Quand la journée change de couleur

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Chapitre 4

Vendredi déjà, et pourtant… pas de week-end pour moi. Je fais partie de ces courageux discrets qui travaillent le samedi, pendant que d’autres enchaînent les brunchs au mimosa et les siestes sans alarme. Mon jour de repos ? C’était hier. Jeudi. Le jeudi, ce jour étrange entre deux obligations, ni vraiment au milieu, ni tout à fait à l’écart. Mon entre-parenthèses préféré.

Et comme toujours, il est passé en un battement de cils. Pfft.

J’ai passé la matinée dans ma grotte personnelle, mon appartement, ce petit repaire douillet où le monde extérieur ne m’atteint pas. Installée sur le canapé avec un livre, une tasse de thé tiède oubliée sur l’accoudoir et Louve en guise de garde rapprochée, j’ai lu. Vraiment lu. Pas pour m’endormir. Pas pour cocher une case. Juste pour m’évader.

Ensuite, comme dans un vieux clip des années 2000, j’ai mis de la musique en fond, un mélange approximatif de nostalgie et de refrains honteux, et j’ai nettoyé l’appartement. Tu sais, cette frénésie soudaine qui te pousse à ranger tes tiroirs comme si ta paix intérieure en dépendait. Peut-être qu’elle en dépendait un peu, d’ailleurs.

Vers la fin de journée, le soleil faisait mine de se coucher tout doucement, et j’ai ressenti ce besoin diffus mais irrépressible de respirer ailleurs. Je suis sortie. Une promenade dans la ville, sans but précis, juste pour marcher, regarder les vitrines sans vraiment les voir, sentir l’air, même s’il sentait les frites et l’échappement.

Rien d’extraordinaire. Juste une journée.

Aujourd’hui, la journée a filé à toute allure, mais pas dans le bon sens du terme. Pas ce genre de journée qui passe vite parce qu’elle est remplie de choses exaltantes, non. Celle qui t’échappe des mains comme du sable humide, en ne laissant qu’une fatigue sourde derrière elle. Et quand j’ai levé les yeux, on était déjà en plein après-midi. Comme ça. Sans préavis.

Je me dirigeais vers la caisse d’un pas plus las que pressé, appelée en renfort par Catherine, ma collègue méthodique et toujours un peu trop zen, qui m’attendait avec ce regard typique de “désolée, mais c’est tombé sur toi”.

Face au comptoir, elle m’a tendu un panier en osier gris, tissé avec l’arrogance discrète des objets qui ont l’air banals mais qui provoquent la panique dès qu’ils perdent leur étiquette.

— Aline, tu saurais me donner le nom de ce panier, qu’on puisse retrouver sa référence, s’il te plaît ?

J’ai regardé la chose. Posé mes yeux dessus comme si je l’interrogeais personnellement. Et d’un ton automatique, le genre qu’on adopte quand le cerveau a mis son pyjama et refuse de collaborer davantage et j’ai répondu :

— C’est une corbeille Curvy. Modèle Muraille, vu sa couleur.

Elle a pris note, toujours aussi calme, comme si la vie n’était jamais qu’un gigantesque catalogue à recenser.

— Et sa contenance ?

J’ai levé les yeux. Pas sur elle. Sur moi, intérieurement. J’ai regardé le dessous du panier, et avec un soupir presque visible :

— C’est indiqué en dessous. Mais à vue d’œil, elle fait quarante litres.

J’ai dit ça avec ce ton semi-agacé qu’on utilise quand on sait qu’on est en train de perdre notre sang-froid pour un panier tissé, mais qu’on le fait quand même.

J’étais tendue. Une de ces journées où tu cours littéralement partout, sauf vers un thé tranquille ou une pause qui dure plus de quatre secondes. Un collègue en arrêt, encore. Pas vraiment malade, évidemment, juste professionnel dans l’art de faire semblant. Résultat : quatre rayons pour moi. Quatre. Huit allées à gérer. Deux bras. Un seul cerveau. Zéro patience. La mise en rayon ressemblait plus à une course d’obstacles et les clients surgissaient de nulle part comme des pop-ups malveillants.

Et c’est précisément dans cette ambiance-là qu’on m’appelle… pour une “urgence”.

