J'irai jusqu'au bout
Oleg n'avait qu'une idée en tête : envoyer son article.
Il replia ses jambes. Un courant d'air glacial parcourut son dos. Recroquevillé sur le sol, il prenait conscience qu'il s'en sortait bien, malgré une douleur lancinante dans sa jambe droite.
Son corps se délia ; il parvint à s'assoir. Tatonnant dans l'obscurité, sa main trouva le rebord du lavabo et s'y agrippa. Tirant de toutes ses forces, il se releva en s'appuyant sur sa jambe valide.
Le souffle de la déflagration l'avait projeté à terre alors qu'il s'apprêtait à sortir pour diner. Le néon du restaurant indien de l'autre côté de la rue diffusait sa lueur blafarde dans le salon. Des débris de verre jonchaient le sol. Il s'approcha lentement de la fenêtre. Tout paraissait calme à présent.
Les lumières de la ville lui paraissaient douces, si belles. Il sentit des larmes couler sur ses joues. Il ne comprenait plus ce pays ravagé par la guerre.
En face, dans l'appartement du troisième étage, la vieille dame au peignoir violet fixait l'écran bleuté de son téléviseur, indifférente, en buvant sa soupe instantanée. Pendant qu'à quelques mètres d'elle, il avait failli crever.
Son regard s'attarda quelques instants sur le viel exemplaire du "Monde" posé sur la table basse. A la Une, s'étalait le gros titre qui avait déclenché son retour sur le terrain, échappant ainsi à l'ennui de la maison mère.
" Dmytro Khyliuk aurait dû fêter son anniversaire en famille cette semaine ... Est-il mort en Ukraine ou est-il retenu contre son gré en Russie ? "
Oleg ouvrit l'ordinateur, miraculeusement intact. La page d'accueil de sa messagerie éclaira son visage. Il sélectionna le brouillon, le relut rapidement. Il vérifia que la pièce jointe était bien la dernière version, et cliqua sur "Envoyer".
S'il ne s'échappait pas de cet enfer, sa rédaction aurait au moins de nouvelles pistes pour retrouver son jeune frère.
Annotations
Versions