7 - Le pissenlit

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Le lutin se réveilla aux premiers rayons de soleil, une nouvelle journée débutait, accompagnée d’une belle surprise à annoncer. La veille, le dragon des eaux avait accompli un travail remarquable. Avec sa puissante magie, il avait réussi à rendre l’eau à nouveau potable. L’esprit des bois l’avait infiniment remercié et avait laissé l’esprit ancien retourner à son long sommeil.

Tous les villageois dormaient encore sauf Méline qui s’était levée aussi à la première lueur du soleil, elle était encore un peu décalée par sa journée d’hier. Elle descendit et enfila un gilet en laine qui trainait sur une chaise, puis quitta la maison pour aller prendre l’air frais du matin. C’était son moment préféré, lorsque la rosée recouvrait la végétation et qu’un léger voile de brume recouvrait le paysage.

Instinctivement, elle se dirigea vers la fontaine et découvrit le lutin des bois en train de faire sa toilette matinale.

- Vous êtes là ! chuchota Méline en s’approchant du lutin.

- Oh ! Jeune fille, je suis si heureux de te revoir !

­- Que faites-vous ici ? Ne devriez-vous pas être dans la forêt ?

­- Je te retourne la même question. Le lutin voulait d’abord savoir pourquoi Méline n’était pas rentrée chez elle avant de lui annoncer la bonne nouvelle.

­- C’est une longue histoire, répondit Méline en voulant éviter le sujet.

­- Ça tombe bien ! J’adore les histoires !

Voyant que le lutin n’allait pas la laisser tranquille si facilement, elle cracha le morceau.

­- Je me suis évanouie dans les bras de Félix.

Le lutin fut étonné mais il ne devait pas oublier que Méline était qu’une enfant. Elle s’était surpassée sur bien des choses ces derniers jours.

­- J’espère que tu vas mieux ? lui demanda le lutin soucieux de l’état de santé de Méline.

­- Oui. Amélie s’est bien occupée de moi et j’ai repris des forces.

­- Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, j’en ai une deuxième !

- ­ Ah oui ? Avez-vous pu demander de l’aide à votre ami ?

­- Oui ! Les villageois peuvent à nouveau boire l’eau du puits sans tomber malade !

Méline sauta de joie et, dans son élan, elle prit le lutin dans ses bras. D’habitude, l’esprit de la forêt n’était pas quelqu’un qui montrait son affection mais il fit un effort pour la jeune fille et lui rendit son étreinte. Soudain, elle recula et réalisa réellement la nouvelle.

­- Je dois prévenir ma sœur et Félix ! Le pauvre, il a eu tellement de mal avec les villageois hier. Il va se tirer les cheveux quand il apprendra que par un heureux miracle l’eau est à nouveau bonne. Qui devons-nous remercier ? Ne serait-ce pas le gardien en charge de l’élément eau ? demanda Méline avec un regard qui en disait long. Elle n’était pas dupe. Les histoires que lui racontait sa grand-mère étaient toujours vraies.

Le visage du lutin blêmit, comment pouvait-elle savoir ? Personne en dehors du petit peuple ne connaissait l’existence des gardiens, sauf une. Il n’avait pas fait le lien jusqu’à maintenant, il y a bien longtemps, une jeune fille avait fait la connaissance des fées et de la reine par la même occasion. Le petit peuple l’avait accueilli chez eux et lui avait enseigné tout ce qu’il savait sur la nature et de ses pouvoirs. Elle était perçue comme un diamant pour la reine et elle l’avait nommé Diana, aussi en mémoire à la déesse de la nature.

­- Peux-tu me rappeler le prénom de ta grand-mère ?

­- Dana, pourquoi ?

­- Mon peuple a connu un jour une jeune fille aussi espiègle que toi, d’une bonté à toute épreuve et d’un vrai sens du devoir et d’une bienveillance inouïe. Je ne serais pas étonné d’apprendre que tu es sa descendante et qu’elle t’aurait raconté nos histoires. A sa disparition, nous lui avons confectionné une stèle en sa mémoire, elle est entreposée dans un endroit caché des hommes, sur laquelle est gravé son prénom, Diana.

- Je me doutais bien qu’elle n’avait pas appris toute seule comment utiliser les plantes pour guérir, ni les histoires qu’elle nous racontait. Grand-mère nous a jamais parlé de son passé, ni à ma mère. Elle a toujours été très secrète de ce côté-là et je comprends mieux pourquoi.

