26. Christophe se dévoile

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26.     Christophe se dévoile

 

— Dis, tu voulais parler du futur, demanda Christophe.

— Oui, qu’allons-nous faire Christophe ? Comment allons-nous continuer à nous voir ? Est-ce que ce que nous faisons actuellement te convient, ou pas ?

— Qu’est-ce que tu en penses, toi, du fait de passer du temps chez chacun de nous, chez toi en semaine et chez moi le weekend ? Personnellement, je pense que c’est jouable le temps de se connaître encore mieux, avant de prendre une décision de vie commune.

— Mmh, effectivement, c’est jouable, et c’est important qu’on se connaisse encore plus, avant d’envisager une vie en commun, dans un lieu choisit en commun.

— Oui, mais toi, c’est ton appartement, tu es propriétaire, je ne pourrais pas te dire de vendre pour acheter un endroit en commun.

Elle le regarda et sourit, décidément, il n’est vraiment pas comme mon ex, pensa-t-elle

— Je pourrais le louer et récupérer le loyer pour emprunter avec toi, pendant que je continuerais à rembourser mon emprunt personnel. Je n’en ai plus que pour cinq ans.

— Ce serait lourd pour toi, non ?

— Peut-être… Mais, est-ce que cela te dérange d’habiter « chez moi » ?

— Bah… C’est chez toi…

Il lui caressa le bras, mais son regard se perdait dans le vide, Clémence le repéra.

— C’est le fait que l’appartement m’appartienne qui te dérange ?

Elle eut un pincement au cœur… Finalement, pensait-il quand même comme son ex ?

Il soupira, prit un air un peu triste et grognon.

— Non, ce n’est pas ce fait-là, c’est que c’est chez toi.

— Ce n’est pas plus clair Christophe, quoi ? Que crains-tu ? Que je te fasse payer un loyer ? Que je te mette à la porte du jour au lendemain ? 

Elle s’arrêta lorsqu’elle sentit sa réaction ; il s’était raidi tout d’un coup, respirant superficiellement et plus rapidement.

— Christophe, tu as peur que je te mette dehors ? Mais pour quelle raison ferais-je ce genre de chose ?

— Le jour où tu n’auras plus besoin de moi…

Elle se redressa et lui fit face, il avait les yeux perdus, le petit faon qu’elle avait entr’aperçu ce matin était là, face à elle. Elle prit ses mains dans les siennes.

— Christophe, je n’ai pas « besoin » de toi, je t’aime… Tu parles de toi comme si j’allais t’utiliser. Je te veux, toi, en tant que personne qui me complète, pourquoi est-ce que je « jetterais »  à la porte la personne qui me complète ?

Il ne répondit pas, il haussa les épaules.

Elle prit sa tête, la posa sur sa poitrine et le berça.    

— Je ne sais pas ce qui te fait penser ça Christophe, mais je t’assure, je n’ai nullement l’intention de te jeter, même si nous devions ne plus nous entendre, je tenterais de clôturer les choses correctement entre nous, ne fusse que pour tout ce que tu m’as déjà donné. Sauf bien sur si tu me fais des coups bas, là ce serait autre chose, mais je ne te conçois pas comme une personne capable de faire des coups bas à la personne qu’il aime, je me trompe ?

— Non.

Mais il n’en dit pas plus. Elle s’assit face à lui et posa son front contre le sien, elle tenait ses mains dans la sienne, de l’autre, elle lui massait l’épaule.

— Christophe, où es-tu, là ?

Il soupira, profondément, écrasa une larme et fini par lui dire,

— Loin, je suis loin.

Elle le laissa parler, espérant qu’il lui explique ce qu’il se passait pour lui, en ce moment précis.

— Mon ex, elle m’a interdit d’entrer dans notre appartement en changeant les clés… Elle a empaqueté mes affaires et me les a fait envoyer chez mes parents, où je m’étais réfugié entre-temps.

Il s’arrêta, jeta un regard à Clémence qui le regardait avec douceur, puis reprit.

— Elle a gardé tout ce que nous avions acheté en commun, l’appartement était à son nom.

— Tu as peur que cela puisse recommencer avec moi ?

