La chambre des secrets
La pièce portait bien son nom. Aucun écho. Même la canne de Maurevers, d’ordinaire si sonore sur les dalles, semblait hésiter. Les murs étaient tendus de velours sombre, et une grande table en noyer trônait au centre, couverte de feuillets à demi classés.
La magistrate était déjà là. Raide. Digne. Une figure de marbre sur un trône administratif. Elle ne parlait pas — elle attendait. Et dans cette attente, il y avait plus de pouvoir que dans les discours.
— Motif de votre requête ?
Maurevers déposa le dossier. Lentement. Presque rituellement.
— Incohérences. Substitutions. Vol de page. Et surtout, une mémoire qui ne s’est jamais refermée.
Lauris ajouta :
— Nous ne demandons pas la révision par caprice. Mais parce qu’elle s’impose à l’Histoire.
La magistrate les fixa longuement. Puis :
— Trois jours. Archives, entretiens, témoignages. Pas un de plus. Après, vous n’êtes plus ici.
Ils signèrent.
En sortant, la pluie avait commencé. Les pavés brillaient sous la lumière des réverbères. Maurevers marcha lentement, absorbé. Ses gants ruisselaient. Mais il ne les retira pas.
— Trois jours, murmura-t-il. Et si nous ne trouvons rien, c’est que le mensonge est plus ancien que la Révolution.
Vélin, derrière lui, griffonna une dernière note dans la marge du carnet :
> « Nous entrions dans la dernière demeure de la vérité. Et elle n’était pas vide. »
Mais certains silences ont une odeur. Celle des couloirs vides, de l’humidité sur les dalles anciennes, et des regards qui s’attardent trop longtemps.
En quittant la Chambre des Silences, Maurevers n’était pas apaisé. Il était prêt. Prêt à descendre plus bas, à sortir du marbre judiciaire pour s’enfoncer dans les ruelles de la mémoire oubliée. Et pour cela, il allait lui falloir un limier. Ou mieux : un complice revenu du passé.
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