Quand maman va voter

5 minutes de lecture

*Nota bene : Ce texte est de l'HUMOUR. Merci*


Aujourd'hui, 19 juin 2022 , c'est le deuxième tour des élections législatives. En tant que femme responsable, j'ai dans l'idée d'aller accomplir mon devoir le matin-même, accompagnée de mes charmants chérubins, histoire d'en profiter pour les éduquer à une certaine citoyenneté.

Ne l'oubliez pas, je suis une mère formidable.

8h34 : ils ne sont pas encore habillés, et je peine à les retirer de Sam le pompier, dessin animé peu intelligent auquel ils ont droit de temps en temps, particulièrement quand il fait moche, comme c'est le cas ce week-end.

Oui, lorsque tout le monde souffre de la canicule en France, chez nous, c'est la tempête. Vive la Bretagne libre.

8h36 : Qu'il est con, Nicolas. Il fout le feu à cause de fusées de détresse lancées dans le salon - mais qui laisse ce genre de trucs à portée de gosses ? -, vole un camion de pompier et fait tomber une camarade d'une falaise. Personne n'a pensé à l'étriper, ce môme ?

8h45 : "Nicolas Grim, peux-tu passer une seule journée sans déclencher mille catastrophes ?".

Ah, Sam le flamby - pardon, pompier - commence lui aussi à saturer grave du gamin débile. Il était temps. Sa patience devenait suspecte. C'est autorisé, la drogue, chez les combattants des flammes ?

8h50 : Ordinateur clapé. Je regarde dehors, dépitée. Il pleut des trombes d'eau, les rafales de vent sont impressionnantes. Mes enfants pleurent feu Sam le pompier - avouez qu'elle est drôle- tandis que j'ai envie de me pendre plutôt que de mettre un pied dehors. Manifestement, personne n'est chaud pour devenir un citoyen respectable.

9h10 : Fringues mises. On est presque prêts. Je ressens un nouvel élan d'enthousiasme à l'idée de me rendre au bureau de vote.

9h15 : Ma fille hurle parce qu'elle veut mettre ses nouvelles claquettes. J'ai dit non. Elle n'aime pas trop quand je dis non.

9h17 : "Mais maman, j'ai des chaussettes !"

Justement, ma fille. Justement.

9h18 : baskets enfilés, mais les claquettes partent avec nous dans la voiture. Seul compromis trouvé.

9h25 : Nous sommes arrivées au bureau de vote. Les Gremlins ne veulent pas sortir, il fait trop moche. Pourtant, avec leurs cirés, ils sont équipés. Sans doute est-ce le sang sudiste de leur mère qui s'exprime.

9h30: Pas un chat. Est-ce parce qu'il est tôt ? Qu'il fait un temps de chien ? Que tout le monde s'en branle ?

9h35 : "On va dans la cabine ?"

Durant les présidentielles, ils avaient couru partout. Là, ils sont plutôt sages. Je suis soulagée. J'en avais marre de passer pour la mère foldingue du quartier qui n'arrive pas à tenir ses gosses.

9h40 : J'ai encore quelques doutes sur ce que je vais voter. Un léger. J'ai eu beau réfléchir avant, m'informer, débattre même, je n'ai pas réussi à arrêter un choix clair et précis. Sans doute espéré-je avoir un éclair de génie au moment d'appuyer sur le bouton de la machine.

Visiblement, je peux m'asseoir dessus.

9h41 : Combien de temps je peux rester dans le truc, déjà ?

9h42 : Et si je demandais à mes enfants leur avis ? Après tout, ce sont les citoyens de demain. N'est-ce pas eux, les principaux concernés ?

9h43 : "On appuie où, les loulous ?"

Chacun d'eux montre un truc différent, qui ne correspond pas à mon idée à moi. Super. Me voilà bien avancée.

9h44 : Il faut que je sorte de cet endroit, ça va commencer à devenir louche. Je dois trancher. Epineuse question, quand on est balance ascendant poisson.