Il la prit dans ses bras, la serra fort puis la relâcha et continua,

— J’étais amoureux, je pensais qu’elle m’aimait aussi, elle a profité de moi, je ne me suis pas méfié lorsqu’elle a voulu un compte commun, alors qu’elle gardait un compte à elle de son côté… Elle y faisait régulièrement des versements… J’avais une confiance aveugle.

Il fit une pause.

— J’ai été con… Et elle m’a bien baisé !

Lorsqu’il eut lâché ça, tout son corps se relâcha. Elle le retenait, il pesait contre elle.

— Après, je n’étais plus qu’une loque, Clémence, j’ai dégringolé très bas… J’ai même pensé à me supprimer.

Il retenait sa respiration après avoir énoncé la dernière phrase, Clémence l’enlaça et lui dit avant de déposer un baiser dans son cou,

— Heureusement que tu ne l’as fait Christophe, nous ne nous serions pas rencontrés et je n’aurais pas eu l’occasion de t’aimer.

Il soupira et lui glissa,

— C’est dans ce genre de moment-là qu’on peut se rendre compte qu’on n’est pas grand-chose dans la vie.

Elle lui caressa les cheveux puis le visage. Il intercepta sa main et y posa un baiser.

— J’ai mis du temps à réapprendre à vivre et à faire confiance.

— J’imagine, te faire mettre à la porte de chez toi, te faire voler ton argent… Cela n’a rien d’agréable, surtout si comme tu le dis, tu avais une confiance aveugle en elle.

— J’étais porté par l’amour que je lui vouais, j’étais complètement aveugle.

Il se tut puis reprit,

— Et en plus, elle me trompait allègrement depuis le début de notre relation avec un gars que je considérais comme un ami.

Elle continua à lui caresser les cheveux tout en l’écoutant se livrer à elle.

— J’ai eu le choc de la rupture radicale, mais ensuite, j’étais tellement en colère contre « les femmes » que je me suis en quelque sorte « vengé » en collectionnant les relations sans lendemain.

Il leva son regard vers elle, elle le regardait avec attention, lorsqu’elle vit son regard, elle haussa les sourcils et esquissa un sourire… Oui, il avait eu une vie avant elle, elle le savait.

Comme pour s’excuser, il ajouta,

— Je me suis toujours protégé.

Elle vit l’esquisse d’un sourire sur ses lèvres lorsque leurs yeux se croisèrent, mais il disparut bien vite. Christophe continua,

— Mais à la longue, je me suis bien rendu compte que cela ne m’apportait rien de bien. Je « consommais » ces femmes, sans égard pour ce qu’elles pouvaient ressentir. J’ai commencé à être dégoûté de moi-même et j’ai fini par à aller mal… Très mal ; j’étais en dépression.

Il s’arrêta de parler, il n’osait pas la regarder. Elle pencha la tête et lui demanda, sur un ton très doux,

— Est-ce que tu t’es fait aider ? Pour la dépression.

Il prit une respiration plus profonde et reprit,

— Oui, après que mon père m’ait retrouvé, dans la pièce d’à côté, avec une corde dans les mains en pleine réflexion autour du type de nœud à choisir pour que ce soit rapide.

Clémence s’était collée à lui et lui caressait le dos. Elle avait l’impression d’avoir senti un filet d’eau glacée tout le long de sa colonne vertébrale ; c’est comme cela qu’il avait failli se suicider. Elle prit quelques secondes pour se remettre de cette annonce et écouta la suite des évènements que lui racontait Christophe.

— Il m’a amené aux urgences et j’y ai vu un psychiatre, que j’ai continué à voir pour les antidépresseurs et j’ai aussi commencé une psychothérapie. Ça m’a aidé à comprendre dans quoi j’étais tombé avec Sophie… Et à me sortir de ce genre de relation toxique.  

Il fit une pause.

— Je n’avais plus confiance en moi, côté amoureux… J’avais toujours la crainte, malgré la thérapie, de tomber dans les mêmes genres de travers.

Il soupira doucement puis lui dit,

— Puis, je t’ai vu, un jour, au boulot, mon cœur brisé et insensible s’est remis à battre et je n’ai pas su quoi faire… J’étais perdu face à toi.

Il avait terminé sa phrase d’une voix tremblante. Elle s’écarta de lui, le regarda dans les yeux qu’elle découvrit baignés de larmes et lui dit,

— Mais finalement, nous y sommes arrivés, non ? On aura pris le temps, tant toi que moi, Christophe, mais on est à deux maintenant, mon amour.

