15 octobre 2025 - A celle d'avant

3 minutes de lecture

Bonjour Corine,

Je m’appelle Marie. Je suis la personne dont tu as du entendre parler par Clément, il y a maintenant deux ans.

J’ai trouvé tes coordonnées grâce à ton prénom et la connaissance de ton activité.

Je comprendrais que tu n’aies aucune envie de lire cette lettre, pour ne pas te remémorer ce que mon existence a provoqué dans ta vie, pour ne pas remuer un passé déjà lointain pour toi.

Si je t’écris aujourd’hui, c’est pour te dire que tu n’es pas seule à avoir traversé ce que tu as traversé il y a quelques temps.

Je ne sais pas si tu as réussi à te reconstruire et que tu es heureuse aujourd’hui.

Je l’espère.

Sache que j’ai été la suivante sur la liste, juste après toi. La suivante à croire que ma relation avec Clément était unique, qu’il avait une sincère volonté de grandir, que nos traumas respectifs allaient s’apaiser dans une relation de soutien mutel. Et la suivant à subir les chauds et froids qui font vriller, à donner beaucoup pour recevoir des miettes, à subir les évitements, les silences, les flous, les retournements de situation contre moi par une savante stratégie de victimisation.

Quand j’ai appris votre rupture, et surtout, quand j’ai compris qu’il n’avait pas été clair sur la nature de notre relation, ça m’a bouleversée. Quand plus tard j’ai découvert, au détour d'une conversation, qu’il avait fait silence pendant 6 mois, puis qu’il n’avait pas eu le courage de répondre à ton dernier message (il me l’a raconté en se faisant passer pour le pauvre petit garçon tétanisé à l’idée de répondre / l’homme mature qui assume que c’est « pour ton bien » qu’il ne répond pas), alors j’ai commencé à comprendre à qui j’avais affaire. J’ai eu envie de t’écrire à l’époque, déjà, pour en avoir le cœur net et me protéger de ce que je préssentais. Mais au lieu de ça, je suis restée dans la relation, réduite à la sphère « amicale » depuis plus d’un an, et j’ai morflé.

J’ai bien failli y laisser ma peau.

Je sais que toi, tu as qualifié son comportement de manipulation. Il me l’a raconté en pleurant, m’expliquant à quel point ça faisait mal d’entendre ça d’une personne avec qui on avait été si proche, me faisant croire qu’il se remettait en question. Moi, aujourd'hui, je vois parfois de la manipulation aussi, mais j’oscille encore entre la certitude et le doute. Comment un homme qui a l’air si gentil et sensible pourrait être manipulateur à ce point ? Et à l’inverse, comment un homme aussi intelligent pourrait ne pas savoir exactement ce qu’il fait ? Mais un jour, je sortirai peut-être du déni : j’ai un psy, un psychiatre et une coach qui m’ont dit « Evidemment que c’est de la manipulation, évidemment qu’il sait ce qu’il fait ». Et moi je n'arrive toujours pas à y croire.

Alors voilà. Au fond cette lettre est un peu égoïste, elle nourrit mon besoin de partager mon trouble avec une autre femme blessée par le même homme, dans une forme de sororité et de réparation. Je viens de lire la BD « Tant pis pour l’amour. Comment j’ai survécu à un manipulateur », et l’héroïne contacte une ex-amie de son ex-compagnon, et tombe des nues de découvrir que la femme en question n’est pas du tout comme il l’avait présentée, et avait vécu les mêmes situations déstabilisantes avant elle.

Je crois que le plus important, c’est surtout de comprendre comment on a pu accepter une situation déséquilibrée et souffrante, pour ne plus jamais retomber dans ce shéma. J’en suis là. Je te souhaite d’en être bien plus loin dans le processus. Si tu veux en parler, je suis à l’écoute, si tu ne le souhaites pas, je comprendrais.

Il va sans dire que je préfère que ce contact reste entre nous. Je travaille toujours dans la même entreprise que lui, et même si on ne s’adresse plus la parole, je ne veux pas qu'il me prenne pour une folle de te contacter.

M.

J'oscille entre la reconnaissance de mes torts, de mon anxiété et de mon incapacité à me choisir, et ce besoin de voir en lui le manipulateur qui m'a détruite.

Cette lettre à Corine vient contredire "Celle qui se choisit", elle est la lettre qui accuse, la lettre qui renforce la posture de victime et se cherche une aliée.

Ces deux lettres sont à l'image de mon état oscillant.

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