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Même s’il s’y était préparé mentalement, Pierre fut saisie par la scène de cauchemar dont ils se rapprochaient inexorablement. Le Médusa, le petit bateau de pêche de Hervé, était en proie aux flammes. La fumée, noire et épaisse, obscurcissait le ciel tant dis que les flammes dévoraient la passerelle. Alors qu’il se ressaisissait, Pierre comprit pourquoi son jumeau n’avait pas intégré leur petit frère à l’équipage. Baptiste aurait-il pu agir avec sang-froid en sachant que sa belle et tendre était là, quelque part au milieu des flammes ? D’ailleurs, comment lui-même devait-il agir ?
A partir de là, tout s’enchaîna rapidement. Bernard pris la direction des opérations, ce qui convint à tous. Les coordonnées transmises aux forces du sauvetage en mer, la décision fût prise qu’une équipe monterait à bord pour tenter d’extraire les victimes tant dis qu’une autre arroserait le Médusa depuis leur embarcation pour contenir l’incendie le temps que les secours arrivent.
Pierre et Marc furent désignés pour l’équipe de sauvetage. Marc avait mis en avant qu’avec son odorat, il repérerait probablement plus rapidement les gens à bord. Le temps étant à l’action et non à la contestation. Pierre s’était porté volontaire pour assister son frère. C’est ainsi que quelques minutes plus tard, il se retrouva sur la passerelle du Médusa.
L’air y était brûlant. Malgré le linge humide qui lui couvrait le visage, chaque inspiration était un supplice. La fumée brûlait les yeux autant que la gorge. Alors que le doute commençait à miner sa volonté, Marc lui fit signe de le suivre.
Sur la passerelle, le treuille s’était effondré. C’est vers lui que Marc l’entraînait. Ils s’approchèrent et c’est là, qu’ils le virent. Sous le treuille, Hervé était étendu inerte sur le sol. Pierre vit Marc se pencher au dessus de lui pour prendre son pouls. Un pouce vers le haut : Hervé était en vie. Il fallait maintenant l’extraire.
Sans réfléchir, Pierre empoigna le treuille et alors que ses mains brûlaient sur l’acier à travers ses gants, il souleva l’assemblage. Il avait déjà entendu des témoignages de personnes qui sous l’effet de l’adrénaline avait réussi des exploits surhumains mais à ce point ... Marc ayant déplacé le corps de Bernard, il relâcha tout et se plaça à hauteur de son frère.
- Comment va-t-il ? demanda Pierre
- Il respire. Je dirais qu’il a plusieurs fractures. Il faudrait le sortir de là sans tarder.
- Je peux le porter. Tu m’aides à le charger sur mon dos ?
Hervé sur le dos, Pierre commença à se diriger vers le bateau de leur père. Voyant que Marc ne le suivait pas, il s’arrêta.
- Vas-y ! dis Marc. J’ai senti l’odeur de Camille, je vais la chercher !
- On pourra revenir après
- Tu sais comme moi que chaque minute compte. Pars devant ! Je te rejoins.
Oui, il le savait. Il fallait faire vite et ce pour tout le monde. A contrecœur, il se détourna de son frère. Il passa par dessus la balustrade pour monter sur la planche qui les mettraient en sécurité.
De l’autre côté, il fut accueilli par Bernard qui le guida à l’intérieur de la cabine de pilotage où ils allongèrent Hervé sur une couverture de survie. Il sentit que Bernard le forçait à boire et qu'il lui retirait ses gants. L'attention de Pierre était orientée vers l'incendie où Marc était. Il se releva et se dirigea vers le pont. C’est alors qu’il découvrit avec effroi qu’ils s’étaient éloignés du Médusa.
L’incendie s’était renforcée et menaçait de se propager à leur navire. La dure décision avait été prise de s’éloigner tout en continuant à arroser. Il avait beau le comprendre, Pierre resta incrédule. Toute son âme lui hurlait qu'il aurait dû être de l'autre côté mais il devait se rendre à l'évidence : Marc était seul.

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