SORTIE PRINTANIÈRE 

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Bill Hawkins, très pris par sa tâche au sein de son équipe de chercheurs, ne trouvait pas le temps de s’ennuyer, à la différence de Luna et de son compagnon, qui rongeaient leurs freins comme de jeunes pur-sang. Gaspard, surtout, brûlait de découvrir ce qu’il y avait au-delà du puits. Bernard-Marie lui, ne montrait aucune impatience, il était trop occupé à filer le train de Sélène. Il ne la lâchait pas. Cette dernière en était plus qu’exaspérée :

— Dis donc Nanard, tu devais pas partir à la recherche de ta Marielle ?

— Bah… Elle ne me manque pas. Je l’ai eue sur le dos toute ma vie, maintenant je voudrais bien profiter un peu de la mort ! Lui répondit-il avec un sourire sardonique. D’ailleurs, si tu voulais en profiter avec moi…

— Tu me plais pas ! T’es tout ce qui me dégoûte en fait ! Alors range tes fantasmes dans ta poche et passe au large ! Rétorqua la jeune femme, excédée.

Après avoir libéré les enfants de sa classe et pour éviter de croiser l’écrivain libidineux, Sélène alla directement rendre visite à Mireille et Félix. Ce dernier, bien que très doux, impressionnait par sa haute taille. En sa présence, BMV se tenait à carreau. Considérant toujours Sélène comme sa belle-fille, le père de Gaspard veillait sur elle autant que Marcel, sinon plus. Son fils en était un peu gêné vis-à-vis de Luna, mais celle-ci s’en accommodait parfaitement. Elle était même heureuse que sa sœur gardât encore sa place dans le cœur des parents de son chéri.

Nos deux amoureux passaient beaucoup de temps ensemble, ils parcouraient les galeries les plus sombres, les moins fréquentées, explorant tous les passages, des plus secrets aux plus sinistres. On aurait pu penser qu’ils cartographiaient les sous-sols, mais pas du tout ! Ils se baladaient tous deux, dans le noir, avec leurs faisceaux pour seul éclairage, juste… Parce qu’ils aimaient ça !

Le grand jour arriva. Marcel avait sonné le rassemblement devant chez lui. Un grand nombre de membres de la communauté formèrent une haie d’honneur pour saluer le départ de nos huit intrépides. Gaspard et Luna serrés l’un contre l’autre, Félix avec Mireille, qui avait enfilé un pantalon pour l’occasion, Sélène avec l’élu de son cœur, trépignant d’impatience et Bernard-Marie matant Sélène du coin de l’œil : il ne manquait personne. Gaspard s’assura qu’il avait bien la tour Eiffel dans sa poche, puis il donna le signal du départ. Quand elle se mit en branle, la petite troupe avait l’air d’une patrouille de scouts s’en allant gaiement pour un camp d’été. Le chaton de Mireille suivit les huit aventuriers pendant un moment, puis il fit demi-tour.

Quand ils furent arrivés à la base du puits, Gaspard sortit la tour Eiffel et grimpa sur le premier barreau. Afin de rappeler à tous, la manœuvre à effectuer, aidé de Luna, il mima la progression et le passage du « relais ». Quand il eut la certitude que tout le monde avait bien compris, il attribua à chacun une place dans le groupe d’escalade. Il partirait en tête, derrière-lui, suivraient ses parents, après-eux, Luna, qui devrait surveiller le bon déroulement de l’ascension, Marcel et Billou en renfort, Sélène juste après son compagnon et évidemment, BMV qui s’était encore débrouillé pour se retrouver derrière Sélène…

— Écoutez-moi, commanda Gaspard, pendant que vous traverserez le « barrage », au moment du passage de relais… Vous sentirez une légère force s’exercer sur vos bras. Ne vous inquiétez pas… C’est sans danger. Quand vous serez tous passés, vous attendrez mon signal pour continuer de monter ; puis vous sortirez du puits, un par un. Vous avez des questions ?

— Et dehors ? C’est comment ? Interrogea Sélène.

— Ben… On n’en sait rien. C’est pour ça qu’on y va. Répliqua Gaspard. Puis en tournant la tête vers Billou : vous pouvez encore renoncer…

— Sûrement pas, on y va ! lança  la jeune intrépide à destination du groupe.

Perdant tout contrôle en contemplant les courbes de celle qui le précédait, BMV se lâcha :

— Et dire qu’il y en a qui perdent leur temps à regarder la lune !

— Ah ! Ça… Tu vas regretter ce que tu viens de dire ! Fulmina Sélène.

— Tu crois ma jolie ? Les morts ne regrettent rien !

— Tu vas voir ! Lança-t-elle. Puis, omettant volontairement de lui passer le relais, elle abandonna le malotru à son sort. Alors, jusqu’en haut, on entendit résonner la voix plaintive de BMV :

— Passe-moi la tour Sélène ! Je t’en prie ! Sois sympa… Allez !

— Mon cul ! Ce fut la seule réponse qu’elle lui adressa.

Les premiers mètres d’ascension furent laborieux. La pauvre petite tour Eiffel faillit maintes fois échapper aux mains maladroites des grimpeurs. D’échelon en échelon, au prix de contorsions insensées, le groupe gagnait de la hauteur. Le passage de la zone de relais, comme prévu, fut le plus problématique. Mais chacun de nos amis s’appliqua à remettre avec précaution le petit fétiche à celui, ou à celle qui le suivait. Telle une grappe de chenille processionnaires, peu à peu, la petite colonne progressait vers la sortie.

— Tout le monde suit derrière ? S’informa Gaspard.

— A y est ! On est tous passés ! Cria Sélène dans un écho étourdissant d’hypocrisie.

L’ascension reprit cahin-caha. Quand tout le monde eut atteint le sommet du puits, en bon éclaireur, Gaspard monta sur la margelle de pierre, évalua sa hauteur, puis sauta pour se recevoir sur un gazon parfaitement entretenu. Le reste du groupe fit comme lui ; un par un, tous les membres se retrouvèrent autour de leur guide. Ce dernier, se rendant compte qu’il manquait quelqu’un, interrogea :

— BMV n’est pas encore sorti ?

— Il a préféré faire demi-tour… Annonça Sélène sans vergogne. Il m’a dit qu’il rentrait pour aller chercher sa femme à Vernon… Elle lui manque trop sa Marielle ! Il va nous manquer lui aussi… Du coup… Hein ?

Personne n’acquiesça. Marcel, tout heureux de voir son clan réuni en bon ordre, observa les alentours du puits. Celui-ci, trônait sous un soleil généreux, au beau milieu d’un charmant parc verdoyant, agrémenté de massifs floraux et d’un petit lac dans lequel s’ébattaient joyeusement, des carpes et des canards. Un courant d’air printanier, vivifiant et parfumé, transportait les cris lointains d’enfants folâtrant sous la surveillance d’adultes attentifs… Soudain, Luna sursauta : quelque chose de froid venait de se glisser dans le col de son maillot…

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