RETROUVAILLES (SUITE)

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...

— On a dépassé la vitesse du son ! Constata Gaspard...

— Deux fois ! Rétorqua sa camarade. On est bientôt arrivé…

— C’est super impressionnant, j’ai vraiment senti la vitesse de l’air ! Regarde, je suis tout décoiffé.

La jeune fille, amusée contempla son compagnon :

— T’es bien décoiffé, mais je vois vraiment rien de changé !

— Quand j’étais petit, ma mère me faisait la raie sur le côté.

— C’est vrai, je m’en souviens. Elle t’aspergeait d’eau de Cologne aussi ! On t’aurait donné le bon dieu sans confession. Mais bon, je t’aime trop avec tes cheveux en bataille. Tu ressembles au petit prince de Saint Ex !

— Sélène avait trouvé, elle aussi… Que j’y ressemblais. Gaspard faisait référence à l’illustration de la couverture d’une édition de 1960.

— Oui, sur une couverture de chez Gallimard, c’était tout à fait toi. Confirma Luna.

Le Kaléidoscope ralentit peu à peu sa course folle et le maelström psychédélique céda la place à de tristes parois de béton. Les deux jeunes gens se remirent à marcher tranquillement sous une enfilade de tubes fluorescents. Gaspard reconnut un effluve caractéristique qui lui était resté en mémoire :

— Ah ! Je reconnais cette odeur ! On est pas loin du métro !

— Tu veux qu’on monte dans une rame ? Interrogea Luna.

— Génial ! Y a si longtemps que je l’ai pris ! S’enthousiasma son ami.

— Il est sûrement encore en grève… Tempéra son accompagnatrice.

Après être passés par quelques solides portes de fer, ils quittèrent leur tunnel pour atterrir dans une station bondée de voyageurs furieux. Luna tira Gaspard par le bras et l’entraîna dans le poste de conduite d’une rame qui venait de s’arrêter :

— On sera plus tranquilles avec le conducteur !

— On va le déranger… Luna le rassura :

— T’en fais pas, y peut pas nous voir.

— Ah ! c’est pour ça qu’il se met les doigts dans le nez ! Les deux amis se mirent à rire en lui adressant des grimaces de singe.

— Tiens voilà la station Auber ! Tout le monde descend ! Annonça Luna. Tu te souviens ? C’est là qu’on s’était retrouvé quand tu avais déserté ! Tu faisais plus la différence entre les réalités, les délires…

— Oh oui ! Je m’en souviens. J’avais cru devenir fou.

— Attends, t’es pas au bout de tes surprises !

Ils parcoururent quelques couloirs carrelés de blanc puis se retrouvèrent devant la grosse porte métallique qui fermait l’accès à la communauté de Luna. Gaspard se souvint de la barre d’acier qui commandait son déverrouillage, mais au moment où il allait l’actionner la jeune fille l’attira à elle et, sans effort, ils se retrouvèrent de l’autre côté !

— J’y crois pas ! On est des passe-muraille ! Constata Gaspard éberlué.

— Oui… Mais en mieux, précisa sa copine, on est plus compétents que Garou-Garou. On peut traverser la matière dans tous les sens, tandis que le bonhomme de Marcel Aymé peut traverser que les murs.

— Je l’ai connu Marcel, rétorqua Gaspard, c’était un copain de Popaul, tu sais le peintre… Il créchait pas loin de la rue Lepic.

— Ah oui, je me souviens de lui. Il peignait dehors. Un vrai personnage !

Les deux complices traversèrent le grand hall, passèrent derrière la lourde tenture pourpre et pénétrèrent dans la vaste salle où s’affairaient toujours des "souterrains" dévolus à leurs mystérieux travaux. Gaspard constata qu’ils n’avaient pas changé depuis sa dernière visite. Il en reconnut certains, après tant d’années, cela tenait du miracle, mais bon… Il avait une bonne mémoire visuelle.

— On va chez moi, intima Luna, tu vas voir, c’est cool. Y a un grand Jacuzzi naturel, avec des poissons bleus.

— Pourquoi des poissons bleus ?

— Pourquoi toujours des poissons rouges ? Répondit la jeune fille. J’ai aussi des poissons transparents. C’est des poissons des cavernes. Y en a plus beaucoup parce que les hommes des cavernes les ont presque tous mangés.

— Ils étaient transparents aussi les hommes des cavernes ?

— Espèce d’imbécile ! S’esclaffa Luna.

Gaspard se rapprocha de son amie et tenta un timide bécot. Il se demanda si leurs corps désincarnés allaient ressentir une quelconque émotion dans ce baiser furtif. Dès que leurs lèvres se furent touchées, les atomes, les neutrons, les positrons, enfin tout l’infiniment petit qui composait leurs corps respectifs, instantanément se mélangea pour déclencher un extraordinaire big bang amoureux.

***

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