Quand maman se rend à la première kermesse

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7h04 : Ma fille est réveillée, moi pas. Je n'ai pas du tout envie de me lever, mais alors pas du tout, sauf que la bougresse insiste lourdement.

"Maman, c'est l'heure".

Je me croirais dans "La Folie des grandeurs", le pognon en moins. Pas de bol.

"Maman, c'est l'heuuuuuuure !"

J'ai la tête dans le séant. Je me suis couchée tard, ayant encore absurde l'espoir que ma progéniture fasse une grasse mat', j'ai donc un degré de motivation qui avoisine le zéro.

7h15 : Gremlins 1, devant l'absence de réponse maternelle, est venue vérifier dans mon lit que je l'avais bien entendue. Elle est ravie de se fourrer sous les couettes avec moi. Son petit corps chaud contre le mien m'apaise et me rend presque heureuse de ce lever très - trop - matinal.

7h20 : Digne fille de sa mère, elle parle sans discontinuer depuis cinq minutes. Je n'arrive pas à suivre, mes yeux piquent, ma tête se révolte, je suis incapable de faire autre chose que marmonner des trucs bateaux en réaction à son discours. Elle n'a pas l'air de s'en formaliser. Tant mieux.

"Nous on dort encore un petit peu maman."

Si seulement.

7h22 : Gremlins 2 arrive. Avant que tout le monde se tape dessus pour obtenir une place de choix dans le giron maternel, je consens enfin à quitter mon lit douillet.

7h35 : Ils sont habillés, et sans crise s'il vous plaît ! A croire que je gère mieux mes gosses quand je suis défoncée par la fatigue.

Serait-ce une piste à explorer ?

8h00 : Ils ont mangé, toujours sans crise. Je vous jure, ça commence à devenir suspect.

8h15 : Ah, ça hurle enfin ! La perspective d'aller récupérer le drive a eu raison de leur calme inhabituel. Je suis rassurée, j'étais à deux doigts de penser qu'ils devenaient raisonnables.

8h37 : Ils courent partout autour de la voiture alors qu'on attend les courses. On est loin du raisonnable à cette heure-ci. Vraiment très loin.

Je me demande si je préférais pas la version "sages comme des images".

9h00 : Leur père doit les récupérer à cette heure-ci, sauf que nous ne sommes pas encore rentrés de Carrouf. La faute à un bus et ses arrêts intempestifs.

9h01 : "Vous êtes où ?"

J'ai vaguement envie de lui sortir une connerie de mes années de primaire - "Dans le cul du loup" - mais je m'abstiens en l'honneur de la récente paix installée. Pis il serait capable de se tirer sans ses mômes, or, je veux mon week-end de répit. Nanméoh.

10h50 : J'ai rien foutu depuis le départ de mes Gremlins. "Reine de l'éparpillement bonjour", je me suis contentée de batifoler de choses futiles en audios amoureux, sans oublier de me promener sur mon site d'écriture préféré.

Je suis décidément faite pour ne rien glander, je pense pouvoir l'officialiser bientôt. Y'a un statut à Pôle emploi, pour ça ? Une auto-entreprise à créer ? Bah alors, elle est où la start-up nation du "branlage intersidéral" ?

11h : Je me rendors. J'ai besoin d'une bonne sieste parce que dans exactement 3h30, y'a la kermesse de l'école. Oui, vous avez bien lu, THE événement de la vie des enfants, truc inrattable s'il en est - la première en plus ! -, THE place to be quand on est parents de gosses entre 3 et 10 ans.

Je mets un réveil. Je ne peux pas rater ça. Mes marmots en prendraient pour 10 ans de thérapie supplémentaire à celles déjà prévues, et moi, je serais définitivement bonne pour la case des mamans pourries.

Cela ne se produira pas. "Not on my watch", comme dirait l'autre.

13h47 : Le réveil n'a pas fonctionné, ou plutôt je l'ai éteint dans un demi sommeil. Heureusement, l'Amoureux m'a appelée

"T'as la kermesse de tes enfants bientôt".

Derrière chaque grande Femme se trouve un Homme, l'adage est bien connu.

En témoignage de ma gratitude, je prends cinq minutes pour faire des photos, hum, bref, je prends cinq minutes. Il faut savoir remercier convenablement ses alliés dans la vie.

