Au poney fringant

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Roland descendit dans les sous-sols obscurs de la bibliothèque d’Historia, son pas résonnant faiblement sur les dalles froides. Puis, il remonta lentement au rez-de-chaussée, et constata sans surprise que le monde autour de lui avait changé d’époque. Bien antérieure à celle de l’amphithéâtre, cette époque semblait identique à celle qu’il avait visitée lors de sa précédente incursion dans ce monde fragmenté.

Roland scruta le hall. Rien ne vint troubler son regard, aucun détail ne captiva son attention. Sans hésiter, il se dirigea vers la sortie, l’objectif clair : rejoindre l’auberge la plus proche.

Devant lui, la façade du Poney Fringant se dressait, marquée par le temps et les cicatrices d’un passé tumultueux. Plusieurs années s’étaient écoulées depuis sa dernière réparation, et pourtant, l’enseigne portait encore les stigmates de l’incendie déclenché par Adelheid. Le bois calciné s’entremêlait aux couches de peinture fanée, témoignant silencieusement d’un événement brutal.

Roland poussa la porte et pénétra dans la salle presque vide. Seule une autre table était occupée, où trois hommes, perdus dans une conversation animée, ne remarquèrent pas son entrée. Il s’installa dans le coin le plus sombre, à une petite table isolée, et commanda un hypocras.

Ses oreilles tendues captèrent bientôt des bribes de leur discussion. L’un d’eux, venu du Pays imaginaire, relatait que la faille, cette mystérieuse brèche située à la base du monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle, venait d’atteindre les portes de la ville. Une dislocation tectonique singulière, sans déplacement visible, mais avec une ouverture béante.

Lors de son précédent séjour en Fantasy, la déchirure s’était refermée à douze lieues de cette cité. Roland esquissa un bref sourire, caché derrière l’ombre de son capuchon. Après sa nuit avec Ryana, certains prétendaient que la fissure s’était rapprochée du Pays imaginaire d’une demi-lieue.

Mais l’incompréhension le saisit. Les Mooc de l’univers FUN étaient des mondes cycliques, rythmés par de courtes périodes d’activité entrecoupées de longues phases de stase. Quand leur ultime phase d’activité s’achevait, ils ne se désintégraient pas : ils se pétrifiaient.

Alors quelle force pouvait bien provoquer cette progression inexpliquée de la cassure ?

Un mystère que Roland savait devoir élucider. Mais pour l’instant, il attendait. Il savait que quelqu’un allait entrer dans l’auberge. Il ignorait qui, quand et pourquoi. Mais il avait la certitude de l’importance de l’événement.

Il recula lentement sa chaise, posa l’oo’lu en travers de ses genoux, puis murmura une incantation au shaed. La lumière dans ce coin de la salle diminua doucement, les contours de son corps s’estompèrent peu à peu, jusqu’à ce qu’il disparaisse entièrement dans l’ombre. Invisible aux yeux des autres.

Roland s’installa dans ce silence feutré, le poids du mystère pesant sur ses épaules. Combien de temps devrait-il patienter ? L’attente était une arme aussi tranchante qu’une lame, et il l’affûtait à chaque instant.

Son esprit, calme et concentré, répéta en silence les mots du mantra :

**Om Bhur Buvaha Suvaha**

**Thath Savithur Varenyam**

**Bhargo Devasya Dheemahi**

**Dhiyo Yonaha Prachodayath…**

Ce chant ancien, tiré des paroles de la Gayatri Mantra, ne relevait pas d’une prière, mais d’un alignement — une manière d’ancrer son être dans l’univers, de créer un lien entre les plans et les énergies invisibles.

Il attendait, serein et vigilant, prêt à saisir la moindre perturbation dans le flot du temps.

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