Les âmes invisibles

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Un Flamant rose avait ouvert ses ailes où le regard se repose et ses couleurs délicates, infusées de sang, se déversaient dans le ciel où la rivière du jour prend naissance. Les dernières respirations du soleil rougeoyaient dans un horizon soucieux qui le contemplait, impuissant et triste, célébrer son destin. L’or était englouti par la terre et s’élevait mourir sur les faîtières des toits irisées de ses larmes d’or. L’ombre d’un jour qui n’était déjà plus lui succédait, avec d’infinis regrets, avant de céder son royaume au pouvoir du désir. Du désir de la nuit naît une humanité que l’on accepte ou que l’on feindra de ne jamais voir. Les êtres naissent chacun avec une âme. Certaines seront perdues, dès la naissance, dans les profondeurs insondables de l’anormal et de l’aberration humaine. Et devant l’incompréhension stupéfaite d’une injustice ; de la douleur et de la détresse, le sentiment lancinant d’une condamnation à vie. Ces âmes sœurs, parentes, si proches et tellement lointaines sont inaccessibles à tout ce qui est terrestre. L’horizon des astres lumineux les plus lointains n’en aurait jamais seulement imaginé l’existence. Ces âmes sensibles et réelles paraissent transparentes au monde qui les traverse. Elles expriment pourtant des sentiments qui, comme un long monologue intérieur et sans n’être destinées à personne, ne sont que l’expression éphémère et solitaire de ce qu’elles ressentent. Ces âmes deviennent ainsi invisibles aux autres et réduites à une seule enveloppe physique, sensible et bruyante, encombrante, habitée d’une âme transparente et invisible qui ne réfléchit que sa propre et puérile agitation que l’on ignorera poliment, méthodiquement, que l’on verra sans voir et que l’on écartera de sa sphère mentale et de la vie. Mais d’où naissent cette crainte et la peine aussi de ne pas comprendre la différence d’une âme invisible. D’où vient ce profond sentiment de souffrance et de gêne que l’on éprouve en leur présence si elles sont transparentes et si absentes. C’est sa propre âme qui refuse et rejette la différence de son image qui aurait pu être. Il faut aimer l’âme invisible pour en attendre en retour une image, dans un miroir déformé, qui ne nous ressemblera jamais. Il faut l’aimer de toutes ses forces pour que l’âme reste visible. Il faut l’aimer parce que cela la fait exister et non pas pour ce qu’elle ne nous donnera jamais.

Il y eut un temps où la houle de l’histoire s’est transformée en de violentes et criminelles tempêtes et sur les grèves jonchées de tous les débris d’une humanité traumatisée par cette violence inouïe : le retrait des vagues qui glissent s’en retournant dans les profondeurs consternées de la honte, écumantes de folie, emportant les fils et les filles d’Israël, emportant ceux qui se sont redressés, emportant tant d’innocents encore et les âmes invisibles pour qui les mots d’euthanasie et de stérilisation furent prononcés. Une telle abomination n’est pas possible. Je ne le crois pas, une telle abomination n’a jamais pu exister. C’est impossible. Sommes-nous faits de la même chair ? Sommes-nous condamnées à la faiblesse et à la fusion incandescente de notre orgueil et du malheur.

Une silhouette modifie le sol qui mène à l’entrée. Il devient sombre. Je vois. Il est là. Je marche, je sens le froid de l’air. Je suis dehors, maman ne dit rien. Je crie.

— Pourquoi tu cries, je suis là, tu me vois. Viens avec ton frère, viens avec Julien, tiens, mets ta main sur le beau vélo. Julien sortit son mouchoir et lui essuya le mince filet de bave qui coulait au coin de sa bouche.

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