Vers une nouvelle vie

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Six mois plus tard, Emma reçut un appel de Monsieur Tanaka au milieu de la nuit, exceptionnellement elle n'avait pas mis son téléphone en mode avion, quant à lui, il avait oublié le décalage horaire.

Madame Izumiya avait trouvé Madame Tanaka décédée dans son lit le matin-même. La chose rassurante c'est qu'elle n'avait pas souffert et le plus étonnant, elle souriait.

Emma pleura, comme si elle venait de perdre sa grand-mère. Monsieur Tanaka lui envoya par mail une dérogation spéciale qu'elle devrait présenter à la douane au Japon. Ce n'était ni un visa vacance ni travail, mais une dérogation pour assister aux obsèques d'un membre de la famille. Il la prévint que s'il y avait le moindre soucis, son numéro y était joint.

Emma fut encore plus émue qu'il la considère comme un membre de la famille. Peu importait le prix du billet, elle prit le premier avion en direction du Japon. Sho la récupéra à l'aéroport de Osaka. Heureusement, elle put dormir un peu car le décalage horaire et l 'angoisse l'avaient empêché de fermer l'oeil dans l'avion. Mutia et Monsieur Tanaka s'occupaient de tout mettre en place pour Mari.

Arrivés à Kyoto, il l'emmena chez eux pour qu'elle se change. Mutia avait déjà préparé sa tenue noire japonaise spéciale deuil. Un tailleur de ce qu'il y avait de plus simple, convenant très bien.

Elle assista à la préparation du corps de Madame Tanaka, avec le couple Izumiya et Monsieur Tanaka. Les personnes s'occupant de Mari étaient très soigneuses. Leurs gestes étaient gracieux et délicats comme s'ils s'occupaient d'une poupée. Il la vêtirent de son plus beau kimono traditionnel puis la maquillèrent de manière très légère et naturelle, la rajeunissant de dix ans.

Les funérailles étaient Bouddhiste comme la plupart au Japon.

Une fois la préparation terminée. Elle fut mise dans un cercueil avec une trappe ouverte au niveau de son visage afin que les personnes puissent la voir et plus tard, mettre des fleurs dans le cercueil.

Les quatre proches de la défuntes suivirent le cheminement jusqu'à une grande maison au centre de Kyoto, s'apparentant aux pompes funèbres françaises. Le cercueil fut placé dans une grande salle pleine de fleurs, semblable à une chapelle.

Beaucoup de monde attendait déjà à l'entrée, y-compris les managers et agents de Monsieur Tanaka.

Ce fut la cérémonie ouverte au public. Le moment où toutes les personnes plus ou moins proches viennent rendre hommage à la famille et à la défunte.

Emma laissa passer les voisins et Monsieur Tanaka, attendant au fond de la file de personnes. Seulement, elle vit Monsieur Tanaka rebrousser chemin et se diriger vers elle.

« Suivez-moi, vous êtes de la famille, elle aurait certainement voulu que vous soyez à mes côtés, fit-il signe gentiment. »

Emma acquiesça et le suivit, la tête baissée, intimidée par tous les regards curieux et surpris. Elle remit son enveloppe au comptoir pour aider aux financements des funérailles. En échange, un des organisateurs lui donna un coffret.

Elle l'ouvrit plus tard et découvrit qu'il s'agissait d'un kit de cérémonie du thé. Ce fut un de ces plus beau souvenir, qu'elle utilisa régulièrement quand elle fut rentrée en France. En mémoire de sa chère grand-mère japonaise.

Une fois placés, les personnes commencèrent à entrer par deux ou trois. Saluant d'abord les quatre proches de la famille puis Madame Tanaka.

Assistant pour la première fois à ce genre de rituel, Emma fut très étonnée. Chacun prenait trois fois de l'encens, le portait trois fois vers sa tête et le posait dans une coupelle en porcelaine placée devant le cercueil. Les personnes faisaient leur prière quelques secondes, saluaient à nouveau Madame Tanaka puis les proches et repartaient.

Le stress de Emma était à son paroxysme. Cela dura toute la journée et les deux jours suivants – car oui, les prières et salutations aux funérailles japonaises durent trois jours ! -. Les regards étonnés de voir une étrangère à la cérémonie et les questions indiscrètes des personnes lors des banquets étaient certainement le pire... Certains tentaient de communiquer avec elle dans un anglais incompréhensible, d'autres l'insultaient presque, parlant japonais à côté d'elle, n'ayant pas capté qu'elle comprenait toutes les inepties qu'ils disaient. Heureusement, elle était soutenue par les voisins et leurs enfants, venus les épaulés, ainsi que par Monsieur Tanaka qui prit sa défense une ou deux fois, faisant à nouveau répandre la rumeur qu'ils s'étaient entichés l'un de l'autre. Tout ceci n'étaient que des racontars qu'ils ne prirent pas à cœur.

Une chose amusa un peu Emma. Dans les croyances japonaises, l'âme continue de vivre, ainsi, à chaque fin de journée, un petit sachet de sel leur était distribué. Il fallait qu'ils le jettent par dessus leur épaule avant d'entrer chez les Izumiya afin d'éviter que Madame Tanaka ne les hante.

Le quatrième jour des funérailles, ce fut la cérémonie des discours et à chacun de mettre des fleurs dans le cercueil. Les proches de Madame Tanaka avaient insisté pour qu'Emma fasse un petit discours. Dans un japonais très simple, elle avait fait passé toutes ses émotions. Surprenant et choquant même certains par ces mots.

