9 – 2 Veux-tu tuer pour moi ?

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Ils y étaient retournés quelque temps plus tard, tout un convoi de camions, sans Tara, toujours en rééducation. Au moins le test avait été concluant. Plus que cela, une révélation. Presque du jour au lendemain, Mylène l’avait embarquée dans les cuisines pour des cas pratiques.

À leur retour, elle constata l’état des remorques à l’intérieur. Vides. Aussi vides que le regard des hommes qui y étaient allés. Aucune vie. Des traces de sang, de merde et autres miasmes que peut dégager un corps humain. Et une autre odeur insoutenable, accrochée aux engins du convoi. Un mélange de fumée et de chair putride. Mais rien qui respire.

Personne ne leur demanda rien. Tous avaient compris. Sur ce coup-là, il n’y avait plus personne à sauver. Juste des corps à traiter, enterrer ou brûler, selon les possibilités.

Le grand tout sec a dû remarquer une certaine impatience chez Tara et lui résuma en quelques mots la conclusion du voyage.

— Vu le nombre, on ne les a pas tous retrouvés. Va savoir où sont partis les autres.

— Et qui sont ces autres ? Il n’y avait pas que des adultes dans le coin.

— Aucune idée. Il faut garder espoir.

Sans qu’on le lui demande, elle alla rejoindre la petite équipe qui s’était portée volontaire pour nettoyer les bennes. Tous travaillèrent dans le silence, récurant, frottant avec les grosses éponges, tordant les serpillières, repoussant, essuyant l’eau rougie.

Yahel n’avait pas participé non plus à ce convoi. Lui si, il y était retourné. Et cette fois-ci, le roi-guide n’avait eu personne à aider à descendre des remorques. Personne à qui tendre la main. À peine arrivé, il avait disparu. Comme pour la fuir, songea-t-elle en se traitant aussitôt de parano. Elle n’était pas non plus le centre de son monde.

Lorsque ce fut terminé, elle alla avec les autres se laver, se frottant plus fort avec le savon pour tenter de faire partir cette odeur. Ou peut-être était-ce son souvenir qui la poursuivait.

Il ne se montra pas du reste de la journée. Elle comprit où il était.

Le soir, elle s’assura que Yahel n’était pas devant l’écran connecté à son œil, apparemment jusqu’ici promesse tenue, vu qu’elle ne trouva personne dans la salle de crise, comme elle la surnommait, puis elle y alla. Elle traversa les couloirs étrangement vides et silencieux pour un jour de retour de convoi. Elle le localisa, exactement là où elle s’y attendait.

Dans la grotte.

Il était assis à même le sol, une jambe relevée, le coude en appuie dessus, juste sous la semi-obscurité de la nuit passant par le puits naturel.

Il ne regardait pas les étoiles. Il ne regardait rien.

Lui qui semblait aussi solide qu’un roc, plein d’assurance et d’optimisme, pour la première fois elle crut déceler une faille en lui. Une faille terrible si jamais elle s’enfonçait en lui : le doute. Il avait pris soin d’elle, il l’avait relevée. Pourrait-elle aujourd’hui le lui rendre, du moins en partie ?

Une maladie incurable… Des moments difficiles… Elle avait raison, ils avaient tous raison, elle le savait. Ce n’était pas pour ça qu’elle en était heureuse. Au contraire. Parfois, cela fait mal de savoir. Et de voir les autres souffrir d’en avoir conscience, cela aussi, ça pouvait faire mal.

Une putain de boucherie. C’est tout ce dont les humains étaient capables.

Mais elle garda cela pour elle. Ces mots amers ne seront pas ceux qui le réconforteront. Pas lui. Elle ne pensait pas qu’à cet instant, il serait apte à lui rétorquer “Pas tous !”.

Elle s’avança, laissant ses chausses pour avoir la même sensation que la première fois, le contact de la roche sous ses pieds, comme un rappel à la terre. Il en avait apparemment fait de même.

