« Les papillons de l'excitation dansent dans mon ventre, ma respiration est haletante. - 16»
Kira
Depuis ce matin, Judith est bien décidée à me poser toutes les questions qui lui traversent l’esprit. N'ayant pas satisfait sa curiosité, elle a décidé de lâcher les messages et les cours et de venir les chercher en personne.
— Tu comptes rester enfermer chez toi encore longtemps ? me sermonne-t-elle.
— Je sors, ne t’en fais pas pour moi.
Je ne suis jamais autant sortie de ma vie depuis que je connais Jules.
Elle renchérit, difficile de s’en débarrasser comme ça.
— Je te dis que ça va, prononcé-je d’une voix douce pour tenter de l’apaiser.
Alors que je la questionne sur son demi-Dieu prénommé Liam, elle secoue sa main en l’air me faisant comprendre de laisser ça de côté pour le moment, ma vie semble plus trépidante. Son regard force le mien, elle vient de comprendre que je lui cache certaines petites choses…
— Kira Miller, qu’est-ce que tu as fait l’autre soir ou t’as encore annulé la soirée ?
— J’étais occupée.
— À faire quoi ?
— Avec mon copain ! Mince à la fin ! crié-je de manière agacée afin qu’elle cesse son interrogatoire.
Son buste se recule de manière brutale et ses yeux deviennent avides d’encore plus de questions.
— Attends, j’ai bien entendu ? T’as un mec toi ?
« Est-ce que tu peux me dire ce qui t’a pris de l’avoir présenté comme ton copain ? »
« Non, mais pas ce type de copain là, un copain ami… »
— Ce n’est pas ce que tu crois ! débité-je à toute vitesse, regrettant déjà mes mots.
— Et je connais l’heureux élu ?
Je secoue la tête de droite de gauche.
— Nous nous sommes rencontrés à un séminaire sur la protection environnementale, depuis, nous nous voyons régulièrement.
Si ce n’est pas dans mes habitudes de mentir, je veux qu’elle renonce et ne pas me sentir dans l’obligation de lui raconter ma vie. Je me suis emballée, sûrement une émotion que j’essaie d’enfouir, alors qu’avec Jules nous n'avons jamais élaboré ce sujet. Nous laissons les choses évoluer d’elle-même. Mettre des mots ou cela ne nous semble pas utile ne fait pas partie de nos personnalités.
— Et vous avez déjà… demande-t-elle en rapprochant ses deux doigts entre eux pour mimer un acte sexuel entre nous.
Je ne réponds pas et je souffle, elle finit par se résigner en disant :
— Bon, ben, j’espère qu’il n’est pas aussi coincé que toi…
— Non Judith, dis-je d’une voix lasse. Ça je peux te le certifier.
Son visage montre une insatisfaction face à mes réponses. Mais elle finit par lâcher prise. Ce que je vis avec Jules, c’est personnel.
Soudain, mes ongles me brûlent, je regarde mes mains en paniquant, les filaments dorés scintillent au bout de mes doigts. Je panique et je cache mes mains à toute vitesse entre mes cuisses. Jules se rapproche de moi, Judith me regarde avec des yeux ahuris et la magie s’extrait de mes membres.
— Je ne peux pas t’expliquer, je cherche ce que c’est… énoncé-je à toute vitesse.
— Tu cherches à cacher les envies de ton corps ?
Je sursaute quand il frappe à la porte.
— Tu attendais quelqu’un ?
— Non, je ne l’attendais pas, mais ça lui arrive souvent de venir à l’improviste.
Elle court se mettre entre la porte et moi pour m’empêcher d’ouvrir et pose ses deux mains sur mes épaules.
— Attends, c’est lui ?
— Oui, je réponds en la contournant pour l’accueillir.