Traduction : un problème qui aurait pu se régler par téléphone, pigeon voyageur ou même télépathie.

Donc forcément, j’ai traversé tout le magasin en traînant mon corps comme un sac de courses oublié au soleil. Et là, au détour d’un rayon, je me retourne un peu trop vivement et je me retrouve nez à nez avec... Pierre.

Je sursaute, recule de deux pas, manque de lui renverser mes nerfs à la figure.

— Oups ! Désolée, je ne m’attendais pas à avoir quelqu’un derrière moi.

Il rit. Ce rire un peu grave, pas moqueur, mais qui glisse comme une caresse entre les épaules. — T’inquiète pas. Mais tu sembles un peu sur les nerfs... tout va bien ?

J’ai soufflé. Pas par charme, hein. Par surchauffe mentale.

— Oui… enfin non. C’est une journée où il faut être partout et nulle part en même temps. Et franchement ? Ça commence à être lourd.

Il m’a regardée avec cette expression douce qu’ont les gens qui sont déjà passés par là.

— Je comprends. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai quitté ici, tu sais.

J’ai esquissé un sourire, la version fatiguée de “je t’écoute, mais j’ai aussi des palettes à déballer.”

— Je tiens le coup sous pression. Mais y a des jours où… ma patience a l’élégance d’un cookie humide. Et là, j’ai des clients qui m’attendent. Encore.

— Courage, tu es une battante, ça se voit. Je vais te laisser bosser, mais... (il s’est rapproché d’un pas. Pas collant. Juste... précis.) Si un jour tu veux t’aérer la tête, marcher un peu, respirer autre chose que les étiquettes et la clim’... viens te balader avec moi. Sérieusement. Ça te dirait ?

Et là, il a glissé un petit papier dans ma main. Comme dans un film mal doublé. Un vrai bout de papier. Son numéro griffonné dessus.

Je lève les yeux. Son sourire.

Et moi, évidemment, je bafouille comme une ado qui découvre qu’on peut être charmée entre deux cartons de vis.

— Pourquoi pas... Avec plaisir. Je... je te tiens au courant.

Il a ri. Ce genre de rire qui efface un peu la fatigue du front.

— J’attends ton message. Et j’espère que ton joli sourire ne sera plus jamais gâché par des collègues incompétents.

Rouge pivoine. Je suis repartie dans mon rayon en trottinant, le cœur un peu plus léger, le bout de papier bien au chaud dans la poche de mon pantalon. Et, pour la première fois de la journée, j’ai eu l’impression qu’il se passait autre chose. Quelque chose pour moi. Rien qu’à moi.

Après ma journée de travail, j’attendais Chloé. Sur le parking gris, un peu vide, un peu fatigué lui aussi. Je fumais une cigarette, comme on respire à travers les fissures. Et pendant que la fumée s’élevait en spirales paresseuses, mes pensées dérivaient doucement vers Pierre.

Après l’avoir croisé, il m’avait laissée avec un mélange curieux entre malaise diffus et curiosité glissante. Il y avait quelque chose chez lui. Peut-être ses cicatrices. Pas celles de l’âme, celles-là, il les cachait mieux, mais celles plus visibles, sur son visage. Marque du passé. Probablement de l’acné, ou d’une vie pas toujours tendre. Et puis, cette assurance... cette manière de prendre de la place dans l’espace sans même élever la voix. Un peu trop. Un peu trop vite. Un peu trop près.

Pourtant, son sourire. Ce sourire-là, plein d’une chaleur inattendue, presque protectrice. Et sa carrure large, comme une promesse muette qu’aucun cyclone ne pourrait emporter la maison. Il avait l’air... bienveillant. Un type sympa. Le genre de mec qui dit “t’en fais pas” et que, bizarrement, tu as envie de croire. Et franchement, pourquoi pas lui donner une chance ? Pourquoi ne pas prendre le risque de connaître quelqu’un qui pourrait me surprendre ? Mieux vaut ça que de continuer à parler à des inconnus flous à travers un écran, en se demandant si c’est vraiment ça, vivre.

Je me suis perdue dans mes pensées. Dans l’étrange confort de l’attente et de l’analyse, jusqu’à ce qu’un klaxon secoue mes réflexions comme une gifle douce.

