III - Ballet infernal ou la chute dans les enfers [3/9]

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   À nouveau, la situation lui avait échappé. Cependant, il avait encore un peu de mal à comprendre comment celle-ci avait pu déraper aussi rapidement. Ils étaient arrivés dans l’hôtel qu'il avait lui-même choisi, connaissant assez bien le patron. Ils avaient pris une suite, récupérant les clés rapidement, avec empressement, presque avec fièvre.

Florence avait semblé calme alors qu'ils se dirigeaient tous deux vers la chambre désignée par le maître de l'accueil. Mais dès que la lourde porte de ce grand ascenseur de métal c'était refermée derrière eux, l'androgyne lui avait fait face, tel un félin en chasse, s'approchant d'une démarche digne du jeune lion qu'il était dans son cœur et son esprit. Et maintenant, il s'en retrouvait là, lui, l’indétrônable : La main glissant sur sa peau lui envoyait d'indescriptibles décharges qui traversaient son corps sans le moindre égard pour lui. Il finit par trancher, et la qualifia finalement d'agréable, car il ne pouvait tout bonnement pas dire que ce toucher était désagréable, et ne le laissant pas indifférent, il supposa que ce terme et cette sensation trouvaient entre eux une jolie symbiose. Il laissa cette main tentatrice faire dériver son visage vers le bas alors que ses yeux venaient naturellement se fixer dans ceux de son vis-à-vis. Des yeux qui, à cet instant, devaient probablement parfaitement refléter le prédateur fondu en lui.

Le ton faible avec lequel le jeune homme employa son prénom le fit déglutir. Le susnommé nota que c'était bien la première fois que celui-ci était prononcé d'une telle façon. Et tout autant la première fois que cela créait en lui un effet si dévastateur. Il garda la bouche close, pinçant les lèvres alors que son bassin chauffa soudainement. S'il n'était pas dans cette cage d'ascenseur, nul doute qu'il aurait laissé tomber toutes ces barrières qu'il avait déjà de base tant de mal à maintenir, mais là c'était encore tout autre chose. Son corps, sa brutalité, étaient bridés d'une force et d'une intensité telles que s'en était douloureux. Il maudit pourtant instantanément la sonnerie qui le ramena brutalement à la réalité et il suivit son acolyte jusque dans la chambre presque docilement, d'un air absent. Sa tête tournait et il sentait encore en lui son esprit sur le point de flancher. Même ses éclats de colères les plus violents n'avaient jamais atteint un tel sommet. C'était comme à double tranchant, si violent et si attirant, obsessionnel qu'il avait l'impression d'être en transe, sa respiration en apnée.

Il reposa son regard brûlant, presque flou, sur le jeune chanteur malade quand il vit celui-ci dévoiler sa peau pâle et son tourbillon interne eut un nouveau sursaut dévastateur. Florence lui tournait le dos, semblant observer les immeubles illuminés aux alentours, comme s'il s'agissait du plus beau paysage qui pouvait exister. Aussi, comme s'il était un chasseur face à sa proie – ce qui était bien le cas, finalement –, et d'un pas silencieux, faisant pour sa part fis de toute cette beauté qui l'entourait, l'homme posa une main tremblante sur la hanche du plus jeune, se plaçant tranquillement dans son dos. Alban tentait désespérément de conserver les derniers restes de contrôle qu'il possédait encore en lui.

  • Êtes-vous sur le point de me dévorer.. ? Il serait préférable que vous refermiez la porte de la chambre, pour que vous puissiez satisfaire cette maudite faim, souffla-t-il d'une voix langoureuse le plus jeune. L'insolent !

Sa main tremblant d'une manière presque compulsive sur la hanche moite du jeune homme, le plus âgé resta ainsi sans esquisser un seul mouvement. Si ce n'était ceux involontaires des tremblements de son corps auxquels il était bien obligé de se plier, puisqu'il ne pouvait tout simplement nullement les endiguer. Puis Florence vint poser sa frêle main délicate et épurée sur la sienne, et sa nuque, déjà si diaboliquement tentatrice lui fut dévoilée un peu plus. À ce moment, son contrôle déjà plus que bancal flancha un peu plus, se fissurant de toute part, et il fut certain que si des yeux avaient pu devenir noir d'encre, ils le seraient sans le moindre doute. Sa poitrine se soulevait douloureusement, son souffle était court, telle une invitation à la luxure. Il laissa sa main, toujours sous l'emprise de la plus petite, se faire guider pour balayer la peau de son propriétaire, la fraîcheur brûlante qu'il dégageait créant un intense contraste sur le bout de ses doigts et l'euphorisant d'autant plus. Quand les doigts glacés bougèrent jusqu'à sa gorge, il les laissa faire à nouveau, frissonnant d'excitation ; frisson qui s'en trouva d'autant plus incontrôlable à cause de cette voix qui parvenait malicieusement à ses oreilles.

