Désenchanté

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Clic ! Clic ! Clic ! Clic ! CLIC ! « Eeet voilà, j'ai atteint mon quota pour la journée. Ben, il reste plus qu'à soumettre le tout au patron, maintenant. »

Cyrus relisait son texte, et selon lui, il n’y avait rien à modifier, c’était parfait. Cela faisait un bon moment qu'il travaillait dans la presse locale et il traitait divers sujets. Mais en trois ans, c’était l'une des rares fois où il était pleinement satisfait de son travail.

À présent qu’il avait fini de contempler son œuvre, le mouflon reculait et s’allongeait sur sa chaise. Certes, il a produit un bon texte mais il a dû chauffer sa matière grise. Finalement, il expira. En y réfléchissant, il aurait bien besoin d'une pause.

« Tu sais qu'à force de travailler comme un enragé, tu vas finir par perdre tes cornes. » Dit une voix moqueuse.

Cyrus tournait sa chaise et vit un berger allemand, en train de lui sourire, bienveillant. Et il fit de même.

- Peut-être bien, mais je préfère ça à un article écrit sans aucun le moindre effort.

- C’est clairement pas ton cas, donc tu devrais ralentir la cadence.

- Uniquement quand l’article sera approuvé et imprimé.

- Si tu veux... Sinon je nous ai pris des rafraîchissements, si ça te dérange pas ? Proposa le chien, en lui tenant une canette.

- Au contraire, c'est bien apprécié. Merci.

Le ruminant décapsula la canette et engloutit une partie de son contenu. Mine de rien, la rédaction de l’article avait pompé la moitié de son énergie.

- Sinon, de quoi parlait ta chronique aujourd’hui ?

- Oh, rien de spécial. Et toi ?

- Idem. Mis à part parler d’un festival sur la charcuterie et de la dernière rencontre sur deux équipes de foot du coin, c’est calme niveau reportage.

- Ah. J’imagine que c’est le patron qui doit faire la gueule.

- Ouaip, il m'a d'ailleurs retenu pour me demander de chercher des faits divers dans la région.

- Je vois ce qu'il veut faire, mais à quoi ça reviendrait vu qu'il y en a très peu ici ?

- Justement, je disais la même chose. Du coup, il m'a annoncé qu'il envisagerait de réduire nos déplacements. À croire, ce qui intéresse le lectorat, c’est vraiment les faits divers.

- C'est malheureux à dire, mais c'est un peu ça.

Le chien s'apprêtait à enchaîner, quand il se fit couper par une daine, qui les salua, enjouée : « Salut les garçons.

-Salut Judith, répondirent les garçons.

-Dis, Cyrus, tu es au milieu d’une conversation importante ou pas du tout ?

-Non, pas vraiment. »

Tous deux se regardaient, et redoutaient qu’elle allât être la prochaine réplique, car ils savaient qu’elle pouvait être la réponse de l'autre.

- D'accord, du coup, je me demandais…

- Oui ?

- Si tu voudrais venir—

- Non.

- Attends, je t'ai pas même posée la question.

- Précisément. Mais vu que j’ai une idée de la question, je te donne déjà la réponse.

- Oh, je t'en prie, ça fait presque un an que je suis ici. Tu aurais pu faire un p’tit effort depuis.

- J'aurais pu, oui, mais seulement si tu n'avais pas été aussi bornée. Donc je te le répète, même si je sais que ça ne changera rien : je ne sortirai pas avec toi.

Savant qu’elle n’allait pas gagner cette bataille, elle se résignait, froide : « Parle toujours, j'ai pas dit mon dernier mot ! » En la regardant partir, il soupira, agacé : « Bordel, ce qu'elle peut être chiante !

- Ça ne serait pas plus simple d'accepter son invitation, non ?

- Quoi ? Attends une... Franchement, Éric, depuis le temps, il me semblait que c'était évident, non ?

