Coup dur
- Bonne chance Rocky !
- Merci les mecs, on se voit tout à l'heure !
Le combat était enfin arrivé. Miguel et Burt rejoignirent Rachel sur le banc 'VIP' tandis que je mettais quelques coups dans le vent dans avant de monter sur le ring. Mon adversaire m'y atttendait, le regard toujours aussi fou. Il ressemblait vraiment à un animal sauvage, son coach ne prenait même pas la peine de lui donner des consignes tandis que Gius me transmettait ses dernières directives.
L'arbitre renvoya Gius dans son coin avant de nous donner les consignes habituelles avant de commencer. En regagnant mon corner, je releva la tête.
La faculté avait vu grand pour cette année, en jetant un regard autour de moi, je pouvais observer une centaine de personnes amassées dans le gymnase. On avait vraiment bien aménager le batîment, d'énormes projecteurs illuminaient le ring quasiment neuf, monté la semaine dernière.
Une silhouette familière attira mon regard, c'était celle de la fille qui avait embêté Rachel la dernière fois. Elle espérait sans doute me voir me faire démolir, motivation de plus pour que ce ne soit pas le cas...
DONG
Perdu dans mes pensées, le gong me surprit tandis que mon adversaire avait déjà traversé l'espace nous séparant. Une avalanche de coup commença à pleuvoir sur moi. Je n'avais d'autre choix que serrer ma garde et tenter de fuir ses coups.
- Abruti ! Tu comptes te faire démolir aujourd'hui ou quoi ?
Décidément Gius était toujours aussi agréable.
Mais les coups de ce type, sans être précis, étaient douloureux. Il avait une puissance de frappe vraiment impressionnante et à ce rythme là, mes bras allaient être ankylosés sous peu.
Profitant d'une pause dans son enchaînement, j'esquissais une feinte vers la gauche puis en changeant d'appui lui décocha un crochet de gauche au foie. Son corps se plia en deux, comme prévu, j'enchaînais donc avec un uppercut du droit. Mais avant que je puisse le lancer, mon adversaire se projetta sur mon poids, son épaule s'enfonçant dans mes abdominaux, ce qui eut pour effet de me couper le souffle.
L'arbitre s'interposa immédiatement et avertit mon opposant. Il n'avait trouvé que cette ruse pour m'empêcher de le frapper, pathétique. Le reste du round ne fut constitué ensuite que d'un jeu de chat et de souris ou aucun de nous deux ne se livrait vraiment.
Au son de cloche, Gius me tendit un tabouret gris sur lequel je m'affalais.
Le haut de mon corps était déjà rougeoyant sous la force des coups adverses et me faisait souffrir.
- Espèce d'idiot ! Tu comptes faire le punching ball encore une fois ?
Je répondis négativement de la tête, trop occupé à reprendre mon souffle pour parler.
S'ensuivit un sermont sur ma manière de défendre puis d'une claque dans le dos pour m'encourager. Le crâne rasé en face me fixait, un sourire goguenard aux lèvres, son coach était à peine intervenu avec lui, il était décidément très bizarre.
Sa stratégie n'avait pas changé car je subis d'entrée de jeu une nouvelle tornade de coups, que j'esquivais pour la plupart. Malgré ça, les quelques frappes qui réussissaient à me toucher étaient incroyablement lourdes, j'avais l'intuition qu'il pouvait me mettre KO sur un crochet ou un uppercut.
Alors qu'il balançait un direct du droit trop ample, je me baissai pour passer en dessous et lancer un contre du droit là aussi. A ma surprise, durant le mouvement, ses yeux se fixèrent sur les miens et, accompagné d'un grand sourire, il abaissa son bras sur le mien, me bloquant.
Avec une rotation de son bassin, il plaça l'arbitre dans son dos et en profita pour placer son coude sur la trajectoire de mon visage.
Un éclair rouge traversa mes yeux, suivit d'un deuxième, dont l'épicentre était cette fois-ci ma machoîre puis le doux contact du tapis.
Cet enfoiré avait triché, son coup de coude était clairement illégal et j'entendais sourdement Gius enrager contre l'arbitre tandis que dans mon champ de vision, les silhouettes et l'éclairage tanguait.
- 6 !
- 7 !
Cet abruti ne pouvait pas gagner sur ça, il n'était même pas meilleur que moi.
- 8 !
Mû par une rage sourde, je poussai violemment sur mes bras et me remit à pied.
L'arbitre vient directement vers moi en fixant ses yeux globuleux dans les miens :
- Vous pouvez continuer ?
La douleur à ma machoîre me bloquait, impossible de prononcer un mot correctement.
- U... ii..
Alors qu'on tirait un tabouret pour que le médecin m'osculte, une main familière me toucha l'épaule:
- Gamin ça va ?
Le gros visage rougeaud de Gius m'apparut au-dessus de mon épaule.
- Tu veux continuer ?
Tandis que le médecin regardait mes pupilles et tâtait mon visage, j'hochai frénétiquement la tête.
- Il est bon pour continuer je pense.
- Très bien, merci, on va pouvoir reprendre. Coin bleu debout !