C’est à peine s’il cilla à son approche. Elle s’installa à côté de lui, respectant son silence. Elle leva les yeux, comme il le lui avait dit autrefois, et elle regarda le ciel. Premier bienfait de la disparition de la pollution lumineuse : elle put y contempler les étoiles.

Des minutes ou des heures plus tard, elle s’activa, se dressa sur ses genoux, prit délicatement son visage entre la paume de ses mains. Elle n’aima pas ce regard sombre, presque éteint, bien contraire à son habitude. Elle ne connaissait finalement pas grand-chose de cet homme, mais le voir ainsi… Ce n’était pas bon. Cela confirmait son pressentiment.

Ma chérie, c’est le moment de prouver que tu es désormais maîtresse de ton nouveau corps.

Elle pencha un peu la tête sur le côté. De sa main droite, elle joua avec cette crinière qui lui plaisait tant, puis son front, suivit la courbe ferme de ce visage, le contour de ses yeux, ses pommettes, l’angle de sa mâchoire. Il dut se dire qu’il y avait quelque chose d’inhabituel. Un éclat se ralluma dans ses yeux. Il se concentra sur elle. Elle poursuivit ses gestes avec application, craignant encore quelque part de perdre le contrôle. Son autre main fit de même que la première, puis les deux en même temps. Étirait-il un peu plus son cou ?

Elle continua à faire descendre ses mains, explorant ce cou large et puissant. La joie de découvrir la sensation de sa peau sur la sienne, entre les espaces que lui laissaient ces carcans de métal. Ses doigts étaient prêts à passer sous le col de son haut, son éternel T-shirt noir…

C’est bon, il revient parmi nous, se dit-elle en voyant une subtile évolution dans l’expression de son visage. Il paraissait intrigué, mais il semblait avoir compris où elle voulait en venir.

Elle resta finalement sur le tissu, le temps que ses mains glissent jusqu’à la base du vêtement. Elle en passa une en dessous, allant chercher son ventre. L’autre suivit… Était-ce une invitation dans ses yeux ?

Elle saisit le tissu, le leva de chaque côté, le passa par-dessus sa tête. Il suivit le mouvement en levant les bras, l’aidant à dévoiler le lion sur son torse. Elle put ainsi caresser la bête. Elle la sentit frémir sous ses doigts.

Oui, ça marche !

Pendant qu’elle visitait le haut de son corps, la clavicule, la rondeur de l’épaule, les larges pectoraux, les tétons, tâtant, cherchant les endroits où le contact allait lui plaire, il entreprit de la déshabiller, toujours aussi habile. Il lui ôta le haut, puis abaissa le bas. Profitant de l’espace libre, il enfourna son visage entre ses seins, soufflant doucement. Elle le garda contre elle, une main s’enfournant dans la crinière, l’autre caressant la carrure de son dos. Il s’amusa, embrassa ses seins, avec sa bouche, avec sa main, l’autre la pressant gentiment contre lui. Le cœur battant plus fort, elle dirigea son visage vers le ciel, se cambra, rabaissa les yeux, tomba dans les siens.

Il se laissa aller, s’allongeant sur la roche. Elle vit une nouvelle preuve que cela marchait. Elle dégrafa son pantalon, le tira en épousant ses hanches. À deux, ils terminèrent, finissant nus sous les étoiles.

Elle continua à jouer sur lui avec ses mains, comme il l’avait fait pour elle, parcourant son corps, le titillant, se tortillant sur lui, peau à peau, caressant ses jambes, jouant avec ses poils. Pas aussi bien, bien sûr. Lui avait ce don particulier qui lui permettait de lire les corps. Mais elle arrivait tout de même à éveiller son plaisir à lui, à le rappeler à la vie. Elle atteignit le point crucial, joua avec son sexe, le caressant d’un doigt, le soulevant, chose délicate, flattant ses deux compagnes.

— Heu… doucement, quand-même, fit-il, probablement surpris par la sensation de ce contact inhabituel, bien différent que celui que procurait une main normale.

