Chapitre 6 : Mésaventures dans les bois (3/4)

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Une épaisse mousse verte éclatante flottait sur des eaux troubles. Sous leurs pas, elle émergeait à la surface d’une brume opaque planant à une coudée du sol. Hèros avançait prudemment, mais maintenait un rythme soutenu que la jeune femme avait de plus en plus de mal à tenir, la chaleur étouffante et l’humidité du bois n’y aidant guère. Ses courtes jambes s’enfonçaient dans les petites mares jusqu’aux genoux, sa progression ralentie et plus ardue faisait déjà perler la transpiration sur son front.

— Pourquoi s’évertuer à marcher dans la mousse poisseuse ? Mes jambières me grattent et je fatigue... Le sol est sec là-bas !

— Taisez-vous, vous vous fatiguez à vous essouffler en parlote et vous me fatiguez aussi. La mousse et l’eau amortissent nos pas. La terre ferme est recouverte de brindilles, de feuilles et de branches sèches.

Sans qu’il n’ait achevé d’exprimer sa pensée, Elise comprit son choix : la discrétion primait, même si cela les ralentissait et que les moustiques se repaissaient sur eux à cœur joie. Elle n’était pas apte à combattre et Hèros, incapable d’intervenir en cas de conflit, avait les mains liées, mais tentait d’éviter toute confrontation. Leur avancée silencieuse, les hauts buissons et la brume épaisse les dissimulaient parfaitement depuis des heures. Le second soleil rejoignait le premier déjà à son apogée lorsqu’ils atteignirent une zone plus dense en végétation. La concentration de l’elfe s’accrut encore et ses oreilles anguleuses se mouvaient en écho aux bruits insolites de la forêt, à l’affût du moindre ennemi. Elise haletait, mais elle forçait toujours l’allure, pas question qu’il la distance. Il entreprit de s’installer momentanément près d’un cours d’eau douce afin d’étancher leur soif et réapprovisionner leurs gourdes. La jeune femme désirait se reposer quelques instants mais Hèros refusa catégoriquement, ce qui l’exaspéra plus que de raison.

— Retirez-vous le bâton qui vous est coincé dans le derrière un peu ! Un peu de repos, ça ne nous fera pas mal.

Hèros fronçait les sourcils face à son ton venimeux et son teint cireux, il la toisait de la tête aux pieds comme s’il lui faisait face pour la première fois. Ils n’étaient certes pas de grands amis, mais elle n’avait jamais été agressive sans raison. Il répondit d’un ton calme comme s’il s’adressait à un animal apeuré qu’il désirait calmer.

— Tous viendront au bord de la rivière se désaltérer, on ne peut donc s’attarder davantage. Nous nous reposerons lorsque nous aurons trouvé l’amulette. Allons-y.

Confuse, Elise lui emboîta tout de même le pas, marmonnant dans sa barbe. Elle réagissait étrangement à la forêt et son environnement, semblable à une fiévreuse victime d’éprouvantes hallucinations. Mais alors qu’ils tournaient le dos au calme cours d’eau pour s’enfoncer à nouveau dans les méandres émeraude du bois, des pas de course s’élevaient et bientôt un couple d’individus les avaient rallié. Hèros faisait déjà volte-face, l’arc armé et l’œil vif. Elise empoigna son épée simple et adopta une posture qu’elle voulait défensive. L’elfe dévisageait la femme qu’ils avaient aperçue plus tôt d’une moue dépréciatrice, son expression s’accentua davantage lorsqu’il observa enfin son compagnon de fuite. Ce dernier, presque décharné, était salement vêtu et avait piètre allure. Ses cheveux grisonnants enchevêtrés étaient longs et poisseux, semblables à sa longue barbe. Malgré la saleté qui teintait sa peau, on devinait qu’autrefois il arborait un teint clair. Des cicatrices, certaines anciennes, d’autres à peine encroûtées, voire même fraîches, lui couvraient le visage, les bras et les jambes. Il ne parla pas, épuisé par une longue course semblait-il.


— Que faites-vous ? dit l’elfe d’une voix monocorde. Vous ne vous en sortirez pas vivants, et vous le savez.

La femme le toisait de son regard opalescent plein de mépris et de haine, puis un sourire narquois naquit sur ses lèvres charnues.

— C’est plutôt de votre sort que vous devriez vous préoccuper.

