Chapitre 28 : Lydie.

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— Qui êtes-vous ?

Le grand blond écarquilla ses immenses yeux verts, visiblement surpris de me voir. Cette réaction me laissait perplexe. N'était-ce pas plutôt à moi d'être étonnée de trouver des militaires parmi les Wayãpi ? Que faisaient-ils ici ? Il se leva et me tendit la main.

— Alphonse Battier, capitaine de l’armée de terre française. Nous sommes venus vous chercher. Je… Je vous pensais morte.

— Je me pensais morte aussi.

Les autres se présentèrent à leur tour, dévoilant leurs noms et fonctions : une policière et quatre soldats. J'étais étonnée de constater à quel point ma disparition avait suscité une telle mobilisation en France. Je m'attendais à être oubliée, à terminer ma vie parmi les Wayãpi. Bien qu'ils aient été adorables avec moi, l'envie de rentrer chez moi, en France, demeurait. Une vingtaine de policiers à ma recherche, tous morts sauf Maéva, suivis de treize militaires, également tous décédés. La nouvelle me terrifiait, car si je savais que cette forêt détenait un pouvoir surnaturel, je n'imaginais pas qu'elle puisse être aussi mortelle. Mon étonnement de rester en vie relevait du miracle.

— Que s'est-il passé ? demanda Alphonse.

— Avec Ameline, nous nous sommes perdus dans la forêt. On s'enfonçait, encore et encore, sans jamais en sortir. Puis la nuit est tombée et ne s'est jamais relevée. Enfin, jusqu'à ce que je trouve les Wayãpi. On est tombées malades, fièvre, vomissements, malaise, tout ça… Enfin, je suppose que vous connaissez. Ameline est devenue folle, elle s'est jetée sur moi et a tenté de me tuer. Je me suis échappée en la laissant seule. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue, mais après deux semaines sans manger et boire, j’imagine qu'elle… sanglotai-je.

— Et vous, comment vous en êtes-vous sortie ?

— J'étais seule dans la forêt, paralysée par la peur. J'avais des hallucinations de mon passé. Un accident de voiture alors que je conduisais. La passagère, mon amie, est morte sur le coup. Je m'en suis toujours voulu, mais je n'assumais pas… J'ai échangé notre place, j'ai… J'ai déplacé son corps encore chaud sur le siège conducteur. Et j'ai menti à tout le monde en disant que c'était elle qui conduisait. Dans mes hallucinations, je la voyais, couverte de sang, me pointant du doigt. Je me suis excusée, j'ai regretté, et le jour s'est levé. Les Wayãpi m'ont retrouvée.

Tous affichaient une expression navrée, le regard baissé, les mains jointes, plus personne n'osant manger. Un silence pesant plana jusqu'à ce que Maéva le brise.

— Vous savez pourquoi nous avions des hallucinations ?

— Vous n'avez rien remarqué dans cette forêt ? s'enquit-elle.

— Hum, réfléchit-elle. Non.

— Les fleurs. Dès que nous sommes entrés dans une zone avec beaucoup de fleurs, nous sommes tombés malades. Et lorsque le soleil est revenu, il n'y avait plus de fleurs. Pourquoi, selon vous ?

— Le pollen…

— Exact. C'est le pollen qui provoquait ces hallucinations. Il est bien connu que certains fumeurs utilisent des plantes pour planer. Ajoutez à cela une multitude de fleurs confinées dans un endroit où la pluie propage le pollen… Vous avez compris.

Je ne méritais aucun crédit pour cette connaissance ; c'étaient les Wayãpi qui me l'avaient enseignée. Nous avions beaucoup discuté ces derniers jours et je me sentais renaître, grâce à eux, grâce à cette forêt.

— Comment sort-on d'ici ? questionna Alphonse.

— Il faut repasser par la forêt.

— Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

— Toute seule ? Hors de question. Les Wayãpi ne veulent pas rejoindre la civilisation, donc ils ne veulent pas nous accompagner. Et je refuse de remettre un pied dans cette forêt, surtout si je suis seule.

— Vous n'êtes plus seule désormais.

Un soupir m'échappa. J'avais peur de revenir. Peur de retrouver Ameline, et si elle n'était pas morte ? Ou pire, si je tombais sur son cadavre ? Non, la perspective de retourner dans cette forêt m’horrifiait, craignant de sombrer à nouveau dans la folie et de nous entre-tuer.

L'un des Wayãpi croisa les bras, déterminé, les sourcils froncés.

— Vous ne risquez rien. Vous vous êtes repentie. Vous pouvez aller de l'avant, maintenant que le passé ne vous hante plus.

Tous les regards convergèrent vers mon visage, terrifié et en larmes. Je me sentis oppressée et jugée. Cependant, si je voulais revenir en France, il fallait que je le fasse. Et, par-dessus tout, je désirais retrouver mes proches.

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