  • Je crois.. que vous n'auriez jamais dû dire cela impunément., susurra l'homme d'affaire en vrillant sur lui un regard flamboyant, où un désir violent était inscrit jusque dans ses rétines., Peu importe, il est trop tard pour faire demi-tour maintenant., ajouta-t-il avec un sourire carnassier.

Il fut un peu désarçonné par la larme quelque peu soudaine qui effectua une délicate descente sur la joue de Florence, mais il passa une main sur celle-ci pour l'en chasser et posa ses lèvres sur la base de son épaule, presque avec douceur, mais d'une façon ferme, pûrement possessive, le corps tremblant sans plus de retenue.

  • Je sais quel risque j'encours mais je ne peux m'empêcher de le désirer.. Je ne veux aucune retenue.. Restez naturel.., répliqua Florence, déterminé.

Pour le moment, et il en ignorait totalement la raison, le trentenaire conservait ses dernières bribes de contrôle avant de complètement les laisser s'éclater comme des morceaux de verre brisé qui seraient tombés au sol. Il s'étonnait lui même : il n'aurait jamais pris autant de pincettes d'habitude, mais le chanteur avait su gagner en lui une lueur de respect, et, en conséquence, il lui inspirait un peu plus de considération qu'il ne pouvait en ressentir pour tout ces autres insectes qui rampaient à ses pieds. Du moins, c'est ce qu'il supposait être la raison de son ménagement envers le plus jeune, semblable à une frêle brindille sur le point de se rompre. Pour le moment, il lui butinait donc le cou, avec une certaine retenue, bien que la tension, la crispation et la brutalité dissimulée pouvait se ressentir dans chacun des mouvements de son corps, chaque fibre de son être, laissant ses mains se faire prédatrices, presque agressivement douces mais toujours sans se laisser aller à ce destructeur tourbillon interne qui ne souhaitait qu'une seule chose : ravager toute chose, tout être, sur son passage.

Il frissonna à nouveau, de manière presque convulsive sous des paroles murmurées, presque soufflées et inaudibles de son vis-à-vis, et cela ne le fit que devenir plus attiré dans sa besogne actuelle, agissant comme un automate. En outre, le contact de leurs deux bassins ne faisait que l'électriser d'avantage et un grognement non maîtrisé s'échappa de sa gorge sans qu'il ne puisse le retenir. Alors, il donna un coup de dent dans la petite zone érogène qu'il était antérieurement en train de butiner.

  • Si c'est ce que vous souhaitez, alors nous ne devrions pas rester contre cette vitre., souffla Alban avec un air condescendant et moqueur, avant de reprendre son activité, remontant sensiblement le long de son cou et de sa gorge.

Les mains sur son ventre, en train de retirer ses vêtements avec une lenteur cruelle, s'appliquaient sans le moindre doute à rendre fou, et ses tremblements ne faisaient que s'intensifier davantage. Puis leur peaux entrant dans un contraste aussi délectant qu'affreux agit comme un aphrodisiaque et il se recula le temps d'un instant, plongeant son regard abyssal, où le noir désir siégeaient comme les abîmes au fond de ses prunelles, dans les aigues-marines. L'enfer était dans ses yeux, un enfer de désir, de chaos n'ayant pour l'heure qu'un seul destinataire.

  • Pourquoi donc ? Pensez-vous la briser ?, Lui demanda l'androgyne, un sourire canaille sur les lèvres.

Ce fut au tour de l'homme d'affaire d'esquisser un sourire qui se mua finalement en un léger rire, mais même lui n'aurait su dire s'il était totalement authentique ou s'il faisait parti de son rôle devenu seconde peau. Sûrement était-ce un peu de des deux, ses réactions étaient étrangement plus libres en présence du fragile chanteur.

  • Vous en doutez ?

