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Elle rit sans joie et raccrocha. Elle appelle Mia, il est seize heures quarante cinq, pour lui dire qu’ils seront un peu en retard, plutôt vers dix sept heures trente. Elle va suivre les conseils de Papi Panda et aller boire un café avec ses équipiers.

- Persaud ?! Venez, je vous descends jusqu’à votre moto, après on se suit avec Thomas et on s’arrête à la première brasserie qui ne ressemble pas à un boui-boui et on prend un café, on souffle.

- Chef ! dit Thomas, je suis tout retourné, je préfèrerai rentrer au service et donner un coup de main à Mia et préparer le tableau avec les photos, les docs trouvés et tout…Vous me transférez vos photos, d’accord.

- OK ! Bon, du coup, Louis, vous restez dans ma voiture, on boit notre café pas trop loin et je vous ramène à votre moto après, ça vous va ?

Le bleu grimpe dans sa voiture et part de son côté. Avant de démarrer, elle lui transfère les quelques photos prises de son portable.

- On va où ? Demande Louis en souriant.

- Chez moi. J’habite à côté, à Rueil-Malmaison. Visage impassible. Ton bref. Il sourit toujours et passe sa main sur sa nuque derrière sa natte, la masse doucement. Elle penche légèrement la tête en arrière, sa main est douce et chaude, ça lui fait du bien.

Elle démarre, se faufile dans la circulation, connaît le quartier comme sa poche. Dix minutes plus tard, elle se gare devant un immeuble ancien, cossu mais pas prétentieux. Elle ouvre la grande porte cochère et passe devant, il suit. « C’est au troisième, sans ascenseur », l’informe t-elle. Au palier du second, il avale trois marches et se met à sa hauteur, lui prend la main, s’arrête et lui baise les doigts en souriant gentiment, ses yeux verts dans ses yeux noirs. Odeur des gants de fouille, qu’importe, il aime ses mains, longues, fines, nerveuses. Elle se soulève sur la pointe des pieds, il est vraiment grand, et lui colle un baiser léger sur les lèvres. Elle apprécie et se passe la langue sur les lèvres, comme pour gouter sa trace. Lui, ça lui fait une palpitation au creux du ventre.

Elle reprend son ascension : « Encore un petit effort, j’ai un excellent café ! » Ils grimpent les dernières marches côte à côte, il a gardé sa main dans la sienne et elle l’a laissé faire.

Elle lui a fait son fameux café à l’italienne, ils l’ont bu à toute vitesse affalés sur le canapé. L’appartement a l’air vraiment joli et confortable mais il n’a pas trop le temps ni l’envie de s’éterniser sur ce point, Un autre fois, peut-être, si elle lui laisse une autre fois.

Il a repris sa nuque dans ses grandes mains et l’attire vers lui, il lui caresse la bouche, elle entrouvre ses lèvres, il se glisse avec douceur et leurs langues se rencontrent et s’enroulent et leurs lèvres à nouveau. Elle l’attire tout contre elle et il sent son corps ferme et doux ; il passe son autre main sous son tee-shirt, caresse son dos, son ventre, elle frissonne et tremble un peu. Elle passe aussi sous ses vêtements et lui caresse le dos, la nuque, les cheveux, les reins. Il est en ébullition. Elle quitte sa bouche et se pose dans son cou, contre son épaule. « Va doucement, s’il te plaît, j’ai perdu le mode d’emploi, cela fait cinq ans que je n’ai personne dans ma vie. »

Cinq ans ! Que lui est-il arrivé ? Dans la tête de Louis, ça gamberge. Pas longtemps.

Il lui ôte son tee-shirt et la couvre de petits baisers sur les épaules, dans le cou, à la naissance des seins pendant que ses mains effleurent son dos, ses reins sous le ceinturon. Il est ému de ce qu’il découvre dans sa voix chaude et grave et si douce à présent, qui gémit sous la caresse. Il enlève son tee-shirt aussi afin qu’elle puisse le toucher, le caresser. Ses longues mains parcourent sa peau et chaque contact est comme un petit feu qu’elle allume et imprime dans son corps.

L’heure tourne, il regarde discrètement sa montre et il est bientôt dix sept heures vingt, ils sont déjà en retard sur le timing qu’elle a annoncé à l’équipe.

