Chapitre 2

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Je sentais mon sang se glacer, perdu entre hallucination et réalité. L'estomac noué, je revoyais sans cesse cette idée tordue. Je n'osais même plus la regarder, tandis qu'elle m'envoyait un regard insistant.

— Tu es partant ? demanda-t-elle, sa voix étrangement douce.

— Mais tu es folle ou quoi ? Tu es vraiment tordue, c'est ça ? Je ne te tuerai pas !

— Je vais commencer par détacher ton pied gauche... dit-elle en s'approchant de moi.

Elle s'exécuta, et j'en tremblai de tout mon être.
Le silence devint pesant dans la pièce. J'entendais le bruit de ma respiration accélérée, l'odeur de ma sueur imprégnant ce vieux lit négligé, recouvert d'un drap beige dont j'ignorais la couleur d'origine, usé par le temps ou la saleté.

Noyé dans mes pensées, mes craintes, j'étais presque ailleurs. Elle venait de défaire la chaîne de ma main droite quand je revins à moi, comme tiré d'un mauvais rêve.

— Et voilà ! Tu es libre, Ange !
Elle posa le couteau devant moi, la lame scintillant froidement dans la lumière crue.

— Tu ne peux pas t'enfuir tout de suite, la clé de cette porte se trouve dans ma poche, articula-t-elle d'une voix monocorde. Alors, pour l'obtenir, tu devras me tuer... Il va falloir en finir, car c'est pour toi que j'ai fait tout ça ! Si tu ne veux pas de moi, alors j'aimerais mieux mourir.


Je n'avais pas encore bougé du lit. Pourtant, j'avais rêvé de ce moment à plusieurs reprises, imaginé ma fuite de mille manières. Maintenant, j'ignorais ce qui m'arrivait ; peut-être la peur d'être déçu. Ceci dit, d'un autre côté, c'était peut-être la seule occasion de m'en sortir.

Je me redressai difficilement. Avoir été dans cet état pendant si longtemps m'avait épuisé ; chaque mouvement me faisait mal. Après quelques secondes qui me semblèrent une éternité, j'ai enfin pu me tenir droit. Je saisis l'arme qu'elle avait posée. Je m'approchai d'elle d'un pas calme, la scrutant, essayant de percer le moindre piège dans sa demande. Bien sûr que c'était un piège ! Si je la tuais, elle serait reconnue comme la victime et moi l'assassin. Ce serait fini de moi. Je passerais le reste de mes jours en prison. Une belle vengeance de sa part, mais je ne tomberais pas dans ce piège.

Ça y est, nous n'étions qu'à un pas l'un de l'autre, yeux dans les yeux.
Je tenais le couteau fermement dans ma main, le serrant si fort que mes jointures blanchissaient. Je ne savais pas ce que j'allais faire, mais une chose était sûre : je ne pouvais pas la tuer. Mon esprit se démenait, cherchant une échappatoire, une ruse, n'importe quoi qui ne ferait pas de moi un meurtrier. Tuer, c'était la solution la plus simple, la plus rapide, le chemin direct vers la liberté. Mais à quel prix ? Celui de ma propre humanité. Mes mains tremblaient, pas seulement de faiblesse, mais d'une répulsion profonde à l'idée d'ôter une vie, même celle de mon bourreau. Pourtant, cette liberté, je la voulais désespérément. Ces murs m'étouffaient, le manque de lumière me rongeait. Je devais sortir d'ici.

— Il y a une autre solution, dis-je, ma voix plus ferme que je ne l'aurais cru. Tu n'as pas besoin de mourir pour trouver le bonheur.

Elle ne répondit pas, ses yeux rivés sur moi, son expression indéchiffrable derrière ses lunettes trop grandes. Elle semblait flotter dans un autre monde, où la mort était une monnaie d'échange pour un amour non réciproque.

— Pense à ta mère, elle ne voudrait pas ça pour toi, continuai-je, désespéré de trouver une faille dans sa logique tordue. Tu as dit qu'elle t'avait appris la valeur du mérite. Est-ce que mourir est ce que tu mérites ? Est-ce que c'est ce que tu veux vraiment, au fond de toi ?

Un infime changement traversa son visage. Une lueur, peut-être de doute, peut-être de douleur, mais elle disparut aussitôt. Elle tendit légèrement la main, un geste hésitant, comme si elle voulait me toucher ou saisir le couteau que je tenais. Je me tins immobile, prêt à réagir, à esquiver, mais surtout à ne pas céder.

— C'est la seule façon pour moi d'être libre, Ange, murmura-t-elle, sa voix se brisant légèrement. Libre de cette obsession qui me ronge, libre de cette attente insoutenable. Tu es mon espoir, mais tu es aussi ma prison.

Le couteau pesait dans ma main, l'acier froid contre ma paume moite. Je sentais le moment de vérité approcher. Ce n'était plus une question de vie ou de mort pour elle, mais de survie pour moi. Si je ne la tuais pas, comment allais-je m'échapper ? Elle avait les clés, et sa détermination était palpable.
Je pris une décision en une fraction de seconde. Plutôt que de la frapper, je laissai tomber le couteau au sol, créant un bruit sec qui la fit sursauter. Instinctivement, ses yeux se posèrent sur la lame, un instant de distraction infime, mais suffisant. Je saisis ce laps de temps.

De toutes mes forces restantes, je me jetai sur elle. Ma faiblesse n'était qu'apparente. La rage et l'adrénaline me donnèrent une force inattendue. Elle n'eut pas le temps de réagir. Elle tomba à la renverse sur le lit, surprise par mon assaut. Je plaquai son corps mince contre le matelas, ses lunettes de travers. Ma main plongea immédiatement dans sa poche. Mes doigts effleurèrent le métal froid : la clé !
Elle ne se débattit pas, ses yeux imprégnés de satisfaction tordue tellement que j'en ai le froid dans le dos. Le rôle s'était inversé. Je sentis un frisson, non pas de peur, mais d'une étrange sécurité glacée. Avec la clé serrée dans mon poing, je cherchai rapidement les menottes qu'elle utilisait. Je les trouvai près des chaînes qu'elle venait de défaire. En quelques gestes brusques, et malgré ma faiblesse, je réussis à lui attacher un poignet, puis l'autre, au même lit qui m'avait retenu.

Elle me regardait, ses yeux remplis d'une ambiguïté que je n'avais jamais vue auparavant. La force qu'elle avait montrée, l'assurance de sa folie, tout s'était transformé. Elle ne tentait pas de se libérer, au contraire, un sourire narquois se traçait au coin de sa joue.
Je me relevai, le corps endolori mais l'esprit étrangement clair. La nyctophobie avait laissé place à une détermination féroce. J'étais libre. Ou du moins, j'allais l'être.
Je me penchai sur elle, son visage semblant attendre quelque chose. Je la scrutai comme elle m'avait scruté, l'œil perçant. L'arme du crime – mon couteau – gisait toujours au sol. Je n'en aurais pas besoin pour l'instant.

— Maintenant, chérie, dis-je, ma voix rauque mais pleine d'une autorité nouvelle. C'est mon tour. Et tu vas tout me dire. Chaque détail. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Et pourquoi as-tu fait tout ça ?

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