Quand c'est l'anniversaire de maman

7 minutes de lecture

Hier, c'était mon anniversaire. Le premier "toute seule", si je puis dire, ou du moins, sans conjoint. Je dois avouer, j'appréhendais un peu. Si mon ex n'était pas un modèle sur de nombreux plans, en anniversaire, il était plutôt fort. Plus fort que moi, d'ailleurs. Aucune culpabilité dans ce domaine, il fallait bien que je lui laisse la main sur quelque chose, vous en conviendrez.

En ce jour de gloire - toute relative, après tout, j'ai pas subi les 32 heures de contractions-, je décide que je ne ferai que des trucs qui me plaisent. Si ça a l'air simple comme ça, en réalité, avec deux marmots, c'est un challenge. Un putain de challenge, même. Jusqu'à preuve du contraire, il y a un certain nombre de choses que je ne peux pas réaliser avec eux.

Me bourrer la gueule, par exemple.

8h30 : Ils sont levés. Premier cadeau de la journée, une mini grasse matinée. Ce qu'ils sont mignons, mes gosses, franchement.

8h45 : Je décide de réaliser un petit déjeuner de roi. Ou de reine, plutôt. Excitée comme une puce, certaine de faire plaisir à toute la maisonnée, je hurle "crêpe et jus d'orange frais, ce matin !".

Ma déclaration fait un flop. Un vrai gros flop. Tout le monde fait la gueule parce qu'il n'y a pas de céréales. Ce qu'ils sont ingrats, mes gosses, quand j'y pense.

8h50 : Au bout du compte, tout le monde veut du jus de fruit frais et des crêpes au chocolat. Evidemment, j'en avais fait juste assez pour moi. Evidemment. Quelle conne, putain. Quand est-ce que je vais retenir que les enfants sont chiants ?

9h : Activité dessin animé, parce que j'ai envie de glander sur le canapé. Sans commentaire, s'il vous plaît.

Après dix minutes de réflexion, je finis par opter pour "Shrek". Pas trop niais, au contraire, et adapté à leur âge. Plus ou moins. Perso, j'aurais préféré m'enfiler un film ou une série, seulement, je reste une mère parfaite, du coup, je m'incline devant leurs besoins. Plus ou moins, encore.

Jusqu'ici, j'ai évité quasiment tous les écrans, principe éducatif bien ancré dans mes valeurs. Autant vous dire que cette transgression équivaut à un jour de fête pour eux aussi.

9h10. "Elle est où la maison de l'ogre ?"

9h11 : "Il va où l'âne ?"

9h12 : "C'est quoi la princesse ?"

9h13 : "Il est où le biscuit ?".

Je vais les tuer.

10h30 : Le dessin animé est fini. J'ai répondu à 55864 questions stupides. Non, je ne sais pas pourquoi l'ogre est vert, oui, les princesses savent se battre, non, les dragons ça n'existe pas pour de vrai. Entre autres. J'ai mal au crâne. Moi qui pensais me reposer les neurones, j'ai dû trouver une explication potable à la présence d'une princesse dans un cerceuil.

11h : On va à la plage. Un bon bol d'air frais près de la mer, voilà ce dont j'ai envie à présent. En plus, il fait super beau ! Un vrai temps de rêve ! Quelle chance, j'ai !

11h14 : Ma fille pleure parce qu'il y a trop de sable (sic) et mon fils parce qu'il y a trop de chiens (re sic). Bien sûr, j'ai oublié le casque anti-bruit.

11h30 : On a trouvé une occupation qui convient à tout le monde, et qui consiste à grimper sur les bancs pour sauter ensuite. Les passants me détestent. Je m'en cogne, c'est mon anniversaire, je suis une mère (encore plus) indigne SI JE VEUX !

12h : On regarde le manège tourner pour la 1756 ème fois. On en a fait la semaine dernière, aujourd'hui, c'est non. On ne peut pas tout avoir dans la vie, autant qu'il le sache dès à présent.

La couille dans le pâté ? C'est chiant de regarder un manège qui tourne.

12h15 : J'ai une idée géniale. Une illumination. Un éclair de génie.

"On va au restaurant, les enfants ?"

Ils pleurent. Ils ne veulent pas y aller. Sont cons ou quoi ?

12h30 : J'ai prononcé le mot magique : "Frites". Tout le monde s'achemine donc vers le "restaufrites". Je n'ai pas le courage de les reprendre sur ce dernier mot.

12h45: On est à table, en terrasse, il faut toujours très beau, et le serveur m'a amené un mojito. La vie saurait-elle être plus belle ? Je ne crois pas.

"C'est où les frites, maman ?"

J'ai envie de répondre un truc affreux, mais je me contiens. Je suis une mère exemplaire, je vous le rappelle. "En train de cuire, ma chérie, le monsieur va les amener bientôt."

A la dixième occurence, je songe sérieusement à commander un autre mojito. Voire deux.

13h15 : "Tu voudras quoi comme dessert, bonhomme ?"

"Des frites".

Bon, visiblement, ce ne sont pas des lumières, mes mômes.

13h45 : On a mangé. On est partis. Sans dessert, parce qu'une abeille zélée avait décidé de nous tourner autour. C'est pas grave, de toute façon, j'avais comme idée d'acheter un gâteau pour le goûter. La pâtisserie étant sur le point de fermer, l'anticipation n'est décidément pas mon truc, je récupère un machin aux allures étranges que je suis à peu près sûre de détester. Tant pis. C'est pour le geste. Ils ont tellement hâte de chanter "bon anniversaire" ! ça fait deux jours qu'ils m'amènent des bougies à tout bout de champ.

