33. Déficit calorique

15 minutes de lecture

C’est quand t’ingurgites pas toutes les calories dont t’as besoin pour fonctionner.

Une grande connerie, qui refuserait de manger une bonne raclette ?

Si ses soupirs pouvaient créer des tornades, Mathilde aurait détruit la bibliothèque universitaire à la seconde où elle y est entrée. Malheureusement, ce pouvoir fabuleux continue de se refuser à elle. À croire que la sauver de l’ennui n’intéresse aucune divinité digne de ce nom. Bordel, faites un effort ! Son regard brûlant se pose sur la feuille blanche devant elle. Son commentaire de texte n’avance pas d’un iota. Comment s’en étonner ? Souffler dessus ne révèlera pas la copie parfaite qu’elle pourrait rendre à l’un de ses stupides professeurs.

Elle lève la tête vers les grandes fenêtres de ce repaire de larves. Elle en a marre. Marre de tout. Assise à cette table nulle, bloquée dans cet endroit pourri, elle en a marre. La culpabilité d’avoir accepté une place de concert gratuite l’a enchaînée à cette chaise inconfortable. Mais, après avoir passé une heure coincée ici, Mathilde regrette d’avoir montré un poil de sympathie envers Vanessa et Nina. Ces deux-là ne sont toujours pas ses amies. Ses doigts, enfoncés dans les poches de son jogging, effleurent pensivement le carton d’invitation avant de s’en écarter, comme s’ils s’étaient brûlés. Quoi qu’il en soit, la conclusion est là : j’en ai marre. Je l’ai dit que j’en avais marre ?

Sa mâchoire se contracte. Trop d’énergie circule dans son corps. Sa jambe tressaute si fort qu’elle ne serait pas surprise de découvrir un trou sous la semelle de sa basket. Si le droit continue d’être chiant, un bel avenir de marteau-piqueur s’ouvre à toi. La commissure de ses lèvres se relève légèrement. Creuser le sol de cette grotte à rats de bibliothèque n’est pourtant pas le projet. Elle aurait bien trop de vigueur à décharger une fois l’édifice détruit. J’vais aller taper du pied sur les bâtiments moches, ça me défoulera !

Elle ne s’est pas approchée du gymnase universitaire depuis qu’elle y a été déposée, dimanche matin. À force de louper les entraînements, une sorte de frénésie s'est accumulée dans ses muscles. Et un jour - un jour bien malheureux pour l’humanité -, elle implosera. Comme une magnifique étoile en fin de vie. Ou une pastèque entourée d’élastiques. Paf, a pu Mathilde ! Elle lâche un énième soupir. En face, ses deux camarades de promo se lancent un regard qu’elle ignore. Sa réputation, son image à la fac de droit… elle n’en a plus rien à faire. Qu’on vienne la faire chier à propos de son comportement ou de sa tenue ! Elle montrerait les dents. Parce qu’elle n’a plus la force de maintenir son apparance d’étudiante parfaite.

Elle n’a pas réussi à faire son sac de hand lundi soir. Mardi, elle n’a pas pu se résoudre à prendre ses affaires pour le volley. Se rendre au concert, demain, lui permettrait de rater la séance de jeudi. Elle se redresse sur sa chaise avant d’attraper un stylo. Elle ne va pas au sport pour une bonne raison : elle a besoin de temps. De temps pour prendre de la distance avec ce qu’elle avait vu pendant les festivités de samedi. Ses yeux se voilent pendant que le souvenir de Théo et Liam s’embrassant devant elle ressurgit dans son esprit. Une étincelle de chaleur lui picote la poitrine. Elle est heureuse pour eux. Évidemment qu’elle est heureuse pour eux. Le passeur a réussi à gagner le cœur du libéro, ce dernier pourra enfin assumer d’avoir les yeux en cœur à chaque fois qu’il les pose sur le volleyeur aux cheveux bleus.

L’opération “Pour l’Amour de la Fougère Furtive” est un succès.

Un tel succès que même l’entremetteuse s’est empêtrée dans ses propres sentiments.

Quelle galère.

Elle se tourne vers les grandes baies vitrées de la bibliothèque. En dessous d’elle, les étudiants se pressent sur le campus. Certains discutent en agitant les bras, quelques-uns ricanent si fort qu’elle les entend à travers le verre. Plus discrètes, plusieurs personnes se baladent, main dans la main. Une respiration tremblante lui échappe. Est-ce qu’eux aussi ont des questions plein la tête ? Ont-ils réussi à supprimer ce qu’ils ressentaient pour d’autres ? Sont-ils moins meurtris maintenant ?

