04.03.21|Vision du futur

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Trouver confort et satisfaction dans ce que l'on a déjà. Respirer cet air de paradis.

Ouais, c'est pas gagné. Parce que je me demande si, au final, ce n'est pas un peu faire une croix sur toute volonté d'évolution. Se laisser porter par le quotidien, se contenter de ses instants de bonheur, j'ai l'impression que c'est se livrer à une évolution naturelle qui n'emmène pas très loin, et que s'imposer des objectifs, même si je le vis souvent comme une violence, c'est la seule manière de grandir plus loin, plus efficacement, d'apprendre davantage. Même si l'on n'a pas atteint son idéal, on a gagné en expérience, on s'adapte, on change inévitablement. Comme diraient les coachs lifestyle, on sort de sa zone de confort. (hahaha, pardon :3)

Pourtant, bien qu'incapable de vivre entièrement dans le présent, je suis d'autant plus paralysée par le futur - mon esprit doit se situer quelque part entre les deux, une temporalité vacillante, une sorte de jamais et de nulle part, fusion de souvenirs et de fantasmes.

À l'heure où l'on me presse de choisir pour après, toute vision d'avenir se dérobe. Je ne visualise rien. Écran noir. Oui, je m'imagine demain, la semaine prochaine, dans un mois. J'envisage le futur proche et des idées globales, j'aimerais être plus cultivée sur tel ou tel sujet, j'aimerais mieux me comprendre, j'aimerais peut-être tomber amoureuse, un jour... Sympa, mais rien à voir avec les questions qu'on me pose, vous imaginez bien. Cet après - terme qui ne veut pas dire grand-chose, au passage - fait référence à la vie de quelqu'un d'autre. Un moi-futur avec qui je n'aurai peut-être rien en commun, et dont je ne peux pas garantir l'existence. C'est un peu bateau ce que je raconte, mais me demander ce que je veux faire dans trois ans et ce dont j'aurai l'air à ce moment, c'est me commander de dessiner le bout de l'univers.

Choisir pour cette personne, c'est une décision qu'on me refile parce que tout se prépare, et que c'est le monde dans lequel on vit, de toute façon. Je n'ai pas vraiment le choix, parce que partir vivre en ermite dans la forêt c'est pas vraiment mon truc, rentrer dans une secte non plus, et qu'à part ça, je ne connais pas beaucoup de manières d'échapper à ma réalité. J'aurais beau fermer les yeux et prétendre que si si, je peux vivre dans l'instant présent sans penser à après, ce serait me tirer une balle dans le pied. Ça va à l'encontre du système qui se base sur des cycles, une prévoyance - système que je ne condamne pas, d'ailleurs, on serait vachement embêté si tout le monde ne pensait qu'à sa gueule et qu'on négligeait les générations futures. Tout se casserait la figure.

Puis, je ne suis pas la plus à plaindre. L'éducation c'est une chance, et c'est important ! Je dirais même que c'est essentiel. En plus, j'adore apprendre, mais apprendre pour aller où ? Telle est LA question. Apprendre pour le plaisir d'apprendre, c'est fini depuis longtemps. Tout a une finalité, et chaque finalité sa répercussion. On se retrouve statue muette, paralysée, parce que tout a son impact et qu'on ne voudrait rien troubler, rien engendrer maintenant, on ne voudrait pas froisser l'enfance et sa simplicité.

Sauf que là, j'ai plus le choix. Je déteste être dramatique, mais je le vis comme un drame. Esquiver les questions aux repas de famille, tu veux faire quoi plus tard ? alors, l'orientation ? c'est facile, mais là on me fout des papiers entre les mains et y'a pas de case je ne sais pas, laissez-moi le temps. J'ai peur de me gourer, de faire les mauvais choix, de me fermer des portes, et même si quelques bonnes âmes m'ont rassurée sur le sujet en évoquant des réorientations possibles, je ne peux pas arrêter de penser que devoir passer ces années-là de ma vie cloîtrée - merci Corona - la tête dans les bouquins, les yeux tout secs devant mon ordi à essayer de me projeter - écran noir - c'est gâcher du temps précieux, c'est vivre dans une angoisse que je pourrais m'épargner. J'ai l'impression de vivre dans une bulle, que la vraie vie m'attend après. C'est frustrant parce qu'on est jamais satisfait, on se dit que le vrai bonheur viendra plus tard, on patiente sans grand espoir, un peu par dépit, surtout parce qu'on est bien obligé. L'attente perpétuelle, le temps qui file, les dates butoirs, les conversations jouées en boucle, les mêmes menaces, les heures à taffer des trucs abstraits...

En conclusion, s'ancrer dans le présent c'est difficile. Oui, voilà. Ce n'est pas l'envie qui manque mais plutôt l'occasion. Et plus je pousse la réflexion, plus elle amène à d'autres, tout est lié, tout se provoque et se contredit. Plus on croit comprendre plus on ne comprend rien. On cherche un refuge dans les écrits des autres, ceux qui eux-mêmes hasardaient les réflexions, on s'accroche à des citations, on tente de capturer des concepts en quelques phrases. On n'a que les mots pour penser. Alors on pense, émerveillé, transcendé par la profondeur de sa propre réflexion, ce qu'a déjà pensé une infinité d'Hommes avant nous.

Je m'égare. Pour poursuivre le fil de ma pensée, si vivre l'instant présent me semble aussi irréalisable, c'est peut-être aussi parce que j'en ai une mauvaise conception. L'insouciance n'est pas forcément synonyme de bonheur. Il doit y avoir un autre moyen.

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