- ­Il ne faut pas que les villageois apprennent pour le gardien, ça doit rester un secret.

­- Je dirai que c’est grâce à vous, si vous voulez bien endosser la responsabilité ?

Le lutin donna son approbation, il n’avait pas le choix. Le dragon des eaux devait être préservé et gardé secret.

Des volets battants claquèrent au loin, les premiers villageois se réveillaient. Il était temps pour le lutin de retourner dans la forêt et pour Méline de rentrer à la maison. Quand l’esprit de la forêt eut quitté les lieux, elle s'assit au bord de la fontaine. Non pas qu’elle voulait admirer la déesse Arduinna, mais elle reprenait simplement son souffle. Méline avait menti au lutin des bois et à sa famille. Elle leur avait bien dissimulé son état ; une douleur lancinante à la poitrine ne cessait de la torturer depuis le deuxième jour de visite au village. Elle toussa et cracha des glaires. Elle se dirigea difficilement, titubant, jusqu’à la porte d’entrée. Elle puisa dans ses dernières forces, car elle devait tenir jusqu’à ce qu’elle puisse annoncer la bonne nouvelle.

Amélie était déjà en bas et accourut vers elle.

­- Où étais-tu ? Je me suis inquiétée ! dit Amélie en remarquant seulement après que le visage de sa sœur était pâle.

­- J’ai vu le lutin, il a tout arrangé, l’eau du puits est à nouveau pure, articula Méline avant de sombrer dans les bras de sa sœur.

Amélie appela Félix en hurlant de panique. Il arriva en bas, manquant de se casser la figure dans les escaliers. Le spectacle était horrible, Méline était inerte dans les bras d’Amélie qui n’arrêtait pas de pleurer, terrifiée à l’idée de perdre sa petite sœur.

Le jeune homme prit Méline dans ses bras et monta la mettre au lit. Amélie comprit l’urgence de la situation et quitta le domicile pour aller chercher le médecin du village. Lorsqu’il termina son examen, la nouvelle tomba comme un coup de massue. L’état de santé de Méline était très préoccupant. Elle n’avait que la peau sous les os et la fièvre ne faisait que monter. Malheureusement, aucun remède n’existait pour la soigner. Les prochaines heures seront sombres et l’issue sera inexorablement fatale.

Méline mourut durant la nuit, entourée de sa famille car dans la journée, Félix avait été chercher les parents avec la calèche d’un voisin.

La nouvelle de l’heureux miracle de l’eau fit le tour du village et étouffa le décès de la jeune fille. Le lendemain, le lutin s’inquiéta de n’avoir toujours pas revu Méline. Elle lui avait pourtant promis avant son départ pour la forêt qu’elle reviendrait le voir rapidement. Il décida de quitter le sentier, sans surveillance. Le lutin des bois se transforma à nouveau en un magnifique rouge-gorge et fonça vers le village. Il fut tétanisé de découvrir qu’un petit corps était recouvert d’un drap blanc et qu'il était en train d’être amené au cimetière. Il avait compris que Méline avait quitté ce monde. Une douleur traversa son cœur, comme si on le comprimait et il eut le souffle coupé. Comment est-ce possible ? se demanda le lutin des bois. Il y a encore quelques heures, elle était là, vivante et souriante !

De loin, perché sur une branche, le lutin observa la cérémonie d’adieux. Méline fut enterrée en bordure de la forêt, à l’écart des autres corps décédés à cause de l’épidémie. Quand tout le monde quitta le cimetière, le lutin laissa la tristesse l’envahir et retira les vêtements que Méline lui avait confectionnés. Il les déposa sur elle, car les habits n’avaient plus de valeur si la jeune fille n’était plus là pour les voir portés sur lui.

Après quelques semaines, les villageois furent en mesure de reprendre le sentier pour se rendre au village voisin. Cependant, le lutin avait disparu. Personne ne savait où il était parti mais pour éviter de le contrarier ou par superstition, ils décidèrent de le fermer et de ne plus l'emprunter tant que le lutin sera absent.

Les années s’écoulèrent, le lutin des bois tomba dans l’oubli et le sentier fut effacé par la végétation luxuriante.

On raconte qu'au fond du cimetière, une vieille stèle se couvre chaque année de pissenlits. Personne ne se souvient de qui est enterré là, les marques s'étant effacées au fil du temps. Sur la pierre, un seul mot demeure : « amie ».

Fin

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