS. ICI. MAINTENANT. AVEC NOUS.

Sa voix n’était ni un appel à négociation ou à hésitation. Elle dirigeait et nous exécutions. Nous quittions nos vêtements comme s’ils n’avaient jamais été autre chose qu’une gène avant de rejoindre ce ballet des plaisirs. Tous les membres de ce ballet endiablé s’interrompirent pour nous venir poser leurs mains sur nos corps, nous découvrir au travers du toucher. Je sentis se promener sur mes joues, mon torse, mes fesses et même mon sexe, la caresse de multiples mains qui vinrent empoigner, frôler, masser ou titiller des parties de mon corps. Il y avait tant de stimulations que leur seul contact manqua de me faire défaillir. Je m’abandonnais dans le désir et immédiatement vint m’allonger pour les rejoindre. Mes joues rougirent d’embarras, je n’avais pas l’habitude de me laisser aller à l’excitation, encore moins en groupe, ici cela n’avait rien que de très logique, et pourtant…

Immédiatement la femme dotée d’une crête jaune et violette quitta sa partenaire et l’homme légèrement en surpoids parmi le groupe d’homme s’interrompirent pour venir me rejoindre. Alors que la femme se mit à frotter ma verge contre l’entrée de sa vulve, l’homme quant à lui me présenta son sexe que je me mis instinctivement à suçoter.

Jamais je n’avais fait ça. Pourtant tout cela ne me parut que très logique sur l’instant. Je perdis toute notions du temps. Il me fallut un certain temps avant de me rendre compte que Cyclope et Cantharis recevaient des faveurs similaires. Bientôt à nous tous, nous formions statue vivante formé de corps mobile à l’effigie du sexe et du désir.

Pendant un certain temps, un temps qui resterait à jamais gravé dans ma mémoire, je m’oubliais. J’oubliais mon esprit défaillant, mes troubles, mes soucis, mes besoins, mes problèmes. Je n’existais plus que pour cet instant. J’aurais bien peine à décrire cette expérience plus en détail, je n’en conservais que des flashs, que de brefs moments, des pics d’intensités qui me revenait de temps à autre, sans que je n’ai de vrai contrôle dessus. Comme un rêve intangible, insaisissable. Plus je m’efforçais de me remémorer ces instants et plus mon souvenir se faisait flou.

Le plus mémorable dans cet événement résidait plutôt dans le mental. A ce titre cette expérience marqua mon esprit au fer rouge. Non seulement j’étais capable de m’oublier, mais j’étais capable également de le faire en groupe. De cette initiation, au-delà des simples plaisirs de la chair, j’en retins un moment de recueillement ou chacun était voué au plaisir d’autrui, un moment transcendantal qui dépassait les corps et les esprits.

Quand chacun fut entièrement satisfait par notre moment de communion collectif, la plupart regagna la sortie, nous laissant Cantharis, Cyclope et moi en compagnie de cette femme magnifique aux couleurs des blés. Nous restâmes tous un moment, toujours haletant et pantelant d’émerveillement face au moment que nous venions de vivre.

La sublime inconnue se leva en première, elle gagna un banc sur lequel reposait ses vêtements. Elle se rhabilla devant nous, dans un spectacle empreint d’un érotisme raffiné, sous nous regards hypnotisés et conquis. Elle se saisit d’abord de son sous-vêtement. Un string émoustillant qui épousait à merveille le galbe de son fessier, immédiatement sa seule vue embrasa à nouveau le feu mon bassin. Je ne me sentais plus en capacité de participer à l’acte sexuel, pourtant la seule vue de ce spectacle m’en fit douter. Quand elle arqua sa colonne vertébrale pour enfiler son sous-vêtements, elle le fit en se penchant et nous offrant une vue somptueuse de sa délicieuse chute de rein. Nous louions ses formes de nos regard conquis. Puis elle se redressa, nous jeta un regard, un sourire qui manqua de me faire défaillir, elle savait sans se retourner que nous la dévorions des yeux et affichait un regard satisfait à cette idée, un regard suintant d’une passion érotique. Une fois que, de ses doigts de fée, elle eut bien vérifié que le pli de sa lingerie suivait bien le tracé de ses fesses, elle se redressa pour se tourner vers nous. Elle dégagea quelques mèches de cheveux qui lui pendait sur son buste pour les ramener en arrière et découvrir sa poitrine généreuse. Se faisant, elle nous permit d’en apprécier les contours, leur forme, se délecter de ses savoureux mamelons qui m’évoquaient deux diamant précieux ornant le plus magnifique des bijoux.

Elle se saisit de son habit pour l’enfiler en un éclair. C’était une sorte de toge bouffante aux motifs rouge et blanc, légèrement transparente, laissant deviner au travers du tissu, sa poitrine bombée et le string découpant admirablement les formes de son fessier. Sa toge était maintenue par une petite ceinture doré du plus bel effet, dont la couleur rappelait la blondeur de ses cheveux.

Percevant que nous ne perdions pas une miette du spectacle vibrant d’érotisme qu’elle nous proposait, l’expression de son visage feignit l’indignation dans un hoquet, un petit tressautement qui accusait l’impudeur de notre regard avant de pouffer de rire. Avant de faire une petite toilette et d’arranger ses cheveux comme elle l’entendait.

Une fois vêtue, elle resta un moment à nous admirer, jusqu’à ce que nous primes conscience que nous étions béa d’admiration et toujours nu. Elle se délecta du même plaisir qu’elle venait de nous offrir, savourant nos corps du regard dans un voyeurisme espiègle. Quand nous eûmes terminés, elle prit la parole.

Elle parlait avec la majesté d’une dame qui ne souffrait pas de voir son autorité bafouée. À bien des égards, elle était incontestable. On aurait pu lui offrir le monde, elle n’avait qu’à le souhaiter.

-à bien des égards, nous pourrions dire que les présentations sont déjà faites… Je vous connais déjà amplement. Cela dit, charmants jouvenceaux, dites-moi vos noms.

Le géant à la peau d’albâtre hocha la tête et prit la parole à la suite de la femme.

-Cyclope, du repère des tocards.

Au terme d’une légère révérence, je poursuis d’une voix troublée.

-Zachary Tempès, du dôme de la vue.

La femme écarquilla les yeux puis éclata de rire avant d’applaudir.

-Fascinant… fascinant. Cantharis, tu as bien fait de les amener à moi. Ton initiative ne manquera pas d’être récompensé. Nous reviendrons peut-être sur le jugement rendu à ton égard. Pour l’heure, suivez-moi… il est temps d’aller aux thermes.

Joignant le geste à la parole, elle s’inclina respectueusement vers Cantharis pour lui signifier sa gratitude. Puis elle se retourna vers nous.

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