- Ecoute Lisa, lui murmure t-il tout en continuant de la caresser, je veux qu’on ait tout notre temps et qu’on se donne vraiment du plaisir. Là, il est déjà cinq heures et quart et tu as dit à l’équipe cinq heures et demie, donc on est déjà en retard. Je serai fou de joie d’avoir une vraie belle soirée et une nuit ou mille nuits avec toi. Il l’embrasse encore une fois profondément, elle répond à son baiser, puis se détache.

- OK ! On y va ! Visage fermé, ton sec. Elle se lève et s’apprête à remettre son tee-shirt. Il se lève tout contre elle.

- Attends ! Il l’enserre dans ses grands bras, la colle tout contre lui, l’embrasse dans le cou. « Je te désire comme un fou, tu sais ! »

- OK ! On y va ! répète t-elle, visage toujours fermé et ton froid ; pour le reste, on verra !

Il desserre son étreinte, elle se recule, se rhabille, le charme est rompu. Quel abruti il fait ! Elle se laissait aller comme jamais sûrement depuis longtemps. Elle avait envie de lui et il lui rappelle le boulot. Non mais, quel con !

Ils arrivent à deux minutes d’intervalle et sur les chapeaux de roues en salle de briefing, tout le monde est déjà là, même Papi Penda et le proc’. On les regarde, interloqués ; qu’est ce que ces deux là ont fabriqué durant tout ce temps ?

- Le temps de récupérer la moto de Persaud, chef ! déclare Lisa, répondant ainsi à la question silencieuse de l’équipe. Bon, Thomas, vous commencez !

Le bleu a installé tous les éléments et les photos sur le grand tableau, celles de la cave donnent le frisson. Il fait un résumé détaillé de toutes les constatations et des indices trouvés sur place.

- On attend le retour du labo et du légiste pour les empreintes relevées, la matière rouge – peinture ? Sang ? – trouvée dans la cave ainsi que les couverts, les matelas etc… l’argent, les divers documents et les photos.

- On voit, le coupe Lisa, sur les quelques photos qu’on a photocopiées que la majeure partie d’entre elles concernent des enfants et des adolescents entre six et dix-douze ans maximum, garçons exclusivement, semble t-il. Il y a trois photos sur lesquelles on voit des adultes mais les visages ont été caviardés et grattés.

- Mais, poursuit Louis, on remarque que celui ou ceux qui ont fait cela sont un peu stupides car ils n’ont pas caviardé les corps et on peut apercevoir des jambes de femmes en jupe et talons.

- Oui, dit Papi Penda, ça donne une indication sur qui se trouve avec ces enfants mais ça ne va pas loin, sans les visages.

- C’est vrai, renchérit le proc’, inutile d’étaler des éléments qui ne servent pas à grand-chose, Capitaine Persaud, concentrez vous à chercher de vrais indices.

Louis est stupéfait de cette sortie, et un peu – beaucoup vexé. Qu’est ce qu’il a ce con ? Il est jaloux ? Il a des vues sur Lisa ?

- Le diable est dans les détails, monsieur le Procureur, c’est ainsi qu’il s’invite à table ! Mais je retiens votre remarque très pertinente, je m’attelle à la tâche et, s’il le faut, je donnerai de ma personne en toutes circonstances.

Figure de mode se ferme comme une huître et regarde ailleurs et Lisa pique un léger fard. Qu’est ce qu’ils ont ces deux abrutis ? Concours de testostérone ? Papi Penda est aux anges, il sent qu’il se passe quelque chose !

Thomas poursuit son exposé, invite tout le monde à patienter dans l’attente des différents résultats qu’il affichera dès que… et conclut en annonçant les trouvailles de Mia qui prend la parole à son tour, un peu intimidée par la présence de la hiérarchie.

- Bien, démarre Mia. Le couple à qui appartient la maison, du moins sur le cadastre, monsieur Germain Achille Bachellerie et madame Camille Jeanne née Bourgeois, la cinquantaine selon les relevés des cartes électorales en mairie. Mariés depuis vingt cinq ans, sans enfants, rentiers.

- Ca existe encore, les rentiers ? S’étonne Thomas en se marrant.

- Plus que jamais, répond Papi Panda. Allez, Mia, poursuivez.