Elle reporte son attention sur son commentaire de texte, toujours incapable de s’écrire tout seul. Tss. Allez, le rendu est pour demain ! Aide-moi, sujet à la con ! Avec sa concentration qui part en vacances dès qu’elle le peut, Mathilde n’est pas prête de pondre un texte potable. Elle aurait peut-être un éclair de génie ce soir, quand le dieu du sommeil - ce sale type - lui refuserait encore une fois l’entrée du royaume des songes. Pff. Deux nuits qu’elle dort moins de cinq heures. Il faudrait qu’elle se frappe le crâne avec une poêle. Juste pour empêcher son énorme cerveau de travailler pendant qu’elle essaye de se reposer. Que veux-tu ? On n’arrête pas un génie.

Alors qu’elle relit une douzième fois les lignes de la décision de justice, l’envie de se saisir de son téléphone se mêle à la désolation que lui inspire son devoir. Ses doigts se crispent sur son stylo. Ne cède pas. Elle a consulté les sms de Théo des milliers de fois sans jamais trouver le courage d’y répondre plus de deux mots. Hier, il a laissé une autre note vocale sur son répondeur. Exactement comme les précédents, elle l'a écouté en boucle. Un soupir. Il lui manque. Il lui manque terriblement. Elle voudrait lui faire des blagues, lui balancer des crêpes à la figure, lui tenir la main… Son cœur se serre. Cette époque est terminée. Tu ne peux plus entretenir l’ambiguïté que tu as créée.

Liam… Elle aimerait entendre sa voix. Ses messages sont plus courts, plus prudents que ceux du passeur. Il ne s’étend pas sur ce qu’il ressent, sur les évènements de sa propre journée. Il la rassure, encore et encore, lui répète qu’il est là pour elle si elle veut discuter. À chaque fois qu’elle déverrouille son portable, son pouce survole le bouton “appeler” au niveau du contact du libéro. Elle finit toujours par se raviser. Parce que, dès que les lumières de la ville s’allument, elle revit ce moment sur le toit de l’internat. Ce moment où il s’ouvre à elle, ce moment où leurs lèvres ne se trouvent plus qu’à quelques centimètres. Ce moment où elle n’a plus qu’un seul désir : l’embrasser.

Elle ferme brièvement les yeux. Ses sentiments pour les deux garçons sont trop forts, elle ne peut plus les nier. Mais il est évident qu’elle doit s’en débarrasser. Elle ne peut pas continuer à fuir ses coéquipiers comme une taupe recherchée par la police. Problème : elle n’a aucune idée de comment se purger de ces conneries. Alors, en attendant de trouver une solution, elle tente de boucler son travail scolaire, elle échoue à trouver le sommeil et se demande tous les jours pourquoi sa vie se résume à ses - putains - d’études de droit. Être amoureuse ? Un véritable plaisir.

Elle se retient de lâcher un juron bien salé. Que peut-elle faire de plus ? Son stylo tape sur la table, battant la mesure d’une musique imaginaire. Si elle pouvait tout envoyer valser, elle le ferait. Son poing se referme, le plastique de son bic craque sous la pression tandis qu’un énième soupir secoue sa copie vierge.

— Hm… Mathilde ? Ça te dit de descendre boire un café ?


L’hésitation dans la voix de Vanessa est incontestable. La blonde relève la tête. Elle ne boit pas ce jus de chaussettes immonde qui flétrit l’âme des gens osant en consommer. D’un autre côté, elle donnerait n’importe quoi pour s’enfuir d’ici. Elle jette un coup d'œil à Nina dont la plume agacante gratte violemment le papier. Quelle horreur. Alors, d’un grognement presque poli, elle accepte la proposition. D’un coup de pied puissant, elle s’écarte de la table. Sa chaise produit un raclement strident, celui-ci résonne dans toute la bibliothèque. Le regard mauvais de Nina se pose sur Mathilde. L’attaquante hausse un sourcil de défi avant de se détourner. J’ai l’âme en peine, qu’on me foute la paix.

