Vagues déambulations

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Lors de ces vagues déambulations, je ne fais que penser à l’écriture, au soutien quotidien qu’elle constitue, aux joies qu’elle me procure lorsque, l’inspiration aidant, les mots arrivent à la façon d’un lumineux grésil qui tomberait du ciel, couvrirait ma page blanche d’une autre blancheur, celle qui aperçoit l’infini au loin avec sa belle lumière, son subtil rayonnement. Reprendre l’écriture lituanienne, réécrire patiemment ce qui, déjà a été écrit ? Non, je crois que ce travail serait au-dessus de mes forces, qu’il ne se donnerait jamais qu’à la manière insuffisante d’un temps réchauffé, réaménagé, éternel retour du même qui inciserait ma peau bien plutôt que d’y appliquer un baume. La nuit, mes volets restent ouverts. Une clarté blafarde monte du ‘Quai aux fleurs’. Parfois le bruit froissé d’une péniche qui descend vers l’aval du fleuve. Mon voyage nocturne, comme toujours lors des périodes difficiles, est un récurrent clignotement, une forêt dense et obscure que traversent les éclairs du rêve. Longues séquences de songe éveillé, celles-là même qui, habituellement, constituent le creuset de mes futures écritures. Mais rien ne se montre vraiment que des pensées vides qui ne trouvent nullement le lieu de leur ouverture.

   Novembre est arrivé avec son cortège de feuilles. Ma fenêtre ne découvre qu’un paysage de désolation. L’Île Saint-Louis est à la peine. Ses toits de zinc gris se confondent avec le plomb du ciel. On dirait une chape de chagrin qui se serait abattue sur le monde. J’essaie de deviner, lors des rares éclaircies, un signal du destin qui ne soit nullement funeste. Je connais si bien les penchants de mon âme romantique, moi qui me nourris de l’écriture de Chateaubriand, de Rousseau, de Senancour, de Gérard de Nerval, de Charles Nodier, ces écrivains sont les images tutélaires, les sémaphores qui me guident sur les voies de la littérature. Je crois qu’ils ne peuvent me trahir, qu’ils existent toujours en moi avec leurs propres ressources, le privilège de leurs visions, la meute inouïe de leurs sensations. C’est en relisant une page de ‘La Nouvelle Héloïse’ que s’installe en moi l’idée qu’il me faut forcer le destin, me montrer à la hauteur d’une tâche qui me hèle au loin, complétude d’un manque infini :

   « …nos rendez-vous, nos plaisirs, ces foules de petits objets qui m'offraient l'image de mon bonheur passé, tout revenait, pour augmenter ma misère présente, prendre place en mon souvenir. S'en est fait, disais-je en moi-même, ces temps, ces temps heureux ne sont plus ; ils ont disparu pour jamais. »

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