Quand il est à proximité, tout le reste devient insignifiant. Rien ne compte plus que lui, mon cœur battant la chamade me le confirme. Une fois la porte ouverte, je n'arrive plus à retenir mon sourire, je fais un pas vers lui et j’attends qu’il dépose ses lèvres sur ma joue. Comme à son habitude, sa bouche s’écrase en douceur sur ma peau, si cela semble insignifiant, pour moi cela exprime beaucoup. Il se déplace régulièrement pour me voir, prend son temps pour me saluer, y met de l’entrain et de la volonté, si cela paraît être de petites choses, ces attentions sont notables et me réconfortent, c’est tout ce dont j’ai besoin.
Il révèle la tête et voit Judith, sa mine devient interrogatrice et il reporte le regard sur moi. Alors que je suis dans mes songes en me disant que s’il ose faire ça devant ma pote, c’est qu’il assume ce qui se passe entre nous.
— J’savais pas que vous receviez quelqu'un, Kira, je souhaitais pas vous déranger, j’reste pas.
À sa voix suave que je n’ai pas entendue depuis hier soir et qui commençait à me manquer, mon corps s’électrise.
— Entrez Jules, hésité-je quelques instants avec de m'écarter de la porte pour le laisser passer. Elle s’en va.
— N'est-ce pas, Judith ? l'interrogé-je en lui faisant face et les gros yeux. C'est alors que je l'a voit, le parcourir du regard, de bas en haut, et de gauche à droite. Ses lèvres s'entrouvrent, à quoi est-ce qu'elle joue celle-là.
Jules me passe devant, me coupant dans mon hypnose ou je commençais à devenir désagréable, je penche la tête et je la secoue pour faire fuir mes pensées négatives.
Je regarde ses actions, il dépose sa veste sur le dossier d'une chaise et passe devant Judith. Il ne se préoccupe absolument pas de sa présence. Il s'assied dans le canapé, jambes tendues et pieds croisés, à l'aise.
Judith se racle la gorge et demande :
— Alors comme ça t’es le mec de Kira ?
Je reste sans voix, en plus de le tutoyer alors que même moi je n’ai jamais osé. Il tourne la tête vers elle, aucun signe n’est discernable, il est de marbre. Je ne discerne rien, même pas l'ombre d'un malaise, ou même questionnement.
Judith connaît mieux que quiconque la manière dont je suis introvertie et à quel point ce genre de situation me déstabilise. Pourquoi joue-t-elle ainsi de moi ? Mon regard devient insistant sur Jules, mortifiée sur place, je crains sa réaction, une boule de stress me ressert l’estomac. L'envie de vomir est toute proche. Je ne reconnais pas mon amie, et lui, qui semble amusé par la situation. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour que mes jambes cèdent et que je tombe à genoux.
À priori, elle comprend la même chose que moi car elle récupère sa veste sur le patère et se dirige vers la sortie.
Je suis choquée, comment Jules sans utiliser l'usage de la parole, l'a fait taire et en plus quitter mon appartement en quelques secondes alors que ça fait une heure que je m’y essaie.
Mais elle vient de me trahir et lorsqu'elle s'approche de moi pour m'embrasser, je recule d'un pas et je fais un signe vif de la tête pour la saluer.
Maintenant partie, la boule dans mon estomac me dérange encore, j'ose à peine regarder Jules, mais le fait qu'il se lève du canapé m'interpelle. Il ouvre en grand ses bras et me lance un sourire tête penchée.
J'arrête de me poser mille questions, j'en ai envie alors je vais m'y réfugier. Collée à lui, la pression à tendance à partir plus vite.
Je me sens mieux, ses bras et sa poitrine ont les facultés de m'apaiser.
— Alors Kira, comme ça, j'suis votre mec ?
Je déglutis, et même si c'était à prévoir, je ne m'y attendais pas du tout, je n'ai pas eu le temps de m'y préparer.
— Jules, je ne l’ai pas dit dans ce sens-là, je croulais sous ses questions, je n’arrivais plus à m’en défaire… marmonné-je sans oser relever la tête vers lui.