Mathilde descend les escaliers vers la cafétéria en touchant chaque barre métallique de la rambarde. Les sons montent, graves et sourds tandis que ses baskets crissent sur le sol. Elle essaye de se libérer de son trop plein d’énergie mais l’envie d’hurler continue de lui tenailler le ventre. Parler à Aïsha l’aurait peut-être aidée, si cette dernière se rendait disponible. Mais non. Sa meilleure amie devait être occuppée à faire des bisous à sa boule de poil qui l’asservit plus qu’elle ne la câline. Tsk. Faut que je me greffe des oreilles de chat sur la tronche pour être digne de ton attention ? Elle plonge ses mains dans ses poches. Ses ongles plantent dans ses paumes. Bordel de merde. Elle n’en veut pas à Aïsha. Pas du tout. Elle aimerait simplement arrêter sa transmutation en cocotte minute sur le point d’exploser.

— Tu arrives à avancer sur ton commentaire ? demande Vanessa en se retournant vers elle.

Plusieurs réponses flottent dans la tête de l’autocuiseur. C’est de la merde. C’est chiant, c’est nul. Même si elle brûle de lui envoyer l’un de ses magnifiques poèmes dans la tronche, Mathilde se contient. Vanessa lui a offert une place de concert. La politesse qu’on a essayé de lui inculquer veut que l’on soit un minimum reconnaissant devant un tel cadeau. Alors, la sportive ravale toute sa violence pour tenter d’être gentille. Tout doux, Mathilde. Touuut doux.

— Nan.

Raté. Elle lève les yeux au ciel. Putain. Il faut qu’elle range les griffes. Au moins jusqu’à demain soir. Prenant Vanessa de vitesse, elle ajoute, les dents serrées :

— J’ai du mal à me concentrer.

— Je vois, acquiesce sa bienfaitrice en remplaçant une mèche brune derrière son oreille. Allez, viens ! Je te paye le café.

Mathilde n’a pas le temps de protester que Vanessa dévale les dernières marches à toute vitesse et fonce vers les machines à café. Jurant tout bas, Mathilde s’élance à sa suite. Elle se retient de ne pas heurter les pauvres étudiants avec ses larges épaules : ils tomberaient tous comme des dominos sur son passage. Et t’as pas assez d’argent pour leur payer les frais médicaux de leurs potentielles fractures.

Soudain, elle se fige. Son regard vient de croiser celui du mystère. Cette personne énigmatique qu’elle avait apperçue une seule fois à la bibliothèque. Si, fin septembre, la sportive n’avait pas réussi à déterminer le pronom à apposer sur l’apparition, cette fois-ci, la tâche serait encore plus complexe. Dans une épaisse veste noire coupée à la taille, iel porte un top dont l’élastique argenté s’arrête au-dessus de son nombril. Son pantalon enserre l’échancrure de sa taille tandis que les motifs carrés du tissu tournoient jusqu’à ses chevilles où de grosses rangers prennent la suite du look. Une sensation désagréable envahit l’estomac de Mathilde. Alors qu’elle tire sur les manches de son sweat-shirt, la gardienne se surprend à vouloir montrer ses courbes, à vouloir s’extirper de ses habits amples et protecteurs. Comme si la féminité qu’elle avait décidé d’abandonner recommençait à briller au fond de son corps. Non. La mâchoire de Mathilde se tend. Elle se sent à l’aise telle qu’elle est habillée ! Pourquoi douter à nouveau ? Tu as fait ce choix, assume !

Sur les traces de Vanessa, Mathilde accélère l’allure. Plantée devant les distributeurs de boissons, sa fausse pote vient d’adresser la parole au mystère. Un grand sourire étire les lèvres de la brune. Qu’est-ce que… Curieuse, la sportive s’approche.

— … fête de vendredi soir ! Il faut encore que j’en parle à Jules, d’ailleurs. Il sera là, tu crois ? demande Vanessa d’un ton excité.

Mathilde hausse un sourcil surpris. Elle n’a jamais vu sa collègue comme ça. T’es sensée être chiante, toi ! Pas un peu mignonne.

— Tu as une nouvelle camarade, Vanessa ? sourit le mystère en se tournant vers la blonde.

— Ah ! Oui, je te présente Mathilde ! s’exclame l’intéressée. On est dans le même amphi. Tiens Mathilde, ton café. Mathilde, voici Ellis. Iel est en master de droit international et dirige l’association LGBTQIA + de la faculté.

