Je regagne la Résidence

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  Je regagne la Résidence. Les Russes jouent aux cartes. Le Biélorusse écrit. Le Polonais chante. Joyeuse mélopée sur cette terre si sauvage, si déserte. Un peu de joie au milieu de l’austérité. Je regagne ma chambre, commence à plier mes vêtements, à les ranger dans un bagage. Mes livres, je les attache à l’aide d’une sangle de cuir.

   Mon manuscrit, je le poserai sur la banquette arrière de la voiture. Mon manuscrit ? Mais où est donc passé le maroquin ? Je suis sûr de l’avoir posé sur mon lit avant de partir dans les dunes. J’ai beau fouiller les moindres recoins, il faut m’en remettre à l’évidence, mon manuscrit a disparu. Je descends dans la salle commune, interroge chacun, dans un anglais approximatif, la langue qui nous sert de lien. Je n’obtiens que de ternes réponses, de vagues exclamations mais nul indice sur la disparition de mes feuillets. Quelqu’un s’est-il introduit à l’improviste dans la Résidence ? Je ne ferme jamais à clé, confiant en mon environnement.

   Je dîne de très peu, abattu par l’événement qui, pour moi, sonne à la manière d’une tragédie. Constat d’une triple perte. Du roman, d’Aušra qui avait connu son épilogue ; du temps consacré qui se donne maintenant en pure illusion ; peut-être d’Aušra elle-même qui, par l’effet d’un simple hasard, aurait pu partager ma vie. Je regagnerai Paris les mains vides, pareil à un nomade de retour à son camp, dépouillé de son troupeau, autant dire de son âme. Matin. La route est monotone qui me conduit de Klaipeda à Paris en passant par Varsovie et Berlin. Je fais une halte à Poznań où je passe la nuit dans un hôtel donnant sur une rue peu fréquentée. Quelques jeunes déambulent dans une sorte de mortel ennui que le gris des pavés semble refléter. Face à ma chambre, un immeuble au crépi rose, aux encadrements de fenêtres blancs.  Un large porche d’entrée s’y découpe qui ne semble conduire nulle part. Ma nuit est agitée, traversée de rêves qui me propulsent brusquement hors du sommeil. Rien de plus éprouvant, alors, que de voir surgir cette réalité dont j’aurais espéré qu’elle n’était qu’une dentelle de l’imaginaire.

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