Qu’il avoue sa crainte, c’était charmant. Les fois où elle avait essayé cela, le nombre de ses partenaires lui en laissant le temps expliquant déjà la rareté du phénomène, n’avaient tenus que quelques secondes, effarés à l’idée qu’il arrive quoi que ce soit à leurs attributs. Qu’auraient-ils dit en voyant ses mains aujourd’hui ? Mais à l’exclamation rauque qu’elle l’entendit émettre ensuite, elle craignit d’y être allé un doigt trop loin.

— Pardon, je t’ai fait mal, s’excusa-t-elle après avoir tout lâché.

— Non, c’est juste… différent.

Il lui souriait. Elle reprit doucement les caresses. Autre soupir rauque. Et sous ses yeux fascinés, ce grand corps se relâcha, frissonna, s’abandonna, gémit de plaisir, les yeux mi-clos, comme en transe. Jusqu’à ce qu’une de ses mains caresse ses cuisses, puis ses fesses. Cette invitation éveilla son propre désir. Elle se sentait prête à le chevaucher. Sous ses encouragements, elle enroula ses doigts autour de son sexe, le guida en elle, s’emboîta sur lui. Elle écouta son propre corps, son instinct travaillant pour elle, lui montrant une nouvelle fois ce qu’il fallait faire. Ses mains allant et venant sur le lion dessiné sur sa poitrine lui prouvèrent qu’il appréciait autant qu’elle. Il frémissait, vibrait de plus en plus. Il passa ses mains le long de ses flancs, remontant jusqu’au sigle de métal pendant de son cou, jouant avec. Puis il ferma les yeux de plaisir. Sa respiration devint grondement sourd. Jusqu’à ce que…

Avait-elle atteint un point de rupture ?

D’un coup, ses paupières dévoilèrent des yeux embrasés. Il se redressa. Et elle vit le lion en lui. Il avait le regard de la bête ayant repéré sa proie.

L’instant suivant, il l’attrapa de toutes ses griffes et de tous ses crocs, la fit basculer tout en la maintenant pour freiner sa chute, sa gueule mordant le cou qu’elle lui offrit, la maintenant captive au sol, la domina de toute sa puissance, d’une intensité incroyable, la terrassa, et la dévora, encore et encore et encore, alors qu’elle tenait ses hanches, qu’elle agrippait ses fesses charnues, jusqu’à ce qu’il lâche le rugissement de la victoire. Elle-même ne put réprimer le doux cri de la proie heureuse d’être vaincue.

Il l’avait anéantie.

Elle aima cela.

Alors que sa respiration s’apaisait, elle apprécia le poids de son corps sur elle, son visage, sa crinière, son souffle au creux de son cou. Elle sentait son cœur cogner contre sa poitrine en même temps que le sien, les deux sur la même fréquence. Puis elle lâcha sa taille, finit par laisser tomber ses bras de chaque côté, littéralement épuisée, fermant les yeux pour mieux se reposer. Elle ressentit les gestes délicats qu’il fit ensuite. Réalisant peut-être ou craignant d’avoir été trop rude ou trop lourd pour elle, il recula, se redressa péniblement. Mais il découvrit son sourire. Alors il la saisit, l’emmena avec lui quand il se retourna sur le dos. Elle se retrouva étalée sur lui, sa tête reposant contre le haut de son torse.

Elle aima cela.

Elle redressa la tête, la secouant un peu pour dégager ses cheveux dont l’attache avait cédée durant l’action, et elle put croiser son regard, celui du lion satisfait, repu, le petit sourire qui va avec.

Elle voulut à nouveau toucher ce visage, le fit de sa main gauche. Il suivit son geste des yeux, eut l’air de rester attentif à la sensation que cela lui apportait. Il approcha sa propre main, y prenant délicatement cette autre, l’écartant de lui pour mieux la voir, pour finalement laisser retomber ce duo sur lui.

Elle vit son sourire s’élargir, son regard à nouveau empreint d’assurance.

Elle avait réussi. Elle avait éloigné l’ombre dans son esprit.

Elle s’octroya une petite récompense, bien qu’elle ait bien profité aussi. Elle glissa, avançant son corps jusqu’à ce qu’elle puisse venir caler son museau dans le creux de son cou, le nez dans sa crinière.

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