« Dans un endroit où je pensais trouver l'enfer, j'ai été touchée par une personne forte, caractérielle mais au grand cœur. Elle a été la grand-mère que je n'ai jamais eu. Elle m'a beaucoup appris. Elle a été l'arbre sur lequel j'ai pu me poser et j'ai été la luciole la guidant loin de l'obscurité afin qu'elle puisse vivre la fin de cette vie. Elle m'a émue, attristée, énervée mais une chose est sûre, je l'ai beaucoup appréciée. Je l'aime et l'aimerai toujours. »

Une fois terminé, Emma regagna sa place. Passant à côté d'une dame, celle-ci chuchota à sa voisine de siège « ce discours était honteux ». Emma n'en fut pas blessée, elle avait simplement dit la vérité.

« C'était très bien, murmura Monsieur Tanaka, je suis certain qu'elle apprécie ce que vous avez dit. »

Chamboulée par ses paroles réconfortantes, Emma ne put retenir ses larmes qu'elle enfouit dans un mouchoir.

La matinée finit de s'écouler. Chacun regagna une voiture prévue pour rejoindre le crématorium. Emma monta avec Monsieur Tanaka, à peine eut-il fermé la portière, qu'une horde de journalistes assaillirent le véhicule. Tous demandaient la nature de leur relation. Monsieur Tanaka demanda au chauffeur de démarrer puis s'excusa auprès de la jeune-femme du dérangement.

Les médias japonais étaient toujours très friands de la vie privée des personnes célèbres. Surtout celles dont ils n'ont pas facilement accès.

Ils arrivèrent au crématorium. Des agents et vigiles empêchaient les journalistes de déranger la famille endeuillée. Le manager demanda à Monsieur Tanaka de faire une conférence de presse après la cérémonie afin de les calmer.

Sur la gymnopédie numéro un de Satie, le cercueil partit dans une salle derrière des rideaux. La musique était un clin d'oeil à Emma, la touchant profondément.

Ils furent conviés à une collation afin de patienter le temps de brûler le cercueil.

Emma se revit aux funérailles de son père et dû s'asseoir. Elle revivrait ça encore et encore, jusqu'à ce que ce soit son tour.

Seulement, ce n'était que le début de sa peine car environ deux heures plus tard, ils durent, tous les quatre, mettre les restes d'ossements dans l'urne. Chacun détenait une grande paire de baguettes. La cérémonie consistait à se passer, les os de baguettes en baguettes. Le dernier mettait les os dans l'urne. Cela dura un bon quart d'heure.

Suite à cela, ils rentrèrent tous à la maison de Mari avec l'urne. Mutia avait préparé des bentô dont un pour Madame Tanaka afin qu'ils prennent tous ensemble le dernier repas. Emma n'y avait pas remis les pieds depuis son départ, et revenir à cette endroit la chamboula complètement. Épuisée, elle regagna le lit de la chambre d'amis des Izumiya.

Cette « aventure » ne s'arrêta pas là pour autant.

Elle put, heureusement visiter certaines contrées grâce à un visa vacances que les relations de Monsieur Tanaka lui avaient procuré.

À la télévision, il expliqua à plusieurs reprises comme plusieurs mois auparavant, qu'il n'entretenait aucune relation particulière avec elle et qu'ils souhaitaient tous deux préserver son anonymat.

À son retour de vacances, Emma relogea chez les Izumiya et continua d'entretenir la maison de Madame Tanaka où l'urne était toujours entreposée. Le petit-fils souhaitait la garder comme une maison familiale où il y viendrait quelques jours de congés par an.

Le quarante-neuvième jours d'obsèques arriva, plus vite qu'elle ne l'eut cru. Il s'agissait de la dernière cérémonie, cette fois ils n'étaient que quatre du début à la fin.

Ils se rendirent au temple près du cimetière de Kyoto, où un moine récita des sutra pendant plus d'une heure. À ce moment-là, Monsieur Tanaka donna le nouveau nom à sa grand-mère, pour sa nouvelle vie. Pour nom, Yamamoto (racine de montagne) et prénom Mai (la danse).

Ils apportèrent l'urne dans le cimetière. Elle fut déposée dans le caveau familiale avant de brûler de l'encens et de faire une prière. Emma dit au revoir à sa chère et tendre Mamie Mari.

Le lendemain soir, elle prit l'avion le cœur léger. Monsieur Tanaka lui avait fait promettre de revenir un an plus tard à l'anniversaire de la mort de sa grand-mère comme il était coutume de le fêter.

C'est ce qu'elle fit. Elle posa ses congés auprès de ses patients, trois mois en avance et décolla une dernière fois pour le Japon, un visa vacances en poche.

Emma fut heureuse de rencontrer la femme, enceinte, de Monsieur Tanaka. Elle avait lu quelques articles sur internet, de leur relation. Néanmoins, il lui en avait parlé par mail, communiquant toujours avec elle. Devenant même, plutôt bons amis.

Ainsi, assis autour d'un pique-nique sous quelques cerisiers en fleurs, après une prière au cimetière, Emma eut la joie de retrouver les Izumiya. Bien entourée, elle conclut que finalement, son histoire au Japon finissait bien mieux qu'elle n'avait commencée.

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