L’attaquante plisse les yeux, intriguée. Son regard passe sur le pins accroché à la veste d’Ellis. Quatre couleurs s’allignent sur le métal. Jaune, blanc, violet et noir. Puis elle lève la tête pour scanner l’énigme de plus près. Des iris bruns, une machoire carrée, une myriade de bijoux d’oreille cammouflée de temps à autre par des cheveux noirs coupés au niveau de la nuque. Une moue impressionnée se dessine sur le visage de la blonde. Aussi classe de près que de loin, c’est noté.


— Ah ! s’écrie Vanessa comme si elle venait de se souvenir de quelque chose. Je vous laisse faire connaissance, il faut que j’aille aux toilettes !

Sur ces mots, l’étudiante disparaît dans la foule. Bordel, Vanessa ! Mathilde se retient de ne pas la poursuivre encore une fois. C’est quoi cette putain de manie de laisser les gens en plan ? À travers les parois du gobelet, la chaleur du liquide dégueu lui brûle les doigts. Qu’est-ce que je fiche là au juste ? Elle se tourne vers l’escalier, vers les toilettes puis vers son jus d’égout. Putain. Ses tympans s’emplissent du brouhaha de la cafétéria. J’ai vraiment pas la patience d’échanger des politesses.

— J’ai la mauvaise habitude de fumer, tu veux bien m’accompagner dehors ?

Un coup d'œil vers Ellis. Iel lui sourit, ses boucles d’oreilles carillonnent une fois ses talons tournés. Est-ce une envie d’air frais ou le charisme de cette nouvelle rencontre qui guide les pas de Mathilde vers l’extérieur ? Aucune idée. Mais quand le froid de décembre lui mange la nuque, elle lâche un juron. Une brume épaisse a étendu ses bras glacés sur le campus et s’est visiblement décidée à faire des câlins à Mathilde. Bordel. Cette dernière en viendrait presque à apprécier l’idée d’avoir un breuvage chaud entre les mains. Merde, le projet n’était pas de se transformer en Mister Freeze !

— T’as pas froid ? se surprend-t-elle à demander.

— Ma veste est plus chaude qu’elle ne le paraît, répond Ellis avec une œillade.

Iel sort une cigarette puis l’allume avec son briquet bariolé. Comme ses ongles, l’objet est couvert d’autocollants. Des étoiles dorées, des cœurs violets, des nuages blancs et des chats noirs. La gardienne fronce les sourcils. Pourquoi j’ai l’impression qu’iel sort d’un autre monde ?

— Tu as des interrogations, Mathilde.


La sportive arque un sourcil. Un sourire s’affiche sur les lèvres pulpeuses du mystère. L’attaquante aurait aimé réfuter l’affirmation. Pourtant, l’étincelle malicieuse dans ce regard lui confirme l’inutilité de ce genre de protestation. Très bien. Autant rentrer dans le vif du sujet.

— Qu’est-ce que… , hésite-t-elle sans savoir quel élément pointer dans toute l’étrangeté d’Ellis. Qui… qui es-tu ?

— Grosse question, ricane-t-iel, en exhalant une bouffée de cigarette. Disons que les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits que notre société considère appropriés pour les femmes et les hommes ne me plaisent pas beaucoup.

Hein ? Mathilde cligne des yeux, figée sur place. C’était quelle langue ça ?

— J’ai rien compris.

Le rire d’Ellis tintinnabule. Le vent joue avec ses mèches courtes, les pans de sa veste claquent sur ses hanches.

— Laisse-moi reformuler, reprend-t-iel, sans se départir de son sourire. Dans un monde où tout est binaire ; noir ou blanc, masculin ou féminin, j’ai voulu faire une pause. Je n’en pouvais plus d’essayer de correspondre à l’idée qu’on se fait d’un homme ou à celle qu’on se fait d’une femme.

Iel tapote le bout de sa clope puis la replace entre ses lèvres :

— Je suis parfois l’un, parfois l’autre, parfois aucun des deux.

Le cerveau de Mathilde semble fonctionner au ralenti. Est-ce que c’est si simple que ça ? Ses sourcils se fronçent. Masculin, féminin… Ses doigts se crispent autour du gobelet. Est-ce que je peux faire le choix… de ne pas choisir ?

— C’est toute la complexité d’une partie de notre identité, au final, rit-iel, les yeux brillants. Parfois, on correspond au genre assigné à sa naissance, parfois… Pas du tout.

