La gare
Hier soir, j’ai compris enfin le sens de la vie.
J’attendais l’arrivée d’un train, en retard.
Mais depuis que je suis né, tout arrive, tard, quand le désir est mort depuis trop longtemps.
Certains marchaient vite, d’autres restaient figés, immobiles.
Nulle peur, nulle impatience, juste l’attente, l’ennui.
Mais n’est-ce pas cela vivre, une infinie attente qui oublie même l’événement attendu, car elle a trop duré ?
Hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, blancs, noirs , asiatiques, dames élégantes ou perdues, messieurs désabusés, ou impatients, tous étaient réunis et tous s’ignoraient, se frôlaient sans se regarder, sans se toucher.
Mais n’est-ce pas cela vivre, rester chacun dans ses pensées, dans ses rêves, ses haines, sa lassitude, sans jamais voir l’autre ?
Le train est arrivé.
Lentement la scène a bougé, certains se sont empressés, d’autres ont marché comme des automates.
Et moi j’ai joué la comédie, la lasse comédie des retrouvailles.
Mais n’est-ce pas cela vivre, jouer une tragi-comédie sans vraiment comprendre la pièce, sans vraiment y croire ?
Et un président en bout de course, général perdu sans armée et trahi par ses proches, a nommé un premier ministre qui ne rêve que de s’enfuir.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Oui, hélas, oui.
Et ce matin, après une courte nuit, j’ai trouvé l’haïku de la vie, de cette vie de gare, de notre vie égarée.
Mais n’est-ce pas cela vivre, écrire des vers vides pour une vie absurde ?
Dans la grande gare
où tout le monde s'égare
train vers nulle part

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