Hèros banda davantage sa corde, crispant les doigts sur le bois. Il crut d’abord à une menace directe, mais ce fut le vacarme provenant de l’autre rive qui éclaira sa lanterne. Avant qu’il ne saisisse la situation, la femme se ruait déjà sur Elise l’épée au clair. La lame trancha sans s’enfoncer de l’arrière-cuisse jusqu’au mollet. Alors qu’elle roulait sur elle-même dans un élan de souplesse et de justesse, elle se dressa, indiqua au vieillard d’un hochement la direction à prendre et prit ses jambes à son cou. Elise avait poussé un hurlement étouffé tandis qu’elle agenouillait sa jambe blessée. Hèros se désintéressa aussitôt des deux fuyards et s’accroupit aux côtés de la jeune femme souffrante, gémissant silencieusement en respirant par à-coup.

— Ne bougez pas, je vais examiner la plaie. Hum, ça n’est pas profond. Elle n’a rien tranché d’important, pas d’artères ni de nerfs sectionnés. Vous allez pouvoir marcher, avec un bon bandage. C’est tout de même curieux comme geste. Elle savait où frapper et avec une pression calculée.

— Quoi donc ? souffla-t-elle alors qu’elle étendait sa jambe ensanglantée.

— Elle n’a pas cherché à savoir s’il y avait une amulette en votre possession ni même à vous blesser gravement. Une entaille superficielle et voilà qu’elle s’enfuit. Étrange.

— Superficielle ? J’aimerais bien vous y voir vous !

— Cessez de pleurnicher, cela aurait pu être bien pire, lança-t-il alors qu’il emprisonnait son membre dans un tissu grossier qu’il avait déchiré au préalable d’une manche.

Elle grogna de douleur lorsqu’elle se dressa à nouveau sur ses deux jambes, tentant de s’y accoutumer tant bien que mal.

— Dépêchons-nous de trouver une amulette avant que vous ne vous vidiez de votre sang.

Se préparant à quitter la rive, ils se tournèrent tel un seul homme à l’entente de craquements sourds de plus en plus bruyants. Des arbres couchés avec violence soulevaient un nuage de terre et de feuilles. Un cri bestial s’éleva de cette tempête grise et les yeux d’Hèros s’arrondirent de stupéfaction. Sans perdre de temps, il ordonna à Elise de prendre ses jambes à son cou, mais tétanisée, elle ne bougea pas d’un pouce, observant cette créature qui fonçait droit sur eux.

Si Oreilles-pointues perd son sang-froid, c’est qu’on est vraiment dans la merde, parvint-elle à penser.

Hèros armait son arc, prêt à tirer, pontant sa flèche sur un museau écailleux aux reflets bleus. Deux trous obscurs de la taille d’une tête expulsaient un air vicieux et chaud.

Un lazhar Vétra ici ? Comment ? pensa l’elfe, grinçant des dents.

À raison que la créature approchait, mieux Elise la distinguait et ce qu’elle voyait acheva sa pétrification : des dents aiguisées longues d’une coudée s’encastraient à la perfection dans une large gueule cauchemardesque, capable d’engloutir un homme adulte tout rond. Une grande langue bifide suintante s’y logeait, se livrant à un étrange ballet sinueux : la créature goutait les odeurs dans l’air. Tels de pâles joyaux, quatre énormes yeux laiteux luisaient de part et d’autre de sa tête, scrutant les environs sans pour autant les voir. Maculées de sang frais, ses oreilles, couronnées de plumes aux couleurs vives, sondaient les alentours de sens à l’unisson, à la recherche de sa proie perdue. Son large cou piqueté d’excroissances osseuses fourmillait de spasmes rythmés au son guttural qu’elle produisait.

C’était donc ça… Elle nous a jeté dans un guet-apens. Hèros inspira calmement, délaissant le soldat afin de devenir le chasseur. Il observa l’animal dont il avait déjà croisé la route, il avait espéré ne plus jamais avoir à l’affronter. Hèros avait à peine survécu à la première confrontation avec un tel bestiau, et il n’était même pas adulte. Contrairement à celui-ci…

La bête acheva sa course devant le cours d’eau, reniflant une piste retrouvée. Sous la lumière directe du soleil on pouvait contempler sa taille monstrueuse d’au moins neuf coudées de long et quatre de large. Des paluches griffues grattaient le sol avec impatience tandis que ses oreilles pivotaient en réaction au bruit de la forêt. Une longue crête d’os carmine s’allongeait jusqu’à sa queue et des écailles lui couvraient l’ensemble du corps, à l’exception de son abdomen gris et lisse. La créature brillait d’un camaïeu de vert et de bleu métallisés sous le soleil alors qu’elle levait le museau en l’air : elle avait flairé quelque chose et Hèros le saisit aussitôt.