- Quoi, que tu joues les indifférents, à chaque fois qu'elle te demande si tu veux sortir avec elle ?

- Mais non ! Le truc à comprendre, c'est que je ne suis pas intéressé, bordel !

- Vraiment ? T'es plutôt dur, elle est mignonne, non ?

- Heureusement pour toi qu’Iris ne t’entend pas, souligna Cyrus, amusé.

- Écoute, elle dit la même chose de toi.

- Ah, première nouvelle.

- N'empêche, tu es vraiment dur avec elle.

- Simplement parce que ce n'est pas mon genre de filles. Et visiblement, elle a toujours pas compris.

- D'accord, Judy n'est pas ton genre. Soit. Mais ce n’est pas une raison pour refouler le monde entier.

- Attends, qu'est-ce que tu insinues, là ?

- Ce que j’insinue ?! Cyrus, ça fait pratiquement quatre ans que t'es célibataire. Et à chaque fois que j'entends parler de toi, c'est pour entendre que tu as repoussé quelqu'un qui voulait simplement te parler. Donc cette fois-ci, je te le demande pour que je comprenne bien : pourquoi fais-tu cela ? »

En posant cette question, Éric savait qu'il avait touché un point sensible, et que la riposte risquait d’être violente. Pourtant, Cyrus ne se lassait pas démonter. Il finissait de vider sa canette qu'il écrasait avec sa patte, puis soupira avant de redevenir silencieux.

- Tu veux vraiment savoir pourquoi ? Eh bien, c'est très simple, c'est que je m'y crois plus ! À chaque fois, je pense avoir trouvé la perle rare. À chaque fois, je rends compte que j'avais tort. Moi qui avais des idées plein la tête. Aujourd’hui, je suis juste frustré et fatigué. Et tout ça parce que j'osais me projeter dans le futur ?!

- Cyrus, désolé si je me répète, c'est que tu es allé trop vite.

- Justement, c'est ça le problème ! À quoi ça sert de s’investir dans un couple si tout finit par éclater sur un coup de tête ? Et bien en quatre ans de célibat, je n’ai toujours pas trouvé la réponse. Et honnêtement, ça m'est bien égal. Car aujourd'hui, je suis arrivé à saturation, et personne ne pourra y changer. Alors Éric, tu as beau avoir femme, enfants et consort, et dire que l’amour est le plus beau des sentiments. Et ben moi, je le clame et fort : il est purement et simplement le pire. Et là-dessus, tu ne me feras pas changer d'avis.

Sa tirade terminée, Cyrus soupira en mettant ses mains sur son visage. Certes, il était soulagé d'avoir vidé son sac, mais il était surtout exaspéré d'avoir de nouveau abordé ce terrain houleux. Ainsi, le mouflon s'empressait de changer de sujet : « Sinon, tu viendras à la fête ce soir ?

- Ça risque pas, je dois amener mes gamins pour leur match, en fin de journée.

- Ah oui, c'est vrai qu’on est mercredi, aujourd’hui.

- Bah oui. Attends, tu ne pensais quand même pas que j'allais manquer le match de mes gamins pour partir en virée avec toi ?

- Non, quand même pas. Je pensais qu’il y aurait quelqu’un du bureau pour m’accompagner, mais visiblement, je devrais faire sans.

- Parce que tu vas aller à cette soirée ?

- Oui, mais pas pour faire ce que tu penses.

- Ah ! Et tu vas faire quoi alors ?

- Bouffer et me bourrer la gueule.

- Haha, chouette programme. »

Face à cette moquerie, Cyrus haussait les épaules. Pour lui, sa réponse était banale, car n'importe qui aurait fait la même chose. Cependant, une chose était sûre pour le mouflon : qu'importe ce qui se produirait dans sa vie, l’amour n’existait plus à ses yeux. Mais ce qu'il ignorait, c’est qu’il allait bientôt revenir sur sa parole.

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