Enfin, l'image qui venait à son esprit dérangé, en imaginant cette scène, lui était tout sauf déplaisante – bien que totalement violente et douloureuse pour le frêle corps en face de lui qui prendrait sans nul doute la plupart des dégâts. Il allait sans dire qu'il était la seule espèce d'être humain à pouvoir être diaboliquement fasciné par ce genre d'images mentales. Alors, sortant de sa léthargie obscure, il reposa son regard, concentré cette fois-ci, vers son partenaire, et profita de l'actuelle vision que celui-ci lui offrait en ce moment même : son corps fin délicieusement envoûtant. Il était comme un ange déjà blessé, rejeté du ciel et s'étant écrasé sur terre ; un ange en train de sombrer dans un paradis noir, un enfer.. le sien. Un ange qu'il était lui-même entrain de corrompre. Il semblait lui arracher un peu plus de pureté à chaque fois qu'il posait un de ses doigts, ses lèvres ou même son souffle sur sa peau d'une blancheur pure autant que malade. Et cette pensée en lui ne fit qu'exciter davantage ses instincts qui remuèrent violemment, en lui, presque avec sauvagerie.

  • Laissez-moi quelques minutes, je reviens., souffla d'un ton enjôleur le jeune homme, ayant l'air satisfait de le faire patienter..

Un grognement impulsif et irrépressible s’évada sans son consentement de la gorge de l'homme d'affaire quand sa jeune proie féline s'échappa de son emprise et ramassa au sol les vêtements qu'il avait lui-même laissé tomber dédaigneusement plusieurs minutes plus tôt. Alban fut interloqué l'espace d'une longue seconde avant que les mots du jeune chanteur ne fassent leur chemin dans son esprit. Il le laissa alors s'échapper, regardant vers l'extérieur d'un air frustré. Cette créature n'était finalement pas un ange, mais bien un démon. Un démon tentateur et vicieux. Le souffle toujours court et haletant, le regard toujours flou et s'assombrissant par intermittence comme s'il était lui-même en état out ; le corps encore parcouru de tremblements, il écrasa son poing sur la vitre. Mais heureusement, celle-ci semblait assez solide pour supporter l'impact, car elle ne fit que trembler.

  • Putain.., ragea-t-il.

Florence le rendait complètement fou. Il lui faisait totalement perdre les pédales. Son corps, son esprit, ses pensées et actions étaient totalement sauvages et hors de contrôle, cette nuit.. Il n'avait jamais autant dérivé dans cette mer insondable qui était autant un total délice qu'un horrible supplice. Il resta là, fixant le vide, plusieurs minutes, puis il passa alors une main sur son front. Il lui fallait reprendre un semblant de contrôle. Pourtout ça, Alban maudissait Florence. Oui, il le maudissait. Lui qui voulait à tout prix se différencier de la pauvre mélasse humaine, se retrouvait esclave de ces pulsions dignes d'un homme primitif quand il était face au malade. Pourtant, avec lui et uniquement lui, il se trouvait à penser que c'était moins un échec qu'une victoire, mais quand même..

Autant il aimait se déchaîner sur une pauvre cible implorante et inutile, ne gardant qu'un zeste de contrôle, autant aujourd'hui, l'idée de se laisser totalement aller l'effrayait. Ça le laissait transparent, une faiblesse clairement affichée, car il savait qu'il laissait une ouverture de lui-même, le vrai, à cet homme. Et ça l'effrayait terriblement, ça le terrorisait – du moins, c'est ainsi qu'il interprétait la raison de la présence de la détestable émotion en lui. Et pourtant, il savait qu'à l'instant où son partenaire reviendrait, il perdrait à nouveau les pédales, son être primaire reprenant le dessus, comme s'il était un simple pantin.

  • Il fallait me le dire si vous ne vous étiez pas assez défoulé sur lui.., déclara la voix démoniaque à quelques mètres. Le petit démon tentateur refaisait son apparition.

Sa réplique eut le mérite de le dérider un peu et un léger rire passa la barrière de ses lèvres fines et il releva la tête pour plonger à nouveaux ses prunelles anthracites sur celles si envoûtantes du frêle chanteur dont la chevelure était encore humide. Quelques gouttes glissaient toujours le long de sa peau maladivement pâle, le rendant désespérément tentant ; un être à la croisée entre Éros et Thanatos.