14h15 : Je pars de chez moi, à pieds et orteils à l'air, parce que j'ai évidemment eu la bonne idée de me coller du vernis à ongle trois minutes avant l'heure du départ.

Je serai pas la plus sexy des mamans, mais la plus bohème, peut-être.

14h30 : Pile à l'heure. Mon ex et sa nana m'ont gardé une place. Trop mignon. On fait une belle famille recomposée. Je suis fière de nous.

14h32 : Mes enfants entrent en scène. Leurs petits yeux me cherchent, et je vois leur visage se détendre quand ils m'aperçoivent enfin. Leurs sourires mi-fiers mi effrayés me retournent le coeur. Ils sont beaux, si beaux que des larmichettes perlent au coin de mes yeux. Quatre ans déjà, ou presque, depuis leur premier cri, et me voilà assise en plein soleil dans une cour de récréation à les applaudir pour leur premier spectacle.

Mais où le temps a-t-il filé ? Où sont passés mes bébés ?

14h35 : Ils sont passés dans la ronde des petits lapins. Je pense que l'obsession de mon fils pour cet animal ne vient pas que de son doudou, ni du surnom affectueux que je lui donne.

14h40 : La ronde des lapins pleure beaucoup, mais pas mes Gremlins. Je suis une maman super fière.

14h42 : Mon fils profite d'une pause entre deux chorés pour se jeter dans mes bras et m'enlacer. Je suis une maman super émue.

14h50 : Spectacle fini. J'ai tout filmé, dans les rires et la bonne humeur. On était soudés, leur père, sa copine, et moi, soudés dans l'amour pour ces deux petits bouts de chou qui ont changé nos vies de façon parfois brutale, parfois inattendue, mais vers du mieux, assurément.

Dans le dur, il y a toujours du beau. Dans les épreuves, il y a toujours du grand. Dans les moments sombres, il y a toujours de la lumière.

Se jeter dans le vide, encore, se dépasser, à chaque fois, puiser dans ses ressources, tout le temps. Les enfants nous apprennent ça. Nous pointent ça. Nous dévoilent ça.

Nos doutes, nos peurs, nos imperfections, nos zones d'inconfort.

Être parent, c'est sans cesse se remettre en question, se prendre des claques, grandir, évoluer. Ce sont des perches tendues continuellement pour aller vers soi-même.

Pour eux, pour nous. Une ode à la vie.

15h: On les récupère. Ils se jettent dans mes bras - maman first - et je les serre contre mon coeur. J'en chie, souvent, j'ai mille défauts, je le sais, mais je reste leur référence, leur préférence, leur point d'ancrage. Quelle responsabilité, quel défi, mais quel bonheur également.

A cet instant, je suis une maman comblée.

15h05 : le maître s'est planté. Il reste une ronde finale. Les Gremlins n'ont pas du tout envie d'y retourner, et c'est un euphémisme que de le dire. A force d'encouragements exacerbés, ils finissent par se remotiver et rejoignent les petits copains en tirant la tronche. Les nouvelles vidéos vont être sympas.

15h15 : La farandole était ratée, mais nos coeurs de parents l'ont trouvé superbe. Ce qu'on est cons, franchement, quand il s'agit de nos mômes. L'objectivité se meurt, battue à plate couture par une admiration béate. KO net et précis, pas de deuxième round.

"C'est mon bébéééééé".

Non je ne l'ai pas dit. Oui, je l'ai pensé. x2.

16h30 : Je rentre chez moi, seule, sous le soleil. Mes enfants sont restés avec leur papa. J'ai bu un thé chez lui, sur invitation de sa moitié. C'était un peu étrange, un peu doux, un peu décalé, un peu heureux, un peu apaisé, un peu bizarre. Je crois que la co-parentalité va marcher, finalement.

Un jour. Bientôt.

Je prends mon téléphone et envoie un audio à mon homme qui s'est montré très satisfait de sa récompense.

Il fait beau. Je suis amoureuse. Mes enfants sont exceptionnels. Ma vie mouvementée prend chaque jour une direction de plus en plus belle.

Je remercie le ciel pour ses cadeaux.

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