Partie 1 : Cauchemar

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  Une tête sauta. Du sang jaillit et elle roula sur plusieurs mètres sur la berge du fleuve. Je me retournai et parai un coup a priori fatal. J'inclinai ensuite mon buste et, d’un saut vif du pied gauche suivi d’une rotation du corps et d’une d’extension de la jambe droite, j'assénai un violent coup de pied à revers sur le visage de mon ennemi. Je sentis les os de sa face se fracturer sous le choc et il valsa de la même manière que les précédents. J’étais en train de massacrer les Fées en plein cœur de leur village que j’avais découvert quelques jours auparavant ; je n’avais aucune pitié.

Ces maudites créatures s’étaient vues affublées du symbole de la fécondation. Cette croyance résultait du caractère unisexe de leur race. Il n’existait que des femelles chez le peuple de Fée avec à leur tête la dominante. Pour ma part, elles n’étaient rien d’autre que les complices des Atlants lors de leur Raz-de-marée.

Une peau écailleuse et verdâtre, ornementée d’ailerons, servait d’épiderme à ces humanoïdes d’eau douce dotés d’une longue queue bifide. Leur mâchoire reptilienne arborait des crocs jaunes faits pour broyer les carcasses de toute espèce qu’elle fut aquatique ou terrestre et quant à leurs yeux globuleux, ils étaient fendus par un iris écarlate vertical.

Tout s’opposait à ce qu’on pourrait s’imaginer de créatures fabuleuses. Et il existait même des théories idiotes supputant avec controverse un croisement entre Atlants et Humains. À part la station bipède, il n’y avait que différences entre Fée et humain.

Une autre Fée prête au combat se dressa devant moi. Elle lévitait dans les airs grâce à ses quatre ailes filiformes et cristallines plantées dans son dos au cuir épais. Deux supérieures et deux inférieures de moins grande envergure qui, en action, n'étaient pas sans rappeler celles des libellules. En position de repos ces quatre excroissances s’inclinaient vers la terre telle une futile robe soyeuse. Cette Fée subit le même sort funeste que ses camarades.

Un hurlement rocailleux et puissant retentit soudain pour calmer mes ardeurs combatives précédemment exaltées. Je me tournai. J’aperçus des crocs, du muscle, des écailles épaisses, un mélange assez harmonieux pour le combat à mort. Je déglutis. La femelle dominante de ce clan de Fées se dévoilait enfin. La nuit obscure rendait plus terrifiant l'être qui se dressait devant moi, et malgré ma détermination et ma force, ce cri sourd avait gelé une partie de mon sang et je supposais que beaucoup auraient été tentés de déguerpir. Sa crête crâniale, qui se prolongeait le long de sa colonne et de sa queue, ondulait avec une paradoxale quiétude.

D’un regard en biais, je me redressai de toute ma hauteur. Je la fixais, puis je roulai des épaules en office de provocation.

Ce lézard hideux ne resta pas immobile. Ses ailes se dressèrent et leur teinte translucide et complexe se dévoila. Des éclairs filamenteux et sinueux, d’une géométrie irrégulière scintillante comme soleil au zénith, se reflétèrent à leur surface. La créature reptilienne décolla ensuite pour se dresser à bonne hauteur et dominait la scène. Elle me jaugeait elle aussi et dans le reflet rouge de ses yeux miroitait sa fureur. Elle gonfla ses poumons pour vociférer à nouveau cette colère. Ce coup-ci, je ne bronchai pas et une fois sa rage régurgitée, nous nous jetâmes l'un vers l'autre.

Je me réveillai en sursaut. Je dormais, assis sur une chaise de notre chambre d'auberge face à ma sœur qui était couchée dans un lit rapiécé. Elle ronflait de tout son saoul. Je soupirai. Encore un de ces rêves. Ils ne me quitteraient pas et je le savais. Alors pourquoi étais-je surpris ? Cela faisait un moment que je n'en avais pas fait. Cela faisait un moment que je ne dormais plus vraiment. Lune, elle, rêvait copieusement, c'était l'essentiel. Soudain, mon visage se crispa. L'image du Mystique me traversait l'esprit et de nouveau des sueurs perlèrent sur mes tempes. Moi-même je ne pouvais faire face à ces Mystiques Atlants. Quel avenir avions-nous réellement ? Quelle était l’origine de cette guerre ?

Je repensai à l'échange que j'avais eu quelques heures plus tôt avec le vieil homme. À la fin de son récit, le visage de l'homme s’était froncé et ses mâchoires s’étaient contractées. Il m’eut indiqué qu'il souhaitait reposer sa vieille carcasse. Et il m’avait proposé une nouvelle entrevue pour me parler de son histoire et des liens qu’il avait eus avec les miens.

Ma conscience revint dans notre chambre d'auberge. Assis à veiller sur ma sœur et à rêvasser j’étais assailli d'incompréhension. Quelle était notre prochaine étape ? Comment trouver des réponses ? Je comprenais les différends qu’avaient eus les Atlants et les Hommes, mais était-ce la seule raison de cette extermination ? Et pourquoi avoir aussi ciblé les Oraï ? Nous qui avions toujours partagé des dogmes similaires aux Atlants, pourquoi donc avait été anéanti notre culture et l'équilibre spirituel qu’on nous avait toujours inculqué. Était-ce nous qui étions dans l'erreur ?

Lune émit un gémissement comme pour répondre par la négative. Non, c’étaient bien les Atlants les responsables, je ne pouvais me détourner de ma voie. Cette pauvre ville en était le reflet. Je n’avais pas une once d’émotion pour ces pauvres hommes qui furent tout autant responsables d’horreurs infernales par le passé. Ma quête ne concernait que nous. J'écouterais ce que ce vieux aura d'autre à m'apprendre ce soir. Nous retarderons notre périple un temps, Lune ne s'y opposerait pour rien au monde. Cette folle était tout ce qu'il me restait.

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