Le bureau
Des mois qu’ils travaillent ensemble. Des fois qu’ils se confient ensemble.Des bois qu’ils aperçoivent ensemble. Des doigts qu’ils effleurent ensemble. Des joies qu’ils partagent ensemble.. Des noix qu’ils mangent ensemble. Des voix qu’ils égosillent ensemble Des choix qu’ils réfléchissent ensemble Des mois à faire tout cela ensemble À l’heure du déjeuner, même si parfois c’est après la journée. Des mois qu'ils se rapprochent. Des mois qui s’effilochent. Jusqu’à cette fois où son regard s’impose dans le noir. Elle descend avec un « au revoir ». Il ne peut retenir un « Je te désire ».
Cette fois, elle ne se retourne pas. L’a-t-elle entendu ? Oui forcément. Pleine d’émoi, elle envoie un « j’aime ». Le sms de la bascule. Le sms après des mois sans allusion. Le sms promettant tant d’illusions dans cet endroit choisi ensemble. Pour commencer à vivre ensemble une intimité qui leur ressemble.
C’est compliqué
Tu as posé ta bouche
À la commissure de mes lèvres
À l’endroit un peu louche
Entre l’amitié et la fièvre
Sur la limite exacte
Entre ma bouche et ma joue droite
Si t’as posé un acte
J’ai rien compris, t’as fait moite-moite
Tu m’as embrassé là
Exactement sur la jonction
Au coin de mon delta
J’ai beaucoup d’imagination
Tu as posé ta bouche
Entre l’amour et l’amitié
Tes airs de sainte nitouche
Contribuent à m’émoustiller
C’est compliqué c’est compliqué
C’est compliqué c’est compliqué
C’est compliqué
D’embrasser une fille pour la première fois
Tu as posé ta main
Je n’ai pas su comment le prendre
Juste au creux de mes reins
Probablement un geste tendre
C’était énigmatique
De sentir une main légère
Sur le périphérique
Entre la plaine et la fougère
T’as compté jusqu’à dix
Avec un sourire malicieux
Tu t’es rendue complice
De mon vacarme silencieux
J’ai compté jusqu’à cinq
En nous servant deux Châteldon
Je désirais qu’on trinque
Au grand retour des papillons
C’est compliqué c’est compliqué
C’est compliqué c’est compliqué
C’est compliqué
D’enlacer une fille pour la première fois
T’as avancé d’un pas
Et t’es montée sur mes chaussures
T’as demandé Ça va ?
Je savais plus j’étais pas sûr
On a fait la tendresse
Avec le museau tout autour
On s’est montrés nos fesses
Et nos yeux jusqu’au petit jour
C’est pas si con c’est pas si con
C’est pas si con c’est pas si con
C’est pas si con
Pliqué d’aimer une fille pour la première fois
Pour la première fois
Pour la première fois
Romain Lemire, Monument aux vivants

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