9h45: Mon côté bélier a pris le dessus. J'ai tranché.

9h46 : "Non mon lapin, c'est pas toi qui appuie !"

Dieu merci, on n'est pas au premier tour des présidentielles. Il aurait pu appuyer sur Zemmour par mégarde. Je ne m'en serais jamais remise.

9h47 : On est enfin sortis. Les enfants ont droit à un bonbon. Si c'est pas un argument pour en faire des bons citoyens ...

9h50 : On est dans la voiture, trempés mais heureux. Devoir accompli.

"Maman, je mange pas mon bonbon, papa il dit qu'on mange pas les bonbons dans la voiture".

"Fais comme tu veux, ma chérie. Moi, ça ne m'embête pas, tant que tu ne jettes pas le papier par terre."

"Non, je n'en mangerai pas. Papa a dit."

Si papa a dit, alors ...

9h51: Les bonbons sont dans la bouche. L'argument paternel n'a pas fait long feu.

9h52. "Pouquoi j'ai un bonbon dans la bouche, maman ?"

"Parce que tu en manges un ?"

Je n'ai toujours pas compris le pourquoi de cette question.

10h : On passe à la banque déposer des chèques. Ils se battent pour appuyer sur les boutons. Je m'y reprends à 10 fois pour réussir à finaliser l'opération. Pendant une courte seconde, je me demande si la banque ne va pas croire à une tentative de braquage tellement nous nous acharnons sur cette machine.

10h10 : Argent déposé. Les Gremlins sautent dans les flaques d'eau sans bottes. Je ne râle plus depuis longtemps.

10h12 : "J'ai froid, maman".

J'ai envie de hurler "bien fait", mais je suis une mère exceptionnelle, je vous le redis. A la place, je murmure "c'est parce que tu as sauté dans l'eau alors que tu sais bien qu'il ne faut pas le faire avec les baskets".

Nettement différente, la formulation. Nettement.

10h45 : Ils ont colorié le tableau avec un marqueur. Je me retiens de ne pas hurler. Déesse de toutes les mères épuisées, venez-moi en aide.

10h50 : Leur père est supposé venir les chercher dans 10 minutes pour passer cette journée de fête en leur compagnie. Une idée de sa nouvelle copine. Intérieurement, je me suis marrée quand elle m'a demandé l'autorisation de lui faire cette surprise. Pauvre petite, croit-elle vraiment que son mec est un pauvre papa en mal de sa progéniture ?

Grosse blague. Lolilol. Je dois perdre des points de karma à me moquer, mais tant pis, ça fait du bien.

10h51 : On met de la musique à fond dans le salon sur l'enceinte bluetooth. On danse. On rit. J'ai mis ma playlist la plus merdique, celle que je nierai avoir même sous la torture. M'en fous. On se marre, on rit, on chante. Les Gremlins sont ravis. Moi également.

11h10 : Ils sont partis. Il pleut toujours. Je profite du calme pour écrire ce nouvel article en regardant une série sur Netflix. Plus tard, je ferai une sieste bien méritée.

Je suis fatiguée, heureuse, amoureuse, et je me sens puissante.

Puissante de retrouver la plume, puissante de mettre du soleil dans mon coeur les jours de pluies. Puissante de chanter haut et fort en me trémoussant sur de la musique pourrie.

Puissante d'être en vie, tout simplement.

11h11 : Je souhaite une bonne fête, dans ma tête, à tous les papas. Les papas gais, ceux qui sont tristes, les papas en famille, ceux qui sont seuls, les papas avec leurs enfants, ceux qui ne les voient plus, les papas qui font des efforts, ceux qui ne savent pas s'y prendre, les papas qui pleurent, ceux qui rient.

Les papas parfaitement imparfaits. Comme les mamans parfaitement imparfaites.

Bonne fête à vous.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire LéaC ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0