— Les Lazars sont presque aveugles en plein jour. Ils ont cependant l’ouïe fine, je vous prierai donc de ne point faire de bruit, murmura-t-il au creux de l’oreille d’Elise. Je vais tenter d’attirer son attention. Vous vous éloignerez d’abord doucement à pas feutrés. Lorsque vous serez hors de sa portée, courrez aussi vite que vos jambes le peuvent et ne vous retournez pas. Je vous retrouverai, dicta-t-il, le regard déterminé, rivé au sien.

Aucune peur ne luisait dans son regard, pas même un tremblement face à un tel monstre de la nature. Sa force d’esprit revigora Elise, mais elle n’acquiesça pas pour autant.

Quelque chose me dit que ça n’est pas la première fois qu’il est confronté à une telle monstruosité...

— Vous croyez vraiment que je vais vous laisser seul face à ce... cette chose ?

Hèros eut un sourire amer.

— Comme si votre présence pesait sur la balance. D’autant plus que vous êtes blessée, répliqua-t-il, moqueur, profondément touché par sa sollicitude.

Il ne quittait pas la bête des yeux, cette dernière traversait le cours d’eau d’un pas nonchalant.

— Le Lazar a senti votre sang, il vous a désigné comme proie... Il me sera difficile de le détourner de vous, mais je ferai mon possible. Vous devez partir à pas prudents, comme je vous ai enseigné. Regardez où vous posez pied.

Marchant à reculons, Elise ne quittait pas Hèros des yeux, persuadée de l’abandonner à une mort certaine. Mais elle n’avait guère de choix, elle devait lui faire confiance après tout. Elle était étrangère à ce monde dans lequel lui était né.

La bête dressa soudain l’échine, rugit avant de s’élancer d’une vitesse fulgurante. Hèros libéra sa flèche, mais trop tard : il ne put savoir s’il avait atteint sa cible car la créature poursuivait Elise, enivrée par l’odeur de son sang. Comme si un instinct primaire s’était éveillé en elle, ses jambes, même la boiteuse, fendaient l’air à l’unisson mues par une volonté propre. Toute pensée rationnelle envolée, la jeune femme courait malgré la douleur, malgré le brasier qui dévorait ses poumons et l’épuisement qui la gagnait. Même sa blessure devint secondaire à cet instant, car s’arrêter était signer son arrêt de mort et la bête gagnait dangereusement du terrain.

Elle pouvait presque sentir la chaleur de son haleine fétide. Ses sens s’amplifiaient et se distordaient étrangement au fur et à mesure qu’elle pénétrait au cœur la forêt : les arbres se muaient en immenses ombres menaçantes, les chants d’oiseaux devenaient des cris stridents, le bruit du vent des hurlements plaintifs. La bête la talonnait, elle n’avait qu’à tendre les griffes pour l’attraper. Ses pattes frappaient le sol avec violence et arrachaient la terre, elle faisait trembler Elise jusqu’à dans ses os alors qu’elle abattait sa puissance sur le sol à sa poursuite. La jeune femme tenta de se faufiler entre les arbres afin de constituer un obstacle, user de l’environnement à son avantage comme lui avait appris Hèros, mais c’était sans compter sur l’extraordinaire force de la bête qui décrochait arbre et végétation sur son passage sans effort apparent.

Déterminée à ne point se laisser dévorer, Elise ne cessa de se relever malgré qu’elle trébucha à de nombreuses reprises. Il n’était pas question de mourir de cette manière-là, seule et oubliée au fin fond d’une maudite forêt. Une torsion de la cheville l’avait considérablement ralentie, mais elle forçait toujours l’allure. Des branches, des feuilles et des épines lui cinglaient le visage, lui entaillaient bras et jambes, mais elle maintint la cadence. Ses efforts étaient hélas vains : la bête l’avait rattrapé. Elle lui faucha la terre sous le pied, la dépouillant de quelques parcelles de peau par la même occasion. Le cri étouffé d’Elise mourut dans sa gorge alors qu’elle dégringolait dans une pente au milieu de buissons et de plantes.

