Tu apprendras
Vivre.
Vivre cette exaltation où plus rien ne peut nous toucher.
Je te pousse à cette révolution intérieure : rien n’est jamais totalement appris.
Chaque seconde de ta vie, tu apprendras.
Tu apprendras qu’une maison, ce n’est pas des meubles ni des murs,
mais ce sont des gens de confiance qui te diront avec amour :
« Chérie, la prochaine fois, c’est moi qui fais à manger. »
Tu écouteras la sagesse des anciens, et quand tu auras compris,
tu pourras enfin dire :
« Merde, je m’envole. Laisse-moi vivre mes erreurs en pleine conscience.
Je veux me détacher de ton regard et vivre pour moi. »
Alors, laisse-moi juste assez de temps pour t’apprendre à rouler face aux erreurs.
Quand toi, tu m’apprendras à faire des colliers de perles que je porterai avec fierté sur les chantiers,
moi, je t’apprendrai à nouer tes lacets pour ne pas tomber.
Évidemment, tu tomberas.
Du vélo, des toboggans infernaux.
Tu tomberas quand tu voudras courir plus vite que l’éclair, avec tes chaussures « qui courent vite ».
Et tu feras comme moi, plus tard :
tu compteras tes cicatrices en souvenirs des conseils des anciens.
Ceux qui me disaient :
« Ne monte pas sur cet arbre, cette branche est mouillée. »
Tu apprendras la gauche de ta droite, et ça évitera des douleurs à papa,
surtout quand on fait du vélo.
Alors n’oublie pas : la gauche, c’est la main avec laquelle tu n’écris pas.
Et le panneau « stop », il faut vraiment t’arrêter.
Ce jour-là, quand tu comprendras, papa pourra enfin se reposer un peu mieux.
Comment ? Sortir ce soir alors qu’il y a école demain ?
Tu apprendras à poser les bonnes questions, au bon moment.
Ton regard azur fait fondre mon cœur comme un chocolat à côté d’un café brûlant…
Mais parfois, je devrai me montrer strict.
Pas parce que je ne t’aime pas, mais pour t’éviter de t’endormir en cours d’histoire.
Et même quand le proviseur m’appellera pour me dire que tu parles trop en classe,
je te ferai les gros yeux…
Mais au fond, je rigolerai. Parce qu’au final, tu seras mon double,
une copie sans trop de bosses.
Tu apprendras aussi que les kits de chimie…
s’il y a un manuel dedans, ce n’est pas pour décorer.
C’est pour garder tes magnifiques sourcils à leur place,
et éviter d’avoir à m’expliquer pourquoi le mur blanc est devenu bleu.
Oui, tu me mentiras.
Et oui, je te laisserai faire.
Mais j’espère qu’un jour, tu viendras vers moi et tu diras :
« Papa, pardon. Je t’ai menti. »
Et moi, je jouerai l’étonné.
Alors oui, tu apprendras par toi-même que malgré tout ce qu’on peut t’enseigner,
il faudra que tu vives.
Et même si ça me déchire le cœur,
je ne pourrai pas toujours te sauver de la douleur,
ni de la sensation des larmes qui coulent sur ton visage.
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