Je sursautai. Tourna la tête. Et là, comme un clin d’œil de la vie : la petite Twingo rouge de Chloé, garée juste devant moi. Moteur encore ronronnant, musique sûrement à fond, elle agita la main par la fenêtre en souriant.

« Eh bien, au lieu de rêvasser comme une héroïne de roman en pleine crise existentielle, tu ne veux pas monter dans la voiture ? » me lança Chloé avec ce sourire mi-moqueur, mi-complice qui lui allait si bien. Je grimpai à bord de sa petite Twingo et lui fis la bise.

La radio hurlait "Hymn For The Weekend" de Coldplay, volume max comme si la voiture elle-même voulait partir en rave. Chloé baissa un peu le son, mais pas trop. Juste assez pour que nos voix puissent se frayer un chemin entre deux basses.

— Comment ça va, ma belle ?

— Oh, drôle de journée. Arthur est encore porté disparu, on dirait qu’il collectionne les arrêts maladie comme d'autres collectionnent les mugs avec des chats. Depuis ton départ, c’est la foire. On rame. Littéralement. Il nous met dans une panade monumentale.

— Il est insupportable, ce mec. Vraiment. Mais allez, courage ! Encore une journée et tu seras libre comme l’air.

— Oui, je tiens le coup. Et toi, des nouvelles ? Des bonnes vibes à partager ou tu viens me distraire de mes névroses ?

Elle eut ce petit sourire mutin qui veut dire “j’ai un truc à raconter mais je vais faire durer le suspense.”

— Très bien, en fait. J’ai passé un entretien dans une agence de com. Plutôt cool. Je croise les doigts... Et après, j’suis allée voir ma jument. Tu sais, au pré. Elle m’attendait comme si j’étais Beyoncé. Trop mignon.

— Ah mais c’est génial ! Pour l’entretien. Je croise fort les doigts pour toi.

— Merci. (Et là, elle me sort sa bombe du soir, avec un petit haussement d’épaule parfaitement maîtrisé.) Par contre, l’un de mes ex, Rémy, bosse là-bas.

Je me suis redressée sur mon siège.

— Oh non… sérieux ?

Elle haussa les sourcils.

— Eh oui. Mais bon, on s’est quittés en bons termes. Qui sait... peut-être qu’on peut bosser ensemble sans s’étrangler. Ou pas. (Clin d’œil. Évidemment.)

Je crois que je n’ai jamais vraiment su décoder Chloé.

Elle est belle. Pas juste “jolie”, pas “sympa”, non : belle, comme ces filles qu’on remarque dans la rue même quand elles ne font rien pour. Une beauté naturelle. Mais derrière cette allure d’héroïne qui maîtrise tout, il y a ce truc que je ne comprends pas chez elle : elle retourne toujours vers ses ex. Toujours.

Comme si elle gardait tous ses souvenirs dans une boîte à musique et qu’elle refusait d’en changer la mélodie. Depuis que je la connais, elle parle d’eux, ses anciens amours, ses presque-histoires, ses “ça aurait pu”. Mais jamais, jamais d’un nouveau prénom. Pas une rencontre fraîche, pas un flirt maladroit, pas même une étincelle au hasard d’un regard.

C’est comme si, quelque part dans sa tête, le bonheur avait déjà été distribué, et qu’il se trouvait forcément dans les cartes qu’elle avait déjà jouées. Comme si elle croyait que l’amour, le vrai, ne se vivait qu’en retour arrière.

Après vingt minutes de virages, de feux rouges et de confidences de voiture, on est arrivées chez elle. Enfin... chez sa mère. Il faut rendre à la parentalité ce qui appartient à la parentalité. Chloé, elle, n’avait jamais vu l’intérêt vital de louer un 35 m² vide pour y entasser ses fringues et des tasses à moitié propres, alors qu’elle possédait une maison presque pour elle toute seule, bonus tranquillité inclus.

Son argument préféré ? "Je vis à deux pas de l’écurie." Et ça, pour elle, ça équivalait au Saint-Graal du confort. Sa ponette y régnait comme une reine capricieuse, et Chloé, elle, se déplaçait autour de cette petite jument comme une lune loyale autour d’une planète.