Avant qu’elle ne se ressaisisse, l’animal l’avait acculé au fond d’une clairière compacte. Mourir ou se battre pour une infime chance survie, Elise avait fait son choix : elle banda sa volonté et scruta la bête d’un œil inquisiteur à la recherche d’un point faible. Prier qu’Hèros débarque était vain, mais les trois flèches fichées dans la carapace écailleuse de la bête étaient un rayon d‘espoir dans l’obscurité. Pour son plus grand malheur, la créature ne semblait souffrir d’aucune lésion, les pointes étaient solidement ancrées dans la chitine écailleuse en surface. Le Lazhar ne tenait pas en place, rodant autour de sa proie comme pour la jauger. Soudain, d’une vitesse imperceptible à l’œil nu, la bête s’appuya sur ses pattes arrière fléchies avant de s’élancer la gueule grande ouverte, prête à l’avaler entière. Elise n’eut qu’une fraction de seconde pour réagir : elle empoigna l’épaisse branche à ses pieds et l’encastra d’un geste instinctif dans ce trou béant denté qui se referma aussitôt sur sa modeste protection. Sa réaction salvatrice lui fut coûteuse, car la gueule avait emprisonné en claquant la chair de son avant-bras. Elle hurla à gorge déployée lorsque les dents acérées de la bête s’étaient refermées sur sa peau, s’y enfonçant aussi aisément qu’un couteau dans du beurre fondu.

Sous les assauts véhéments et répétitifs de la créature, ses muscles s’amollissaient et fatiguaient. La bête poussa un cri strident et la renversa violemment, le choc de son dos contre la terre lui fit expulser tout l’air contenu dans ses poumons. Lorsque la créature ouvrit grand sa gueule afin de mieux reprendre son attaque, elle libéra l’avant-bras ensanglanté de la jeune femme. Le soulagement et la souffrance fulgurante se mêlaient en elle à tel point qu’elle eut un haut-le-cœur. L’odeur âcre ferreuse de son propre sang lui retourna également l’estomac, qu’il s’écoula abondamment de ses plaies ne l’aida point à se ressaisir. Exaltée par ce chaud effluve, une rage nouvelle s’emparait de la bête, une rage qu’elle appliquait avec détermination sur la branche qui servait de dernier rempart. Elle l’émiettait avec joie en copeaux de bois qui tombaient en pluie tantôt fine tantôt grossière sur le visage crispé de la jeune femme. Telles des épines, certains se logèrent dans ses yeux veinés injectés de sang, réduisant considérablement sa vue.

Elise céda soudain son bouclier. La souffrance irradiait de tout son corps et la fatigue l’appuyait. Débarrassé en une torsion du cou de la branche, le lazhar reprit aussitôt son offensive. Instinctivement, Elise se protégea de son avant-bras meurtri, le donnant ainsi en pâture à la bête. Un terrible craquement s’en suivit lorsque ses longues dents effilées lui traversèrent le bras d’une facilité déconcertante. Le cri inhumain qui lui échappa se mua en une plainte déchirante alors que la prise se resserrait. Cette nouvelle vague de douleur lui fit l’effet d’un coup de fouet : l’éveil de son instinct. Il ne s’était écouler qu’une seconde, et chacune de ses fractions parut tel un trésor inestimable à ses yeux, chaque fraction était une trame de plus pour assurer sa survie et elle les saisit toutes. Mâchoires serrées afin de mieux supporter la douleur, Elise s’était glissée autant que possible sous le ventre de la bête, contournant son abdomen de son bras valide. Malgré l’agitation de la bête, ses doigts tâtonnants perçurent un corps étranger à la froideur caractéristique du métal.

Une flèche !