Je me redressai instantanément, cet enfoiré allait me le payer.
A la reprise du combat, il se relança dans le même enchaînement que d'habitude. Finalement, il était assez prévisible. Son direct du droit me revint en tête, j'effectuai alors le même mouvement que tout à l'heure mais cette fois-ci en passant mon bras par en-dessous. Dans la surprise, il réussit à placer son bras gauche sur son tronc, le coude en avant. Mais, ce n'était pas là que je visais. Mon poids s'enfonça alors profondément dans sa coque, le soulevant de quelques centimètres avant qu'il ne s'écroule dans un grand cri de douleur.
L'arbitre me saisit par la taille et me repoussa dans mon camp tout en me sermonnant, prochain coup bas et je serais pénalisé d'un point sur ce round.
Gius ne bronchait même pas, signe qu'il approuvait entièrement mon geste. C'était cette fois-ci à mon tour d'afficher un sourire goguenard.
Après plusieurs minutes de récupération, il se remit enfin en garde. Le combat était passé dans une autre dimension, son regard glaçant planté dans le mien me le disait haut et fort, il y allait avoir un KO ce soir.
L'arbitre abaissa son bras, lançant de nouveau le combat. Aussitôt nous nous précipitâmes l'un sur l'autre.
DONG !
La cloche nous arrêta à moins d'un mètre l'un de l'autre. Mon regard planté dans le sien, nous nous défiâmes des yeux avant de rejoindre notre coin respectif.
La pause ne fut que courte, mon sang bouillonnant dans mes tempes m'empêchait d'entendre distinctement les consignes de Gius, j'étais hors de moi, prêt à en découdre avec mon adversaire.
Au moment de cracher du sang âpre dans le vieux seau que me tendait le coach, j'aperçus dans la foule une tignasse blonde reconnaissable. Cette dernière me fit un bref coucou de la main, le visage tordu par l'angoisse, ou la passion.
DONG !
Mince, je m'étais perdu dans mes pensées encore une fois. L'autre combattant était déjà à ma hauteur et effectuait quelques jabs pour prendre la distance de frappe. Son approche avait complètement changée, sans doute grâce au coaching, fini la tornade de coup. Il combattait stratégiquement désormais, ne laissant que peu d'espace pour frapper. Seulement, j'étais emporté par ma furie et me livrait un peu trop, il me sanctionna de quelques directs qui firent scander la foule. Un liquide chaud vint couler sur mon oeil, arrivé à ma bouche, le goût salé de celui-ci me fit remarquer que c'était mon propre sang, il m'avait ouvert.
L'arbitre stoppa le combat et laissa Gius me rafistoler ça comme il le pouvait. L'entaille était superficielle mais saignait abondamment. Malgré les soins, je devais sans cesse me dégager le visage du liquide suintant. Mon adversaire essayait dorénavant de passer du coté de mon oeil abimé désormais afin de jouer sur mon manque de visibilité. J'arrivais à le bloquer avec mes déplacements mais cet enfoiré frappait quand même mon arcade dans le but d'inonder mon visage.
J'avais beau mettre mes gants en opposition, ses coups les transperçaient.
Mes chances de gagner s'amenuisait au fur et à mesure, j'allais bientôt être incapable de combattre. Alors que ma garde était haute afin de protéger mon visage, il en profita et, se baissant sur ses appuis, il me frappa d'un crochet aux côtes foudroyant. C'était comme si une barre de fer venait de m'entailler l'os, plié en deux, mes bras redescendirent instinctivement et le temps s'arrêta.
L'espace d'un instant, je pus tout distinguer, le sang sur le ring, les visages expressifs des supporters en folie, l'éclat des projecteurs dans les yeux de mon opposant. Je savais qu'il allait essayer de m'achever avec un crochet au visage. Seulement, j'étais à bout, l'esprit vif mais le corps émoussé comme si je m'étais fais rouler dessus par un semi-remorque, sans doute l'effet de la tempête de coups que je m'étais pris. J'allais devoir jouer intelligement, enfin plutôt j'allais devoir jouer le tout pour le tout, connaissant son prochain coup. Alors qu'il amait son crochet, je vins placer mon visage directement sur la trajectoire de son poing, afin d'atténuer le choc, étant donné que son crochet n'avait pas encore pu prendre toute sa vitesse par manque d'élan. Un contre, voilà la solution que j'avais choisi. Tandis que mon visage faisait l'amitié avec son gant, je lançais un uppercut contenant mes dernières forces, à la résistance rencontrée je pus en déduire que j'avais fais mouche.
Cependant, son crochet eut raison de ma résistance et il me projetta à terre. La tête complètement explosée, je vis dans le flou complet son corps tomber lourdement. Un bras, puis l'autre, je devais commencer par là pour me relever. Il avait visiblement la même idée en tête que moi, car, ses muscles dorsaux tremblant fortement, il parvint à se mettre à genou. J'étais, quand à moi, immobile, dans l'incapacité totale de bouger un membre. Le sol me paraissait mou et je m'enfonçais toujours plus dedans. Mes yeux furetant partout en quête de soutien, une lueur blonde fut la dernière chose que je vis avant de m'évanouir.
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