l'Histoire

3 minutes de lecture

Les yeux rivés sur mon ordi, je tente de mémoriser l’histoire de la Finlande. Mes examens commencent la semaine prochaine, je n’ai pas intérêt à me rater. Mais, alors que j’arrive sur l’année 1945, je fronce les sourcils.

C’est étrange, aucune mention ou presque du génocide des juifs.

Je parcours le texte du regard une deuxième fois, sans rien trouver. Si, là, trois phrases.

« La vérité officielle a longtemps été que seuls huit Juifs, réfugiés en Allemagne, avaient été transférés de Finlande à l'Allemagne, et encore, par accident, sous la pression allemande. En réalité, près de 3 000 personnes ont été livrées aux Allemands. Parmi elles figuraient, par exemple, des Juifs, des communistes et des commissaires politiques de l'Armée rouge capturés. »

C’est tout. Aucun autre paragraphe consacré à ce crime contre l’humanité. Je tente de relativiser : le lien des finlandais avec ce massacre restait quand même minime, malgré le fait qu’ils soient alliés avec l’Allemagne. Toutefois, quelque chose me dérange.

Au-delà des faits historiques, des chiffres, des photos, j’ai l’impression que le manuel pose une interprétation de l’histoire beaucoup trop romancée. Il n’y a qu’à regarder la façon dont les soviétiques sont critiqués, et combien les finlandais ont été méfiants à leur égard pendant des décennies. Les Allemands, eux, sont presque élevés en héros qui aidaient la Finlande à repousser « l’envahisseur » russe. Et tout ceci pendant la seconde guerre mondiale. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le patriotisme dont ont fait preuve les finlandais, patriotisme qui me semble toujours aussi cliché.

Les finlandais semblent se voir modeste et unis. Ce sont leurs valeurs, ils ont le droit de vouloir tendre vers cet idéal. Non, ce qui me gêne, c’est leur rapport à l’armée. Tous doivent défendre le pays, faire du sport contribuera plus tard aux nouvelles recrues, la Finlande est un petit pays courageux et j’en passe. Les enfants passent pour des soldats que l’on éduque pour qu’ils obéissent.

Tout à coup, ce manuel d’histoire, approuvé par le gouvernement, perd de sa crédibilité. Et, parmi toutes mes questions, une ressort du lot.

Les finlandais seraient-ils victimes d’une forme de propagande allégée qui placent les russes en ennemis de la nation et qui valorise l’entraide et le patriotisme cliché ?

Et la France dans tout cela ?

Agissons-nous de la même manière ?

Je plonge dans mes souvenirs. L’histoire défile devant mes yeux et je tente de repérer des actes enjolivés, ou expliqués malgré leur horreur. Le régime de Vichy, la colonisation, la Terreur, tout y passe. Si nos manuels enjolivent l’histoire, ils ne semblent pas chercher à minimaliser nos parts d’ombre. Nous avons conscience de ne pas avoir une histoire complétement glorieuse et tournée vers le bien.

Est-ce pour cela que nous nous plaignons, nous critiquons, nous nous montrons impatients, et parfois même impolis ? Est-ce pour cela que la Finlande est le pays où les gens sont les plus heureux du monde ? Car ils se croient blancs comme neige ?

Je réfléchis. Mon cerveau tourne à plein régime. Proposer une interprétation de l’histoire dans les manuels nous permettrait-elle d’aimer mieux notre pays ? Je ne sais pas. Les questions se multiplient dans mon esprit sans que j’y trouve de réponses.

Je me revois apprendre avec assiduité un manuel de troisième, sans jamais remettre en question l’interprétation. Je me vois réciter des textes, et je me demande si tout ce que j’ai appris jusqu’à présent a été coloré du point de vue qui arrangeait le mieux le gouvernement. Ma vision du monde est-elle aussi colorée à cause de ce que j’ai appris sans recul ?

Y a-t-il seulement un manuel dans ce monde qui ne soit pas romantisé ?

Je secoue la tête. Il faudrait que j’arrête de penser autant, que je me concentre sur mes révisions. Mais mon cerveau ne veut pas lâcher l’affaire. Il compare, analyse.

Le manuel finlandais traite seulement de l’histoire son pays, occultant les évènements qui ont marqué le monde. Les génocides, les dictatures, les romains, l’indépendance des Etats Unis, en parlent-ils en histoire ? Ne pas les aborder, ce serait comme refuser de s’ouvrir au monde, oublier les fautes impardonnables, augmentant le risque de les reproduire.

Les finlandais sont peut-être les gens les plus heureux et les plus amoureux de leur pays, mais les français ont le mérite d’être lucides et critiques. Nous voyons nos défauts, et nos qualités, nos mauvaises actions comme nos réussites. Notre histoire est jalonnée de révolutions, de combats pour la liberté, de régimes différents. Mais nous l’acceptons. Cela fait partie de notre identité, tout comme notre hymne presque guerrier.

Nous ne sommes pas des anges, mais nous refusons d’oublier, qu’importe la douleur. Notre force réside dans notre mémoire, dans notre capacité à avancer malgré nos erreurs.

Annotations

Vous aimez lire Arianne D Charles ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0