Douceur. - Réponse au défi " 1 jour, 1 son #1 " - Vendredi
Je crois que j'ai la nostalgie d'une époque que je n'ai pas connue, ou le désir d'un autre monde. Peut-être du futur, ou d'un ailleurs, parce que cela ne peut pas être lié au passé. J'ai cette âme qui veut s'arracher du présent, car je le vis trop intensément... Et puisque le temps ne revient jamais, il me semble totalement improbable que cela ait un quelconque rapport avec mes souvenirs. J'ai ce sentiment de ne pas être là où je devrais être, qui fredonne en sifflant à mon oreille une mélodie violente, invalidante, déchaînée. La profonde tristesse qui en découle est pourtant tellement réconfortante. Elle me rassure dans mon état d'être humain.
Cette sensation, indomptable et volatile, est pour moi la preuve de mon existence. Sans elle, je crois que je ferais partie de ces enfants du néant. [ J'admets pourtant volontiers, et sans ressentiment, que je ne suis rien. ] Ma recherche idéaliste, imposée par cette anonyme puissance qui règne dans mon petit monde, me pousse à trouver à chaque instant, à chaque endroit, auprès de chaque espace et chaque personne, le plus beau, le plus bon et le plus juste. Rien n'est pourtant plus vain et plus naïf. En revanche, rien n'est plus doux que d'envisager, dans le cœur de tous et de tout, la probable part d'humanité et d'équilibre qui manque en nous-mêmes, et qui manque dans toutes les projections temporelles que l'on se fait. Oui, la douceur semble définir, au mieux, ce que je ressens, face à toute l'indécence du monde. Cette mélancolie qui invite à la tendresse, puisque les éclats d'obus, les coups de poing, les insultes, la révolte, la rébellion, d'une nation, ou d'un homme, n'auront jamais le poids d'un sourire, d'un câlin, d'une curiosité bienveillante. Je suis nostalgique de la douceur. Alors, je la cultive en moi. Autant que je peux, conscient malgré tout que je ne peux pas n'être que ça...
Je glisse les doigts à la surface de cette eau froide, ce ruisseau, cette rivière qu'est la vie, comme si cela pouvait me rassurer qu'au bout il y avait la mer, et qu'avant tout cela, il y a eu la source. Et quelle délicate attention de la part du destin, que de me permettre seulement de les imaginer, et de me faire prendre conscience que je ne suis qu'ici, sur la rive, quelque part entre le début et l'infini...
Mathias.
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