- Bien ! Elle reprend : Ils vivent sept mois de l’année dans leur hôtel particulier et le reste du temps, ils voyagent en Europe et en Asie et au Maghreb. Ont une résidence secondaire en Belgique, région de Bruges, et une autre dans un patelin perdu du sud marocain.

- Thomas, la coupe Péron, contactez d’urgence les collègues en Belgique et tâchez d’obtenir des précisions sur cette baraque et s’il est possible qu’ils aillent y faire un tour et nous retournent un topo.

Elle se tourne vers Louis, rosit un peu, il aime ; et pendant qu’elle s’adresse à lui, il effleure imperceptiblement ses doigts posés sur la table à côté des siens.

- Louis, même chose avec nos collègues marocains.

- Oui, chef ! renvoie t-il dans un grand sourire car elle n’a pas retiré sa main.

- Mia, vous leur donnerez le maximum d’éléments. Poursuivez !

- Bien ! Ils tirent leurs revenus principalement de placements sur des valeurs françaises si on en croit leur banque mais je vais lancer une investigation fiscale et voir s’il n’y a pas mieux. Sinon, la maison leur appartient depuis dix huit ans et ils ont fait réaliser une série de travaux juste après l’achat : Embellissements, mise aux normes, décoration, etc… Cinq ans après, ont déposé une demande pour un garage en sous sol, accordée et les voisins ont vus une noria de camions et d’ouvriers durant plus d’une année.

- Un peu long, un an de travaux pour un garage, même sous un bâtiment classé ! s’exclame Papi Panda

- Ca remonte à loin mais, Mia, si vous pouviez remettre la main sur la liste des artisans, voir retrouver et contacter certains d’entre eux, ce serait le top !

- OK, chef ! Je fais mon possible et dans les meilleurs délais.

- Quelque chose sur l’autre femme, la plus jeune ? Sur l’enfant ? demande Louis.

- C’est bizarre, répond Mia. Aucune trace d’eux. Le couple n’avait pas d’enfant, c’est une certitude ; et pas d’employé de maison à demeure non plus, ils faisaient appel à une société d’entretien qui envoyait deux personnes un jour sur deux pour tout le ménage et à un traiteur qui livrait les repas, pareil, un jour sur deux sauf les petits déjeuners, fabriqués maison semble t-il.

- Donc, conclut Lisa, on ne sait rien de cet enfant et de cette jeune femme, ni de ce qu’ils faisaient là.

- Sur la table du petit déjeuner, rebondit Louis, les anachronismes : olives, huile d’olive, petites galettes, ça ressemble au petit déjeuner du sud marocain. Peut-être que la jeune femme ou jeune fille et/ou l’enfant étaient natifs de ces régions ?

- Bien pensé Louis ! Signalez à votre correspondant marocain qu’il serait opportun de lancer une recherche à propos de jeunes filles, d’enfants disparus dans les villages proches de la résidence du couple Bachellerie là bas.

Le procureur Altus n’avait pas ouvert la bouche depuis sa malheureuse réflexion au capitaine Persaud et tout le monde attendait ses questions et la direction dans laquelle il souhaitait voir évoluer l’enquête. En même temps, Lisa ne lui avait guère laissé d’espace et avait planté le décor de main de maître. Il ne voulait pas faire d’impair et se ridiculiser.

- Bon ! Fit-il mine de conclure, mesdames, messieurs, c’est de l’excellent travail. Poursuivez et dès que vous aurez du nouveau, on me prévient. Commissaire ! Capitaine Péron ! À demain !

Et il quitta la salle de réunion sans prendre la peine de saluer les autres membres de l’équipe. On entendit chuinter la voix de Lisa : « Trou du cul ! »

Le commissaire leur serra la main à tous, les invitant à rentrer chez eux car la soirée s’installait déjà, presque vingt heures et lui ne se ferait pas prier pour regagner son nid douillet où l’attendait sa dame, son épouse depuis presque trente ans.

Mia et Thomas lui emboîtèrent le pas, leur journée avait été bien longue aussi et, de toutes façons, ils n’auraient rien de nouveau côté labo et légiste avant au moins quarante huit heures.

- A demain, leur lança Lisa, et merci pour le boulot. Bonne soirée.

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