Chapitre 2 Le silence des Pierrespar marieroustant@hotmail.com il y a 22 heures
CHAPITRE 2 : Le Silence des Pierres (v
La torche jetait des reflets orangés sur les parois d’une cave voûtée, aux pierres humides et crevassées. L’air y était glacé, gorgé d’un silence si épais qu’il semblait absorber les respirations. Octave Bricourt descendit lentement les marches, son pas résonnant comme une sentence sur les dalles.
Il écrasa sa casquette entre ses doigts. « Ce n’est pas un terrain pour les vivants », murmura-t-il.
Maurevers, ganté, impeccablement droit dans sa redingote anthracite, descendit sans bruit derrière lui, comme un juge venu assister à l’exhumation d’un ancien crime.
Un squelette gisait, recroquevillé, dans une alcôve murée. Le mort ou la morte était blotti contre la pierre, bras repliés comme dans une dernière prière. Une jupe effilochée, des bottines à lacets noircis, et un médaillon fendu racontaient déjà une histoire. Le mur avait été rebâti, bêtement, comme pour cacher une vérité brûlante.
« Elle a été enfermée vivante, dit Bricourt, la voix rauque. Regardez. Aucun os déplacé. Elle n’a pas été déplacée après la mort. »
Maurevers approcha, s’agenouilla lentement. Il toucha le sol. De la poussière remonta, mêlée d’un parfum minéral — celui du temps figé.
« Observez la cambrure de la colonne vertébrale. Cette posture n’est pas une chute. C’est une affirmation. Jusqu’au bout, elle a gardé la dignité. »
Son regard s’arrêta sur une mèche de cheveux, encore retenue par un ruban bleu nuit à demi rongé. Une boucle d’oreille gisait à côté : ambre, cerclée d’or.
« Ce n’était pas une domestique, souffla-t-il. Ce bijou... c’est une signature sociale. »
Bricourt alluma une seconde torche. Le faisceau élargit l’ombre sur le mur. Une inscription surgit : trois lettres gravées à la lame. S. E. V.
Un frisson remonta l’échine du policier. « Qu’est-ce que ça signifie ? »
Maurevers ne répondit pas tout de suite. Il effleura les lettres. Puis, comme s’il avait saisi un souffle à travers les pierres, il recula.
« S. E. V. Peut-être des initiales. Ou un code. Ce qui est certain... c’est qu’elle a laissé un message. »
Sous la dalle fissurée, un objet crissa. Il dégagea un petit rouleau, un papier jauni, protégé dans un étui d’étain. Il ne l’ouvrit pas encore. À la place, il leva les yeux vers Bricourt.
« Nous avons réveillé une mémoire. Le genre de vérité que la République préfère oubliée. Et la justice... va devoir écouter. »
Bricourt pâlit légèrement. Il n’avait jamais vu Maurevers ainsi : tendu, presque hanté.
Un bruit soudain fit sursauter les deux hommes : un courant d’air, une pierre tombée ? Non, rien. Ou alors... les murs respiraient encore.
Ainsi se referma la crypte de pierre. Mais dans l'esprit de Maurevers, la découverte n était pas un point final c’était une brèche. Ce squelette oublié, cette lettre au phénix, ces murs gravés d’oubli, formaient les pièces éparses d’un puzzle que nul ne voulait plus regarder.
Pourtant, dès ce soir-là, dans le silence de ses appartements tapissés de livres, Valdrigel de Maurevers commença à assembler les ombres. Et l’Histoire, docile jusque-là, se mit à frémir.