Chapitre 7 : l'étrange métabolisme (3/3)
Ce n’est qu’une autre expérimentation pour vous, pensa Hèros. Votre aide n’est jamais gratuite. Vous avez bon cœur, certes, mais je sais votre temps précieux. Pragmatique est le mot qui vous définit au mieux. Je vous connais bien trop pour me laisser leurrer par votre unique bonne foi : vous désirez vous essayer à certaines choses. C’est donc une occasion en or pour vous : faire d’une pierre deux coups.
Mais cela, Hèros n’en pipa pas un mot. Le mage le connaissait tout aussi bien et ils n’avaient guère besoin d’exprimer à voix haute leur pensée. Un regard suffisait amplement.
— Lors de ma première séance d’expérimentation, je m’y étais pris sans protection, sans mesure de sécurité. Heureusement pour moi, vous étiez présent ce jour-là, Hèros.
— Oui, je m’en souviens. C’était un bien étrange phénomène de vous voir tourner en rond.
— Je pense avoir été prisonnier d’une singularité surnommée dans l’argot des magiciens « boucle de répression ». Il s’agit généralement d’un mécanisme de défense naturel créé par une magie sauvage et indomptable ; elle est caractérisée par une altération du temps, de l’espace ainsi que de la perception de l’intrus, tout sens confondu. La meilleure des protections sans aucun doute, mais aussi la plus incontrôlable et la plus dangereuse car elle est générée inconsciemment. Elle est une bonne indication d’un talent inné prodigieusement puissant.
L’expression de l’ancien se voulait neutre, mais ses yeux trahissaient son enthousiasme grandissant.
— S’il s’agit d’une telle rareté, comment cela se fait-il que vous soyez aussi bien renseigné sur le sujet ? Votre connaissance s’étend par-delà des siècles, je le sais, mais...
Valence l’interrompit d’un geste de la main.
— Trois mois sont amplement suffisants pour effectuer des recherches sur des phénomènes aussi singuliers. C’est chose aisée pour quelqu’un possédant une telle collection de manuscrits, en l’occurrence.
Vous nous dites pas tout, je le sais.
Hèros acquiesça d’un hochement, l’expression sombre. Il ne montrait jamais son inquiétude, d’ailleurs il ne l’expérimentait que rarement voire jamais.
— Ce qui résultera de sa renaissance tient du mystère total pour moi. Je ne sais pas ce qui nous attend et je suis totalement aveugle sur ce terrain nouveau. Il va donc falloir se préparer en conséquence.
— C’est-à-dire ? s’enquit Hèros aussitôt.
— Je l’ignore, répliqua le mage d’une voix blanche.
— Je vois.
— Eh bien, allez-vous lui en toucher un mot ? lança le mage qui réprimait tant bien que mal son impatience.
— Il semblerait qu’aucun de nous deux n’est le choix.
— Amenez-là-moi donc demain aux dernières lueurs du soleil, acquiesça le mage d’un ton satisfait.
Il avait entrelacé ses doigts bagués sous son menton et observait avec une humeur taquine les deux elfes devant lui.
Que mijotez-vous, Valence ? Vous vous en gardez de tout me dire, je le sais, mais je finirai par découvrir ce que vous vous évertuez à cacher.
Annotations
Versions