Vilaine, vilaine robe

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L’abbé poursuit :

— Maintenant que tu t’es calmée, récapitulons.

Je ne suis pas calmée !

— Tu es une vilaine fille. C’est une mauvaise chose de ne pas reconnaître ses torts, surtout quand je te donne l’occasion de te repentir et que ceux-ci sont si manifestes. Ton accès de colère en est une preuve supplémentaire. Et tu n’es pas sans savoir que la colère est l’un des péchés capitaux…

Quels torts ? Je n’ai aucun tort, il invente tout. C’est de sa faute si je suis en colère.

— Tout comme la gourmandise que l’on peut également te reprocher.

J’avais faim.

— Je ne te parle même pas de ta relation avec ton ami ou ton amoureux, peu importe. Péché de luxure.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne connais même pas ce mot.

— Et dire que tu portais ton aube de communiante à ce moment-là ! Cette robe est une tenue pour te présenter devant Dieu, pure et innocente.

Il insiste sur ces mots comme si j’étais impure ou coupable, puis ajoute :

— Ce n’est pas une tenue pour faire ta jolie ni pour séduire les garçons. Encore un péché, ma fille. Tu n’étais pas digne de porter cette aube blanche, voilà pourquoi je t’ai choisi quelque chose de plus adéquat.

Il me montre l’horrible robe-tablier qui gratte et sent mauvais :

— Cette tenue de pénitente t’apprendra l’humilité. J’ai bien senti tout à l’heure quand je cherchais de quoi couvrir ta nudité que la robe rouge te plaisait.

La belle robe sévillane, parfaitement à ma taille. Je le savais, il a fait exprès de ne pas me la donner.

— L’envie, ma fille. De nouveau un péché capital, tu sembles les collectionner. Ce vêtement rouge vif n’est pas fait pour toi. Le rouge est la couleur du sang, la couleur du désir, celle du vice. J’ai horreur de cette couleur.

De toute façon, il déteste tout : les enfants, moi, les jolies robes. Voilà qu’il déteste même les couleurs maintenant.

— N’ai-je pas fait le bon choix avec cette robe qui te sied à merveille ?

Vu que je ne dis rien, il insiste :

— N’est-ce pas ?

Je serre les poings et les dents. Si je lui réponds que non, et c’est la vérité, il sera furieux. Sa question n’est pas une vraie question. Il veut juste me forcer à lui dire oui, mais ce serait mentir. Et déjà qu’il pense que je suis une menteuse. En plus, je hais vraiment cette robe.

Il cherche à me mettre en colère encore une fois avec ses reproches permanents. Rêvasseuse, insolente, effrontée, délurée, vilaine, menteuse ! Insolente ! Menteuse ! Vilaine ! Il m’accuse de tous les péchés, alors que je ne les ai pas commis. Comme si j’étais la pire, la plus mauvaise des filles. Je ne suis pas comme ça ! C’est lui qui est vilain et menteur. Menteur !

Voilà ce que je voudrais lui hurler, mais je sais que je ne dois pas. Je suis énervée, mais je me retiens. Mon cœur bat vite, je tremble, prête à pleurer. Je suis sur le point de crier de nouveau, mais je ne dois pas, je ne dois surtout pas craquer.

Malgré ma peur, je le fixe dans les yeux et croise son regard mauvais. La robe me démange, mais j’évite de me gratter. Je déteste cette robe, je le déteste. Pourquoi est-il si méchant ?

Il fronce les sourcils :

— Cette robe ne te convient pas ?

Il faut que je lui dise oui, c’est ce qu’il attend, même si ce n’est pas vrai. Après, il me laissera tranquille.

Menteuse !

Non, il ne me laissera jamais tranquille, il me reprochera encore et toujours des tas de choses. Je ne suis pas une menteuse, mais je sais que je dois lui répondre ce qu’il souhaite, sinon…

La robe me gratte, je ne la supporte plus. Je détourne les yeux vers le sol, honteuse. Je sais ce qu’il attend, je n’ai qu’un mot à dire. Je me baisse, recroquevillée, tremblotante, les bras autour de mes genoux. Mes doigts attrapent le bas de la robe. Elle est rêche, désagréable au toucher. Elle sent mauvais. Comment puis-je porter cette horreur ? Comment puis-je supporter toutes ses accusations ?

Mes doigts sont crispés sur la robe, j’ai envie de la déchirer. Mes larmes coulent, mais il ne me verra pas pleurer. D’un geste rapide, je me relève, enlève la robe et lui jette dessus en criant :

— NON !!!!!!

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