Malgré cela, et il n'était pas du genre à s'attarder sur la beauté esthétique de qui que ce soit, mais il ne pouvait nier celle particulière et attirante, dans tout sa triste déchéance, de Florence. Il ne loupa donc pas son avancée vers lui, d'une démarche faussement innocente, bien trop lente, et il ressentit à nouveau son être trembler sous la force des émotions mystérieuses courant dans son corps, tressaillant avec délice et violence quand les lèvres parcoururent sa main. Il n'avait même pas fait attention au sang qui la parcourait encore, trop habitué, au point que même la douleur, trop faible à ce niveau, ne l'avait pas interpellé.

La vision que le trentenaire eut ensuite, celle des lèvres carminées par son propre sang, sa langue glissant indécemment dessus, il se sentit à nouveau secoué par un ouragan et son regard se fit plus profond, plus sauvage à nouveau. Le sourire de l'homme aux cheveux blonds s'accentua significativement. Ce jeune homme, malgré sa beauté et son apparence de premier abord si pur, était un véritable démon tentateur. Un démon comme il n'en avait encore jamais rencontré. Il était l'incarnation même de l'indécence, de la luxure et de la tentation, et c'était parfait. Sublime. C'était tout ce qu'il attendait. Il frissonna à son tour au toucher de leur deux peaux, comme si le simple contact l'avait électrifié jusqu'aux tréfonds de son âme. Il fut secoué d'un nouveau frisson quand ses doigts passèrent sur les lèvres de Florence, avant que ses sourcils ne se froncent de frustration quand la caresse s'arrêta finalement. Suivant du regard les pas de l'homme vers la fenêtre, il jeta un regard de dédain à ce paysage qui lui piquait l'attention de son vis-à-vis.

Encore une fois, l'homme aux cheveux blonds en bataille laissa les mains vagabondes se promener le long de sa taille qui se contractait au fur et à mesure que sa respiration se bloquait à nouveau, face aux gestes suaves de son partenaire de la nuit, sous ses regards languissants, ses sourires aguicheurs et ses mains si pleines d'indécence, alors, quand le plus petit d'eux deux darda son regard si particulier dans le sien, ce fut comme s'il était hypnotisé, et son propre regard ne se détourna plus du sien. Finalement, dans, l'histoire, il ressemblait bien plus à la proie. Il allait bien falloir qu'il finisse par changer cela. Aux murmures sans queue ni tête profondément indécents du chanteur, un large sourire éclaira son visage et il le souleva avec facilité. Il allait finalement reprendre l'ascendant sur cette brebis égarée croyant être le loup. Il allait remettre à sa place cette petite proie jouant au prédateur. Avec un sourire appréciateur, le trentenaire le reposa sur le sol, le plaquant convenablement contre le mur pour mieux le regarder de haut d'un regard digne de l'Alban qu'il était, sourire fin aux lèvres.

Ses yeux aux milles teintes des profondeurs abyssales toujours fixement posés sur le visage, le corps, la silhouette, les prunelles, et parfois même, il lui semblait, jusqu'à l'âme elle-même du jeune chanteur malade, Alban se sentait intérieurement vaciller. Était-ce parce que que l'autre homme avait réussi à piquer un temps soit peu son intérêt par rapport aux autres mollusques présents dans ce bar miteux ce soir, qu'il lui faisait autant d'effet ? C'était étrange, jamais les rares personnes qui avaient éveillées son intérêt n'avaient eu autant d'emprise sur lui. Personne n'en avait jamais eu.

Son regard qui le défiait sans cesse ne faisait qu'attiser toujours un peu plus la flamme de la luxure en lui, une flamme, qui d'habitude, si peu encline à s'élever pour qui que ce soit, et qui atteignait cette nuit, un pic si énorme qu'il avait cette impression vertigineuse qu'il était sur le point de voir le sol s'effriter sous ses pieds pour le laisser tomber dans les profondeurs de l'enfer. Souriant, Alban se remit à picorer et succoter la peau de son cou comme de sa gorge dans des mouvements aussi lents que tentateurs. D'ailleurs, la petite main taquine qui progressa doucement pour faire son petit chemin de façon langoureuse jusqu'à la barrière entre son pantalon et sa peau lui coupa momentanément le souffle, le stoppant l'espace d'un instant dans ses mouvements sur la carotide du plus frêle, et se laissa docilement pousser contre le mur en regardant le jeune lion avec un regard tentateur, à mi-chemin entre le hautain et le dominant comme s'il essayait de lui prouver être intouchable. La lutte – bien que pas encore celle qu'il avait tant attendu – allait pouvoir commencer.

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