Nouvelle robe

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L’abbé revient avec une trousse à pharmacie et un sac rempli de vêtements. Il parcourt du regard la sacristie, vérifiant qu’aucun objet n’a bougé pendant son absence. Puis satisfait ou alors déçu de n’avoir aucune bêtise à me reprocher, il s’approche, la trousse de secours à la main. Il l’ouvre et en sort des compresses de coton, ainsi qu’une bouteille d’alcool à soixante-dix. Il imbibe une compresse de liquide et l’applique sur mon genou.

Le désinfectant pique ma peau écorchée. Je ressens une décharge électrique dans tout mon corps et me retiens pour ne pas hurler. L’abbé frotte la compresse sur mon genou, arrachant au passage la croûte qui s’était formée. La plaie est à vif. Au contact du coton humide, je ne peux m’empêcher de pousser un cri aigu. Cela n’est pas à son goût :

— Arrête de piailler parce que ça chatouille un peu ! Je t’ai à peine effleurée.

Je serre les dents pour ne plus crier. Il imprègne une seconde compresse et l’appuie sur ma blessure :

— Ne bouge pas pendant que je te soigne, ça fait du bien là où ça fait mal.

Il recommence avec une troisième puis une quatrième. À chaque nouvelle compresse, la douleur est ravivée, mais je bloque ma respiration et tiens bon. Une fois la plaie nettoyée, il colle un pansement. Soulagée, je peux respirer à nouveau.

Il range le matériel inutilisé et ouvre le sac de vêtements. Les premières affaires qu’il tire du sac sont soit trop grandes, soit trop petites. Les habits qui ne font pas l’affaire s’entassent les uns sur les autres. L’abbé semble agacé de ne rien trouver, mais d’un autre côté, il a toujours l’air agacé.

Il sort du sac une robe rouge qui retient son attention. Il la déplie entièrement et l’observe sous toutes les coutures. C’est une robe sévillane comme celles que portent les danseuses espagnoles de flamenco. Il jette un coup d’œil vers moi, un autre vers la robe, puis un nouveau en ma direction. La robe est ravissante. Et pile à ma taille. J’ai très envie de l’essayer, je m’imagine déjà avec…

Je danse dans les bras de Romain. Les volants du bas se soulèvent pendant que je tourne avec lui. D’un geste gracieux, Romain stoppe notre mouvement. Les volants de la robe se plaquent contre mes jambes. Romain se penche vers moi et m’embrasse…

Mon sourire béat se fige quand le curé lance un regard de dédain vers la robe. Elle rejoint le tas des vêtements qui ne lui conviennent pas. J’aurais tant voulu la porter, je suis sûre qu’il l’a deviné et que c’est pour cette raison qu’il ne me la donne pas.

Il continue de fouiller sans succès. Le sac est presque vide. J’ai un espoir, si la robe de flamenco est la seule à ma taille, il n’aura pas le choix, elle sera à moi. Le dernier vêtement du sac est une robe-tablier. C’est ce que les mamies portaient autrefois pour faire la cuisine. Le tissu est de mauvaise qualité, les couleurs sont délavées, elle est vraiment affreuse et, de toute façon, trop large pour moi. Je marcherais dessus si je devais la mettre.

L’abbé réfléchit et à mon étonnement, et à ma grande déception, il me tend cette vilaine robe. Je rechigne à la prendre. Son geste et son regard insistent pour que j’enfile cette horreur. Je bougonne :

— Elle est trop grande pour moi.

Et moche surtout.

— Elle t’ira très bien ! Ne te fais pas prier, le seul qu’on prie ici, c’est Dieu.

Je reste les bras ballants, le visage triste.

— Dépêche-toi, je ne vais pas passer la nuit avec toi.

J’attrape la robe avec répugnance. Elle est toute rêche et sent le moisi. Mon nez fait la grimace. Je lève les yeux vers l’abbé. Son regard ferme n’offre aucune alternative possible :

— Cette tenue sera parfaite pour commencer ta pénitence, ma fille.

À contrecœur, soumise à sa volonté, je m’habille selon son désir.

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