Et puis, sa mère était souvent absente. Des séjours qui se comptaient en jours, parfois même en semaines.

On s’est installées sur son canapé, jambes étalées et verre de blanc pêche à la main. Dans la pièce flottait l’odeur rassurante de la pâte à pizza encore virtuelle, en route vers notre estomac via l’appli magique.

Et moi, incapable de garder quoi que ce soit pour moi plus de dix minutes, j’ai lancé :

— Bon. Dernier scoop en date… Un garçon a attiré mon attention sur Hppn. Il s’appelle Quentin.

Chloé s’est redressée comme si je venais de prononcer le mot “diamant”.

— Ah ouais ? Raconte tout, maintenant.

Je haussai les épaules, mais mon sourire me trahissait.

— Plutôt mignon, rugbyman, de l’humour à revendre, et… on discute tous les jours. Depuis presque trois semaines maintenant.

Elle me fixait, les sourcils levés comme deux antennes.

— Génial ! Et alors ? Tu l’as rencontré en vrai ?

— Non… pas encore. Je bloque. J’ai peur de me lancer.

Chloé a soufflé bruyamment, genre drama Queen frustrée par mon inaction chronique.

Mais qu’est-ce que t’attends ?! Tu ne vas pas passer ta vie à discuter derrière un écran. Il faut que tu le voies, ce garçon. Pour savoir si la magie survit à la vraie vie. Sinon tu risques de t’en mordre les doigts.

J’ai éclaté de rire, nerveuse.

— T’as raison. J’envoie un message maintenant.

Je pris mon téléphone comme on attrape une décision bancale. Un peu fébrile, un peu trop consciente de mes doigts. J’ouvris l’appli, la fameuse, celle où les Crush naissent, trébuchent ou s’évaporent sans bruit. Je fis défiler mes conversations jusqu’à tomber sur Quentin95.

Je commençai à taper, lentement : Hey salut Quentin, est-ce que ça te dit de venir dimanche soir, si tu es dispo, pour prendre un verre chez moi ?

Je me retournai vers Chloé, qui observait ma lente agonie affective avec ce regard mi-exaspéré, mi-attendri :

— Tu ne trouves pas que c’est un peu… trop direct ?

Elle haussa les épaules comme si elle portait un décolleté invisible de confiance.

— Pas du tout. C’est parfait. Envoie.

J’ai hésité. Juste une seconde de trop. Puis mon pouce a cliqué sur “envoyer”. Et voilà. Les dés étaient jetés, même si j’ignorais encore si c’était dans un casino ou sur un champ de mines émotionnel.

Pour distraire mon cœur qui battait en stéréo, on s’est mises à fouiller Netflix comme deux détectives blasées. On a opté pour « Avant toi », le genre de film qui fait pleurer avec style, réalisé par Thea Sharrock, un choix consensuel entre notre sensibilité et notre besoin de mozza fondue.

À peine les premières notes musicales nous avaient enveloppées que la sonnette retentit.

Chloé se leva, théâtrale même pour attraper des cartons gras, et revint quelques minutes plus tard avec notre dîner entre les mains.

— Tiens, voilà ta Nordique, dit-elle fièrement en me tendant la boîte.

Je l’ouvris et voilà une pizza au saumon fumé bien grasse, la crème généreuse et les oignons fondants comme je les aime.

Enfin, presque.

— Ils ont encore oublié de les couper en parts, grogna Chloé avec l’indignation d’une femme trahie.

Elle se leva pour aller chercher un couteau dans la cuisine.

Mon téléphone a vibré et, instinctivement, mon cœur a fait un salto arrière. « Quentin a répondu ! », ai-je crié comme si j’avais annoncé la fin du monde ou le retour d’un ex regrettable mais encore séduisant.

Depuis la cuisine, j’ai entendu des pas précipités, puis Chloé a surgi dans le salon avec les yeux aussi grands que des pizzas.

— Alors, il a dit quoi ? Je lui ai lu le message, voix légèrement tremblante, comme si c’était un texte sacré :

« Hello Aline, oui je suis disponible. Avec plaisir ! Tu préfères la bière ou le vin ? À quelle heure veux-tu que je vienne ? »

Les smileys clignotaient presque. Comme s’ils me regardaient, complices. Chloé a souri comme une entremetteuse satisfaite. Et moi… j’ai paniqué.