Malgré la souffrance que lui engendraient ses contorsions dues à son bras invalide encore prisonnier de la terrible mâchoire, elle tenta de s’étendre toujours plus loin. Elle l’avait agrippé comme on accrocherait un canot en pleine noyade. Sa poigne était ferme sur le fin bois, comme si elle craignait de la perdre. À l’instant où elle s’en empara, elle l’avait déjà promptement plongé avec une vigueur nouvelle dans l’œil le plus proche du lazar. Ce dernier, pris davantage par la surprise que la douleur, ouvrit grand la bouche en un hurlement rauque. Un liquide laiteux s’écoulait lentement de son orbite, brûlant la terre et l’herbe sur lesquelles il s’échouait. Libérée, Elise cherchait désespérément un endroit où se cacher. Sa vue embuée se réduisait à des images floues tachées de noir et du pourpre de son sang. Mais outre cela, elle perçut une immense souche d’arbre parmi tant d’autres à la différence près que celle-ci avait une ouverture assez grande pour l’accueillir.

J’espère qu’elle est creuse...

Elle rampa difficilement, mais surement dans sa direction tandis que la bête secouait la tête en tous sens afin de se débarrasser de l’objet de sa souffrance. Une traînée de sang se dessinait dans le sillage de la jeune femme alors qu’elle approchait enfin son but. Elle était haletante, son éclat hâlé remplacé par un teint pâle. Son visage et sa chevelure s’engluaient de sang, tout comme le reste de son corps. Sa tunique autrefois verte était noire de vermeille. Elle ne put retenir un soupir de soulagement lorsqu’elle pénétra la souche sans hésitation, mais sa délivrance fut de courte durée car la bête avait repris ses esprits. Sans lui laisser de répit, elle l’avait poursuivie. La progression d’Elise se stoppa nette lorsque la créature abattit une de ses paluches griffues sur sa cuisse droite, elle y accrocha vivement ses longues griffes afin de mieux assurer sa prise. Ni une ni deux, elle ferma sa puissante mâchoire sur la jambe qu’elle tirait dans le but de la déloger de sa cachette. Le seuil de la douleur d’un humain normalement constitué avait été franchi à cet instant précis : Elise était sur le point de s’évanouir. Les griffures de la bête ainsi que ses morsures lui tenaillaient la chair, comme si un feu se déversait en son sein. En sus de sa mauvaise posture, elle faisait preuve d’une résistance sans faille, s’agrippait de toutes ses dernières forces aux racines internes encore solides et tentait de ramener à elle sa jambe prisonnière de la bête malgré qu’elle se tailladait elle-même par la même occasion.

Sans doute impatiente, la bête lâcha prise afin de s’acharner sur l’écorce sèche de la souche. Elise plongea aussitôt dans le renfoncement jusqu’à son fond, s’y adossa et expira lentement tandis qu’elle observait la créature arracher des morceaux de bois de la souche. Le trou par lequel elle était entrée s’agrandissait à vue d’œil. Elle balaya son corps d’un regard vif, examina avec précaution ses plaies et constata avec effroi qu’elle avait peu de chance de survie, cela était même une certitude. Elle surprit une pensée morbide entêtante : emporter cette bête dans son sillage. Elle aurait au moins un soupçon de satisfaction dans ses derniers instants. Tandis qu’elle l’observait avec lassitude, la bête claquait les mâchoires de plus en plus près de son visage, son souffle s’alourdissait, devenant erratique. Son pouls ralentissait dangereusement, elle discernait les changements que cela opérait sur sa perception. Elle ne ressentait plus la peur, elle avait presque accepté son sort alors qu’elle regardait la bête sans la voir.

Quelque chose se produisit, mais Elise ne put que la ressentir sans pouvoir l’observer : elle était habitée d’une énergie nouvelle telle une flamme sans chaleur, vacillante, mais assez tangible pour la pousser à envisager la survie. Usant de sa force décuplée, Elise enchâssa la tête de la bête dans un coin de la souche. D’une violence inouïe, elle déversa toute sa peur et sa colère dans la flèche dont elle usa : elle embrocha le lazar tant de fois qu’on ne peut compter, comme pour s’assurer de sa mort. Elle lui transperça le crâne une énième fois avant de s’effondrer mollement contre la paroi sèche. La bête qui se débattait il y a quelques instants contre son attaquante, remuait à peine. Elle gémit, expira un dernier râle avant que sa bave suintante de toxine ne lui obstrue la gorge. Elise examina la bête prudemment avant d’en extraire sa flèche et la serrait contre sa poitrine tremblante.


Sans crier gare, un tourbillon de ténèbres l’avait emporté dans une étrange torpeur.

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