Lettre à celui qui partage ma vie

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Coucou toi,

Tu partages ma vie. C'est une vérité que, pendant longtemps, j'ai cru illusoire. "Juste une illusion, à peine une sensation", comme dirait l'autre.

Aujourd'hui, tu es là. Et moi, je suis heureuse, si tu savais, si heureuse que je ne sais pas toujours quoi en faire. C'est pas moi, c'est pas de ma faute, ce sont les autres. J'aime bien jouer les victimes, mais je ne me dupe jamais longtemps. Oh mon amour, j'adore t'appeler ainsi, je suis un peu nulle en bonheur, j'ai peur, si peur, de la fin, du "c'est beaucoup trop bien". Je ne suis pas très douée, mais j'apprends, avec toi, main dans la main, parce que tu es bien trop important pour que je ne le fasse pas.

Moi qui fuyais sans cesse, je ne le fais plus, ou presque, ou parfois encore, juste pour me rappeler le goût que ça. Pour me souvenir qu'elles sont encore là, bien cachées, mes ombres. Pour me remémorer à quel point, cet amour, notre amour, c'est du travail.

Du travail à temps plein, à plein temps, parce que n'en déplaise à beaucoup, il est tellement plus dur d'apprendre la paix que la guerre. C'est ce que je découvre avec toi, ce que j'expérimente. La paix.

Comment apprendre une telle chose dans une société qui nous conditonne à être des guerriers ? A mener des batailles ? A perdre ou à gagner ?

Mon amour, la guerre, nous ne l'avons jamais faite, et sans doute pour cela que ce fut si challengeant. Moi, j'étais douée pour les champs de bataille, les stratégies, les fuites, les replis. J'observais, j'estimais mes chances, je réfléchissais mes actes. Trop risqué ? Aux abris. Victoire sûre ? Allons-y. Tu vois, avant même de lire Sun Tzu, je l'appliquais déjà. Ce qu'on a pu en rire, de ça.

Il ne fallait pas se battre, juste rendre les armes, et abaisser l'armure. Quelle gagueure, moi qui ait patiemment forgé la mienne. Quel défi, encore aujourd'hui, quand la vulnérabilité est perçue comme une faiblesse.

Tu sais, on se dit souvent qu'on ne se cache rien, qu'on ne s'est rien caché, sauf ce que nous nous cachons à nous-mêmes, mais je ne sais pas si c'est vrai. Je crois qu'on apprend encore, à guetter les condionnements, les habitudes, les barrières, les croyances. Souvent, je me dérobe, sans le savoir, sans le vouloir vraiment. Ni vu ni connu, je suis belle, forte, et lumineuse. Puis le rideau s'effondre, j'aime bien cette expression que je viens d'inventer, et tu me prends dans tes bras, tu murmures, tu chuchotes et j'avoue tout. C'est alors que tu me dis, de ta petite voix tendre, "je sais, mon amour". Tu sais. Tu sais quand je me trompe, quand je fais semblant, quand j'affirme, quand je fais ma maligne, quand je fais fausse route. Des fois, tu me le dis, parfois, tu me laisses faire, toujours tu m'accompagnes, sans jamais faire la route à ma place.

On ne nous le permettrait pas.

Souvent, je me dis qu'avant de venir sur Terre, on a signé un contrat dont on ne se souvient plus. Il devait y avoir beaucoup d'alcool, parce qu'on a choisi d'apprendre à aimer, et je crois qu'il n'y a pas plus noble ni plus compliqué que ça. Il a dû nous en falloir, des vies, pour essayer, se tromper, tenter, râturer, recommencer.

Tu me déroutes autant que je te connais. L'un va avec l'autre, parce que nous sommes paradoxes, ça, il ne nous a pas fallu longtemps pour le comprendre.

On apprend la paix, à faire équipe ou front commun. Putain, je te jure, des fois, c'est compliqué, mais à force tu me connais, j'aime bien compliquer les choses simples. Toi, au contraire, tu aimes simplifier les trucs complexes. Comment, parfois, parvenir à se comprendre ? La sémantique nous a souvent fait défaut.

Je savais pas que je tomberai sur toi, pourtant, il le fallait. Il fallait que ce soit toi. Ce que je crois, aujourd'hui, c'est que pour sillonner ce chemin si riche, si intense, si engageant, il faut un élan. On ne fait rien sans élan. Si, tu vois de quoi je veux parler, ne fais pas l'idiot, l'élan qui nous fait vibrer. La flamme qui nous fait avancer coûte que coûte, en dépit des obstacles et des doutes. Celle qui nous anime au plus profond de notre âme. L'écriture est un parfait exemple de cette énergie puissante qui me traverse. Cet élan de vie, du coeur, du soi.

Mon élan en amour, mon amour, c'était toi. J'ai grandi, je ne suis plus si naïve, et je sais que la vie est coquine, qu'on ne peut prédire les lendemains, et que rien n'est figé. Seulement, je sais aussi que toute cette énergie, tout cet apprentissage, toute cette construction, tout ce chemin, ce n'était possible qu'avec toi.

Parce que c'est toi, parce que c'est moi, comme dirait Montaigne. J'aime bien citer des auteurs, ça fait classe.

Tu es mon élan. Mon élan de vie, de liberté, de courage, de douceur, de bravoure, et de rire. Quand je te regarde, je me demande encore comment.

Comment aimer un homme aussi libre ?

Comment te laisser ton espace ? Comment t'accueillir ? Comment respecter ce que tu es ?

Comment ça peut marcher ? Comment avoir confiance ? Comment être moi sans te perdre toi ?

J'oscille comme un pendule, tantôt j'ai peur, tantôt je souris. C'est beau de te regarder être. Et dans le creux de la paix, quand j'ai mes réflexes de guerrière qui resurgissent, je reviens en moi.

C'est toujours là que tu te trouves. Quand tu étais loin, quand je souffrais, quand je voulais pourfendre plutôt que lâcher, je me centrais sur moi. Toujours, j'étais surprise de t'y dénicher.

Mon amour, les câlins, aujourd'hui, on se les fait en vrai. Et quand je me perds, tu allumes la lumière. Tu dis "on s'en fout, y'a rien d'autre qui compte, on s'aime et puis c'est tout."

Je hisse le drapeau banc. Lentement, doucement, parce que la vérité, c'est que tu pourrais me tuer d'un coup d'un seul, en quelques mots.

Mais même ça, ça ne serait pas grave. Parce que, mon amour, tu m'as appris que je rennaîtrai toujours. Mourir, pour un homme sage, n'est qu'une aventure de plus. ça, je ne sais plus trop qui l'a dit, mais c'est joli.

Mon amour, je m'arrête ici. Tu sais combien j'aime parler, écrire, dire, raconter, conter. Souvent, d'ailleurs, on ne se souvient jamais du début quand je me lance dans mes tirades enflammées. Paraît que c'est un privilèges d'intellectuels.

Ou alors je suis simplement bavarde. Va savoir.

Je t'aime, s'il fallait le dire. Je crois que les mots qui précèdent l'expriment bien mieux,

Ton amour

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