Vert et bleu, avec du blanc

3 minutes de lecture

Il doit encore y avoir quelque chose de pas clair. De nouveau, obligés de se barrer en courant, jetée dans une bagnole, j'ai comme l'impression d'avoir déjà vécu cela ... Et lui qui finit, la bouche en cœur, en me parlant de mes yeux...

- C'est quoi encore le souci, Marsh ? Je traverse l'Atlantique et la moitié des States pour te retrouver, on foire totalement le truc...et tu me réponds n'importe quoi quand je te demande où on va. Juste pour info, je n'ai jamais été une dinde, tu vois des ailes dans mon dos ? Non, il n'y en a pas. Et n'essaye pas de me faire avaler un truc débile. On est encore dans les emmerdes ?

- Je crois que j'ai été balancé par le vieil indien qui m'a amené jusqu'au motel. La mort de Dents Dorées n'est pas passée inaperçue, ils ont dû remonter jusqu'à moi...Je t'ai embarquée dans une galère... On a le FBI aux fesses...Tu veux rester ? Je comprendrais si tu préfères me laisser...

- Après la dinde, tu me prends pour une bécasse ? J'avais capté tout ça...Tu as eu de la chance de dire que tu aimais mes yeux, ça t'a sauvé la peau...Une fois de plus ! Tu m'en dois déjà deux, mec...

Je le vois soupirer et presque se trémousser de contentement sur son siège. Il faut que je fasse gaffe quand même, si j'y vais trop fort, je vais le briser en mille morceaux son petit cœur... Ce serait dommage, après le fric déjà claqué à l'hosto.

- Bon, résumons. Nous sommes en route vers le Nord, sans café... J'ai du blé, toi, je ne pense pas, on ne serait pas dans cette poubelle sinon. Tu parles anglais, moi pas. Avec nos CV, on devrait réussir à gérer les gars à notre poursuite. On peut donc faire des projets en surveillant nos arrières. Pas si mal, finalement... Hey Marsh, qu'est-ce que tu as toujours rêvé de faire ?

- Super bizarre, ta question...Tu vas encore dire non.

- Tu n'as donc que ça dans la tête...! On fait quoi maintenant ? il faudrait qu'on se trouve un boulot, une baraque, un chien... J'ai toujours voulu avoir un chien. Ou alors, on ne fait que voyager, tout le temps, en bossant de temps en temps et on laisse la vie couler comme ça, tranquillement. Very long vacation. Tu as envie de quoi ?

- Je ne sais pas, je ne me suis jamais vraiment posé la question : qu'est-ce ce que je peux faire de ma vie ? J'ai eu des opportunités et je les ai saisies. Des fois, ça a bien tourné et souvent, très mal. C'est comme ça.

- Ok, mais, là, on peut vraiment réfléchir et se donner les moyens de réussir. Creuse-toi la tête ! On peut s'occuper d'un hôtel, ouvrir une librairie, tenir un stand de sapins de Noël, je fais du super bon chocolat chaud, on pourrait tenir un salon de thé, j'en sais rien, moi !

- On a qu'à se dire : d'abord Holiday et ensuite, on voit.

- Ton esprit entrepreneurial me sidère.

Il m'agace à n'avoir envie de rien, celui-là.

- On peut écouter de la musique au moins ?

- Ouais, la radio !

On s'est donc tapé des heures de country... Pire musique du monde.

C'était chiant.... J'ai fini par l'éteindre, je crois que, dans ma tête, je maitrisais toutes les chorégraphies des différents quadrilles.

J'ai sorti un bouquin de mon sac, me suis confortablement installée dans le fond du siège et j'ai commencé à lui lire à voix haute le début d'une histoire.

Les paysages défilaient. On n'avait même pas visité Albuquerque... Santa Fé, juste vu les pancartes. On traçait vers le nord. On avait quitté le beige et l'ocre du désert. Plus de monochrome. Seulement, du vert, puissant, du blanc, éblouissant, du bleu, étincelant. Forêts, montagnes, ciel.

J'adorais cette vision. On a quitté la grande route et on a pris la direction de Carson National Forest.

Je continuais à lire, je n'avais presque plus de voix, cela faisait des heures que je racontais, qu'il m'écoutait, il posait des questions, des fois, je répondais, des fois, pas. J'étais dans la bulle d'une histoire, bien loin des vivants, et pour une fois, il y avait quelqu'un pour la partager avec moi.

En levant la tête pour boire une gorgée de flotte, une ombre a surgi de la forêt. Marsh a essayé de l'éviter.

On vient de se taper un animal.

Un coyote. J'ai vu un coyote pour de vrai. Et on vient de le buter.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Patricia Novi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0