16h15 : Réveil de la sieste. Le moment tant attendu. Le gâteau, la chanson, et surtout, les bougies.

"Joyeux anniversaire Arthur et Lucie, Joyeux anniversaire !"

J'essaie d'expliquer que c'est le mien, que le leur est déjà passé, mais je n'arrive qu'à obtenir une version hybride. "Joyeux anniversaire Arhtur, Lucie et maman !"

C'est toujours ça de gagné.

16h16 : "Souffle, maman".

Je souffle. Toutes les bougies d'un coup. Si j'en crois la légende, mon voeu va se réaliser. Ils devraient donc se coucher sans histoire ce soir.

17h : On va au parc. C'est cool, le parc. Enfin, sauf quand on croise l'ex de son ex.

C'est quoi ce cadeau pourri ?!

La charmanye jeune femme, gênée, s'évertue à prétendre qu'elle ne m'a pas vue. Dans un enclos fermé de 50m2, c'est, comment dire, un exploit. Etant donné que je suis très polie, et un brin vicelarde, avouons-le, je décide de l'interpeller.

"BONJOUR CELIA !"

Cette fois, elle est obligée de m'affronter. Sourire forcé, visage blafard, yeux paniqués. Je vous jure, je bois du petit lait.

Ben quoi, Chérie, on a couché avec le même mec, ça rapproche, non ?

"Salut Léa ! Tu viens là pour un événement particulier ?"

Je me retiens de rire. Pour faire une raclette, idiote.

"Pour les enfants, principalement."

Honteuse, elle bafouille trois conneries avant de retourner sur son banc,. Moi, je m'installe à l'opposé, profitant du soleil tandis que les Gremlins envahissent toboggan et balançoire.

18h30 : Retour à la maison. Dans le sang et les larmes. Leurs larmes, parce qu'ils ne voulaient pas rentrer, mon sang, parce que je me suis griffée sur un connard d'arbuste. Pourquoi il a foutu son doudou dans les buissons plein d'épines, celui-là ?

18h30 : " PAS LA SOUPE".

18h45 : Ils mangent la soupe. "T'es pas gentille, maman."

Si tu savais à quel point, mon amour.

19h : "Tu n'es pas fâchée, maman ?"

"Non, pourquoi ?"

"Parce que tu es tout le temps fâchée."

Mais quels petits menteurs !

19h45 : "Alors, y'en a marre, on arrête !"

Ah si, je suis assez souvent fâchée, en fait. Pour ma défense, il a renversé son pot. Rempli, bien sûr.

20h : " Je veux pas dormir".

Pas de bol, hein ?

"Tu vas dormir quand même ! On arrête les bêtises, maintenant ! Tu n'as pas le droit de jeter les jouets sur ton frère ! Sinon, tu es punie, c'est clair ?"

La menace, qu'elle sait que je mettrai à exécution, a le mérite de la calmer.

Pendant trente secondes.

" Cette fois, tu es punie."

"Non, maman, je m'excuse, j'arrête."

Me voilà parti pour dix minutes de discours sur le fait que s'excuser après avoir fait une connerie est certes une bonne chose, mais complètement inutile si on continue à répéter les mêmes erreurs.

20h45: Visiblement, mon discours n'a pas donné grand-chose. Vous saviez que jouer avec la brosse des chiottes était le truc le plus drôle de l'année ?

A cette minute, je me demande si mon voeu du goûter ne s'est pas réalisé parce que le gateau était immonde ou si c'est parce que j'ai pas mis 31 bougies dessus.

21h30 : Ils dorment. Je suis plantée devant leurs chambres depuis une demi-heure. Le sol est frais, je me gèle le cul, mais je m'en fous, j'écris. Après tout, être maman-écrivain, c'est un peu une aventure, non ?

22h : "Bon anniversaire, Léa. J'espère que tu as passé une bonne journée. Bises."

Je ne m'attendais pas à recevoir un message de leur père. Sans que je ne comprenne d'où ça vient, une vague émotionnelle me submerge d'un coup et je fonds en larmes. Littéralement, pendant dix minutes.

Quand, enfin, je m'apaise, je comprends pourquoi. C'est un nouveau cap qui vient de passer. Je n'ai jamais été célibataire pour mon anniversaire.

Je ne l'ai jamais été non à Noël, pas plus que le jour de l'an, et ces nouvelle échéances à venir me glacent d'effroi. Je joue les fières, j'affiche une force que je possède réellement, n'empêche que ce soir, à près de 22 heures, je ne fais pas trop la maligne.

J'aimerais des bras, j'aimerais des rires, j'aimerais des baisers, j'aimerais des câlins, j'aimerais des surprises.

Puis je récapitule ma journée, et je m'aperçois que j'ai réussi à me donner tout ça moi-même. J'ai fait de ces 24 heures un moment sympa, drôle, doux, agréable. A bien des égards, il aura fait partie des meilleurs.

Forte de cette conclusion, je sèche mes larmes, prête à entamer cette 31ème année avec la même hargne, le même désir, le même élan de vie que tous ceux qui l'ont précédé.

Et qui sait, le 32ème sera peut-être encore mieux.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire LéaC ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0