Il la prit dans ses bras, respira la racine de ses cheveux, puis dit,

— Oui, finalement, nous y sommes arrivés… Mais jusqu’au moment où tu m’as embrassé la joue au forum étudiant, je n’y croyais pas ; toi, une super nana, ultra motivée, qui va partout, pourquoi t’intéresserais-tu à moi, un petit gars discret et insignifiant ?

— Arrête, c’est moi qui avais l’impression d’être insignifiante ; toi, tu m’apparaissais si inaccessible dans ta tour d’ivoire… Moi c’est quand je t’ai vu sur le parking que je me suis dit que je devais tenter le tout pour le tout avec toi… Quitte à me prendre un râteau.

Il soupira, puis la regarda en esquissant un sourire,

— Le petit faon a trouvé une petite biche en fait…

Elle lui sourit,

— Oui, j’en ai bien l’impression… Est-ce que cela t’embête que j’aie aussi un vécu « particulier » ?

— Non, pas du tout… Moi, ça me permet de me dire que je ne suis pas le seul à avoir souffert, côté amoureux.

— Tu penses que cela nous permet de mieux nous comprendre mutuellement ?

— Oui, je pense, aucun de nous deux n’a plus l’illusion de l’amour idéal, pour en avoir dégusté fameusement. Tant toi que moi, non ?

— Oui, et c’est pourquoi je veux parler de notre relation. Je veux éviter de repartir dans l’attente et l’espoir que « des choses arrivent ou bougent » toutes seules. Est-ce que tu es d’accord avec ça ? Tu me le diras s’il y a un truc qui te dérange chez moi ? Et inversement ?

— Je suis tout à fait d’accord avec ça Clémence.

Après un petit silence, il lui avoua :

— Tu sais, j’avais peur que tu ne t’encoures quand tu apprendrais que j’ai été loin dans la dépression.

— Comme j’ai eu peur que tu t’en ailles quand je t’ai expliqué ce que j’ai vécu avec mon ex.

— Oui, je me souviens, tu me proposais même de partir.

— Et tu es resté.

Elle le serra dans ses bras, il fit de même,

— Et toi ? Tu resteras après ce que tu viens d’apprendre ?

— Mais oui, pourquoi voudrais-tu que je m’en aille ?

— Parce que… Être avec un ancien dépressif…

— Hé ! Arrêtes, ce n’est pas un truc honteux Christophe ! Personne n’est à l’abri de ce genre de chose.

Il soupira.

— J’espère que tous ces côtés noirs sont bien derrière nous.

— Et moi, j’espère que nous pourrons construire de belles choses Christophe, j’ai envie de vivre, d’être heureuse… Avec toi.

Il s’installa, assit, devant elle, tenant la tête de Clémence par la mâchoire, il la regarda dans les yeux et lui dit,

— Je t’aime Clémence… C’est vraiment ça que je ressens. Tu sais, tu es la première à qui j’en parle, même certains de mes amis ne sont pas au courant ; ils savent que j’étais en dépression, mais ils n’imaginent pas jusqu’où j’ai pu tomber et je n’ai pas envie de leur en parler ; je ne leur fais pas assez confiance, je ne me sens pas assez « libre » d’être moi-même face à eux, c’est quelque chose de trop… Intime.

— Tu sais, tu es aussi le seul à qui j’ai parlé de mon expérience, à part ma sœur. Il y a des choses que certaines personnes ne peuvent ou ne veulent pas entendre, et puis, comme tu le dis, c’est tellement intime, que ça en devient même un peu honteux.

— Oui, c’est ça, même si cela n’a rien de honteux, c’est comme si cela le devenait.

Elle le détailla puis dit,

— Dit, Christophe, je te propose de reprendre là où on s’était arrêté… Je te ferais bien un petit massage, même si je suis moins douée que toi, j’ai envie de te relaxer.

Avec  un sourire en coin, il lui dit,

— Oh oui ! Je suis preneur… Montre-moi ce que tu sais faire de tes mains !

— Hé ! Un massage classique… Pour un supplément, je verrais, peut-être, à la fin. Tourne-toi, que je commence par ton dos.

Il s’exécuta en souriant. Clémence s’appliqua à détendre tous les muscles de son corps.

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