— Kira, j'm’en fous d’tout ça, avez-vous envie que j'sois votre mec ?
Mes yeux s'écarquillent d'incompréhension. Attends, vraiment ? pensé-je en relevant la tête vers lui.
Notre magie s’illumine comme si elle me poussait à prendre une décision à cet instant précis.
Nos cœurs rebondissent férocement dans nos poitrines. Oserais-je penser qu’il est autant tracassé de ma réponse que moi de la lui donner ?
Son sourire me séduit et je réponds :
— Oui.
Il glisse sa main à l’arrière de ma nuque et penche sa tête doucement sur le côté, posant ses lèvres délicatement sur les miennes.
Ce baiser diffuse une chaleur dans tout mon corps, je frémis. Il enveloppe chaque parcelle d'un charme irrésistible.
Au plus profond de mon cœur, la bienveillance, le consentement et le respect ont toujours été des principes qui ont guidé mes choix, ce dont j'ai besoin. Bien que mon passé n'ait pas été propice à la rencontre d'un homme incarnant ces qualités, je ressens que tout sera différent avec Jules. Ils ne sont en aucun cas comparables. Malgré le corps athlétique de mon copain, je me sens en sécurité. Et il a cette manière authentique de s'exprimer, avec un accent très prononcé par ses origines et sa façon de manger les mots. Ce qui me fait toujours sourire.
Un moment de silence partagé, nos regards se croisent, chacun cherchant à comprendre les ressentis de l'autre. Cependant, tout ce que je désire, c'est de recommencer. J'ai eu un aperçu de cet homme, et les signaux de mon corps indiquent que je suis prête à aller plus loin avec lui. Les papillons de l'excitation dansent dans mon ventre, ma respiration est haletante.
Il recommence, cette fois avec plus d’intensité. Mes lèvres frémissent sous la caresse de sa langue, et mon cœur s'emballe alors que j’ouvre la bouche pour répondre passionnément à son baiser. Timidement, nos langues se cherchent, se trouvent et se mêlent dans une danse enivrante.
La chaleur de ses lèvres contre les miennes me plonge dans un tourbillon de désir. Nous nous détachons, haletants, nos yeux étincelants d’émerveillement. Il prend ma main qu'il dépose sur son cœur, il bat rapidement sous ma paume et il dévoile avec une sincérité palpable :
— Jamais il a cogné si fort pour quelqu’un.
D'abord surprise, je me répète en boucle sa phrase. Puis, j'esquisse un sourire. Pour une fois, je me sens différente, utile, tout en provoquant des sentiments à quelqu'un, autre que mes parents. Un désir, peut-être, son bassin vient de reculer de quelques centimètres. Je rougis, mes joues me brûlent.
De jours en jours, Jules se confesse, s’il se camoufle derrière une carapace brutale et froide, il est une personne emplie d’humour, de compassion et d’authenticité que j’ai hâte de découvrir davantage.
Ses quelques mots m’ont heurté si fort que mes yeux se sont humectés.
On s’assied dans le canapé, il souhaite me parler de sa petite avancée.
— Mon cousin est revenu vers moi. Mais avant, j’ai besoin d’savoir si vous êtes prête.
— Prête à quoi ?
— À entendre les légendes contées par nos aînés, au Japon.
— Bien sûr Jules, avec plaisir.
— Piste ou illusion, j’sais pas, mais croyez pas que j’suis persuadé que ça existe.
Je comprends qu’il m’avertit avoir l’unique intention de me raconter une histoire et non pas que je crois qu’il la pense réelle. J’acquiesce de la tête. Il entrecroise nos doigts et commence à narrer un mythe qui provient d’une partie de lui. Très rapidement je me rends compte que la tâche est difficile, il doit traduire chaque mot au plus juste pour en garder le sens. Mais je ne focalise pas sur ça et je me laisse transporter par son timbre de voix grave qui s’exprime avec de plus en plus d’aisance au fil des mots. En fermant les yeux, je me vois au cœur même du Japon, j’écoute chaque parole de l’un de ses nombreux folklores du pays du soleil levant, ou je peux dorénavant apercevoir ce temple sacré dissimulé au cœur d’une forêt interdite.