Mathilde observe Ellis passer une main pensive dans ses cheveux d’encre. Son regard mordoré se fixe sur l’horizon brumeux, sa cigarette oubliée entre deux doigts. Ses bijoux se sont emmêlés mais chaque pièce métallique tintent joliment au gré du vent. Tout en iel respire l’assurance, l’audace. Pourtant son visage porte les vestiges d’une souffrance qui ne s’effacera jamais.

— T’as l’air de bien savoir qui tu es, marmonne la blonde.

— Oh, non. Crois-moi, je doute souvent. C’est un peu le lot de la non-binarité. Est-ce qu’on embête les gens en leur demandant d’utiliser “iel”, est-on vraiment autorisés à naviguer entre le masculin et le féminin au gré de nos expériences…

Iel hausse les épaules avant d’écraser son mégot de cigarette dans son cendrier de poche.

— J’imagine qu’une partie de nous appartiendra toujours à l’obscurité. On devrait peut-être cesser de se fustiger de ne pas avoir la même expérience, les mêmes sentiments, les mêmes envies que les autres. S’accepter, c’est tout un chemin. Le doute en fait partie. Ne le laisse pas s’infiltrer dans tes failles, oblige-le à marcher à tes côtés.

Mathilde baisse la tête vers son gobelet de café. Ça a l’air si simple dit comme ça. Sa mâchoire se contracte. Ellis représente l’association LGBT de la faculté de droit. Des discours comme celui-ci, iel a dû en faire pas mal pour convaincre de futurs adhérants. Cette discussion n’est sûrement qu’une sorte de publicité. Après tout, qui était elle pour mériter une telle…

— Comment se passe cette première année, Mathilde ? C’est pas super chiant ?

La sportive ouvre de grands yeux. Qu’est-ce que… Aurait-elle enfin trouvé quelqu’un qui déteste la matière ? Elle fronce les sourcils, perdue. Iel est en Master ! S’infliger quatre ans de droit ne correspond pas vraiment à cette définition. Un sourire se peint sur les lèvres d’Ellis :

— Accroche-toi, la rassure-t-iel, d’un ton doux. Une fois qu’on a passé les partiels de décembre, ça devient un peu plus intéressant. Les profs se servent malheureusement du premier semestre pour virer les gens qui n’ont pas les reins solides. Ne te fais pas avoir.

Iel farfouille ensuite dans ses poches pour en sortir une brochure colorée. Mathilde hésite un instant avant de s’en saisir.

— Voici le prospectus de l’assos. Tout le monde est le bienvenu. On s’entraide pour les devoirs à rendre, pour les révisions aussi. N’hésite pas à passer une tête si ça t’intéresse. Et pour les questions sur la non-binarité, mon numéro de téléphone est en bas du papier.

Ellis lui sourit à nouveau. Une lueur espiègle brille dans ses iris mordorés. Tsk. L’attaquante se retient de lever les yeux au ciel. Pourquoi j’ai l’impression que tu as compris quelque chose que j’ai pas encore saisi ? Un grognement au fond de la gorge, la sportive observe le porte-parole boutonner sa veste. Puis iel reprend la parole :

— Ce fut un plaisir de discuter avec toi, Mathilde. S’il te plaît, salue Vanessa de ma part, je n’aurais pas le temps de le faire. Il faut que je retourne à la faculté. Ah et… Écris-moi ! s’exclame-t-iel en pointant un index autoritaire vers elle.

Sans attendre sa réponse, Ellis s’éloigne, un sourire énigmatique sur le visage. Le cliquetis de ses bijoux accompagne le bruit sec de ses rangers. Alors que la silhouette de l’ex-mystère disparaît dans la brume, les doigts de la volleyeuse se serrent autour du papier bariolé. Comme si j’allais t’obéir, espèce d’asperge ultra classe !

Des interrogations plein la tête, Mathilde fixe le brouillard. Quelque part au fond d’elle, une piste de réponse vient de s’ouvrir. Peut-être qu’elle a le droit d’avoir envie de se réconcilier avec sa féminité mais de détester sa poitrine. Peut-être qu’elle a le droit d’être aussi musclée qu’un homme mais de ne pas vouloir leur pilosité. Peut-être que tu es capable d’aimer tes différences.

Elle pose le café froid sur la poubelle extérieure - Désolée, Vanessa - avant de monter les escaliers vers la bibliothèque. Elle n’a jamais été aussi efficace pour terminer l'un de ses - putains de - devoir. J'suis toujours un génie, bordel de merde.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ellana Caldin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0