Dans ma tête, l’alerte rouge s’est déclenchée : Comment est-ce que j’ai pu inviter un mec que je n’ai jamais vu chez moi ? Sérieusement ? On saute les étapes, maintenant ? Et s’il était bizarre ? Et si je ne savais pas quoi dire ? Et si j’avais un bouton demain ?

Mais mes doigts ont répondu plus vite que ma peur : je lui ai donné l’heure, l’adresse, et un émoji discret. Parce qu’autant assumer sa folie avec un minimum d’élégance.

J’ai encore deux jours pour me préparer mentalement. Ou changer d’identité. On verra.

Vers la fin du film (je ne me souviens que vaguement de la fin — trop occupée à rejouer 143 scénarios possibles de notre rendez-vous), Chloé s’est tournée vers moi avec une étincelle dans les yeux :

— On prend de la glace ? J’ai hoché la tête avec un sourire.

Quelques minutes plus tard, on était là : deux filles, deux cuillères, un pot de glace vanille entre nous comme un traité de paix non signé. On a mangé sans parler.

Il était déjà vingt-trois heures passées quand Chloé, avec sa bienveillance désarmante et cette façon délicate de me faire remarquer que mes cernes n’avaient pas besoin d’être soulignées davantage, me dit :

— Tu sais, je devrais peut-être te ramener. Tu bosses demain... et puis, je suppose que tes nuits sont toujours aussi rock’n roll côté sommeil, non ?

J’ai souri, mi-amusée, mi-grillée. Elle savait. Comme toujours. J’ai attrapé mon sac et on est sorties dans la nuit.

Sur le chemin, elle m’a parlé de sa ponette, avec cette passion tranquille qui allume des étoiles même dans les phrases les plus simples. Un concours à venir et de nouveaux exercices, son monde à elle. Un monde qui sent la paille, le cuir et la liberté. Puis, comme si c’était une idée en l’air mais pas tout à fait :

— Tu veux venir aux écuries avec moi la semaine prochaine ? Ça te changerait les idées.

J’ai dit oui. Sans réfléchir. Parce que la vérité, c’est que ça faisait une éternité que je n’avais pas respiré cette odeur caractéristique des écuries.

Une fois rentrée chez moi, sans même retirer mes chaussures, direction salle de bain. Démaquillage express, chorégraphie bien rodée, miroir complice. Louve, elle, perchée sur mon épaule comme un perroquet poilu, se mettait à me lécher l’oreille, le genre de geste dégoulinant d'affection mais totalement mal placé niveau timing.

Je me suis déshabillée, gestes automatiques, et ai attrapé mon tee-shirt XXL, celui qui n’a plus de forme mais porte toutes mes humeurs. Et c’est là que ça a basculé dans la comédie.

Un petit flap discret à mes pieds : un bout de papier. Tombé de je ne sais où (probablement de ma poche, de ma tête ou du destin). Je baisse les yeux. Le numéro de Pierre. Bien sûr. Je l’avais oublié. Lui, son sourire un peu trop grand, ses mots qui sonnaient presque bien..., maintenant sur mon parquet.

Et comme si la scène manquait de drame : Louve. Madame a jugé que ce papier était désormais sien. Elle l’attrapa entre ses dents et fila comme un éclair en mission secrète.

— Non mais sérieusement ?!

Je me suis lancée à sa poursuite à travers le salon, mi-nue, mi-exaspérée, avec le sentiment de rejouer une comédie romantique sur fond de parquet grinçant. J’ai récupéré le papier avant qu’elle ne le glisse sous le canapé

— Victoire.

Je suis restée debout un instant, ce fichu bout de papier entre les doigts. J’ai fini par enregistrer son numéro dans mon téléphone. Pas de message. Pas de projet. Juste… au cas où. On verra bien. Plus tard. Peut-être.

Puis je me suis glissée sous ma couette. J’ai fermé les yeux. Louve s’est installée contre mon ventre. Et j’ai espéré que le sommeil viendrait m’emporter sans poser trop de questions.

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