— Jules, j’ai adoré, dis-je de manière fascinée.
— C'était avec plaisir.
— J’ai encore plus envie de visiter le Japon maintenant !
Il se met à rire, et moi, je l’envie.
— Pourquoi le prénom de Jules ? C'est étrange pour un semi japonais.
Il marque une pause, possible que ça le ramène à sa jeunesse, là où j'ai remarqué qu'il était très affecté pour en parler. Mais il a aussi l'habitude de ne rien laisser paraître, alors après une légère inspiration il se reprend et dit :
— Oui, c’est vrai, mais ma mère était italienne.
Était ? Tout s’éclaircit petit à petit, son prénom comme son teint halé et ses yeux verts.
— J’pourrai pas en dire plus sur son choix, j'ai pas grandi près d'elle, confie-t-il avec un regard rempli de peine.
— Je suis désolée pour vous, grandir sans sa maman doit être une épreuve terrible.
— J'ai pas eu le choix, mais passons.
Je pose une main délicate sur sa joue pour aider à faire passer ce moment. Il embrasse mon poignet mais son regard démontre son affliction.
Je sais à quel point il est difficile de plonger dans les méandres du passé, je respecte le fait qu’il ne souhaite pas en dire plus. Cela me semble normal.
— Tout à l’heure, lorsque vous étiez dans la cage d’escalier alors que Judith était encore là, mes doigts se sont mis à briller, si au début j’ai cru qu’elle les avait vu, finalement non.
Si j’affirme cela c’est que je connais que trop bien le caractère de Judith et qu’il est certain qu’elle serait encore ici pour me poser des questions. Enfin, vu comment Jules l’a fait partir, pas sûre.
Il m'écoute, comme toujours, sans m'interrompre, je continue :
— Elle avait les yeux dessus, je ne sais pas comment elle n’aurait pas pu s’en rendre compte, vous pensez que nous sommes les seuls à être capable de les voir ?
— Eh bien, vu ce qu’vous me dites, j’ai envie d’vous dire oui. Et ça change tout !
Je lui demande s’il en a parlé à quelqu’un de son entourage, il me dit que oui, Rita, une femme qui vivrait chez lui et s’occuperait de la maison et celle qu'il considère comme sa famille, je m’en souviens. Je n’ai pas cherché à en savoir plus car j’ai une question qui me taraude l’esprit depuis un moment.
— Jules, pourquoi n’avez-vous pas répondu à Judith ?
— Pourquoi ? J'aurais dû le faire ?
— Non, ma vie ne la regarde en rien, mais vous n’avez pas un tempérament à laisser les choses glisser, je me trompe ?
— Ahah, non, vous vous trompez pas, c’est à cause de vous Kira.
— De moi ? Mais qu’ai-je fait ? m’exclamé-je par tant l’incompréhension qu’il m’accuse.
— Oui, de vous, vous avez rien fait, mais j’ai vu votre visage contrit. En rajouter m’aurait fait passer pour une personne jouissant de l’anxiété des autres, j’prétends pas être un type bien, mais ça, c'est pas moi.
Je me surprends à resserrer sa main par ce que j’entends. Même si Judith n’est pas un danger, c’était pour lui une manière de me protéger. Je me sens tout émue par son attention si délicate.
Au fil de la soirée, à chaque baiser, nos petites étoiles brillantes revenaient nous voir. Comme pour nous signifier quelque chose, mais quoi ? Nous sommes de moins en moins surpris de les voir apparaître, un jour peut-être, il sera devenu normal de partager ces moments avec elles, qui sait.
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