Viviane & Olga

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(2022 - Réalité : Viviane & Olga)

 Blanc. Symbole à la fois de pureté et de vide. Symbole d'un néant aux allures idylliques. C'est la couleur de cette peinture qui recouvre les murs d'un immense couloir fraîchement rénové, remplaçant les décombres et les cendres du grand incendie. Elle est là, à deux pas de la cellule du sujet de référence. À côté de la porte, sur une chaise, s'est endormi le garde qui contrôle les visites d'Olga. Viviane, la secrétaire de Van Oaken, se glisse alors dans la chambre sans faire de bruit, profitant de cette opportunité ; peut-être sa seule et unique chance.

  — Olga ! murmure-t-elle. Olga c'est moi, Viviane. Je sais que tu ne peux plus me voir, mais tu me reconnais, même après toutes ces années ?

 Olga est affaiblie, chevilles, poignets et cou ligotés, la peau et les cheveux vieillis et abîmés, les yeux mutilés.

  — Viviane ? Viviane aide-moi, répond-elle d'une voix épuisée.

  — Je suis là pour ça. Je vais te faire sortir. Mais il faut que je t'explique deux ou trois choses avant. Des vies sont toujours en jeu.

  — Tout ce que tu veux Viviane.

  — Il faut qu'on fasse vite alors je ne vais pas épiloguer.

 Elle fait demi-tour et regarde par la lucarne de la porte si le garde dort toujours, puis elle s'installe au chevet d'Olga.

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 Bon. Quand tu as eu ton accident il y a treize ans, c'est moi qui étais en charge de l’enquête. J'étais le shérif O'Neill. Tu donnais des cours de piano à ma fille, Jessie. Bref. On a très peu progressé, car aucune preuve concrète n'a pu être exploitée. On a attendu deux ans avant que des experts d'une société privée inspectent ton dossier. Il en on déduit que tu devrais être morte, le tribunal a prononcé ton décès et j'ai du l'annoncé à ton mari et à ta fille Jade. Pour combler cette horrible journée, quand je suis rentrée chez moi, plus de traces de ma fille ni de son correspondant français. Elle ne pouvait pas être chez ma mère puisqu'elle est décédée quelques mois auparavant. Dans les jours qui ont suivi, j'ai dû commencer le rangement de mon appartement et remettre en ordre la chambre de Jessie. Puis je me suis rappelé qu'elle laissait toujours son ordinateur allumé et branché. Cela la rassurait, elle savait qu'en cas de besoin, cela pourrait lui sauver la vie. Je suis allé voir ce qu'elle y avait fait pour la dernière fois et j'ai trouvé une photo prise par webcam où je les vois eux deux, avec cet homme en noir qui était en train de les enlever. C'est cette photo qui fait que je suis là ici.

 En effet, sur la veste de ce malfaiteur étaient imprimées les lettres V et O. La même typographie que celle de la société qui t'a déclarée morte. C'est alors que la meilleure et la pire des intuitions de ma carrière me traversa l'esprit. Et si les ''VO'' étaient à l'origine de ta disparition, qu'ils avaient certifié ton décès et qu'ils avaient enlevé ma fille ? Et s'il s'agissait de plus ? De quelque chose de plus grand ? Comment expliquer un tel taux de morts et de disparu à Cedar Valley depuis plusieurs années ?

 Alors j'ai démissionné et j'ai enquêté à titre personnel sans que personne ne le sache. Et puis, des années après, un élément m'a sauté aux yeux. Tout le monde connaissait l'histoire de cet ancien asile désinfecté sur les hauteurs, dans la forêt de cèdres. Un endroit trop sécurisé pour avoir été observé. Mais le plus perturbant, c'est qu'il n'y a aucune trace de cet établissement sur les prises de vues aériennes de Google Earth. C'est là que je devais aller.

 À l'entrée de la clôture de sécurité, deux gardes m'ont interrogée puis j'ai rencontré Ulrich Van Oaken. Cet homme avait le caractère du parfait psychopathe. Je n'avais plus aucun doute sur le fait qu'il était derrière tout ça. Je savais pertinemment qu'il savait que j'étais l'ancien shérif. J'ai dû passer de nombreux tests pour le convaincre de ma sincérité, afin de pouvoir travailler pour lui, lui faisant croire en ma volonté de détruire le monde et de me joindre à sa création apocalyptique. C'est ainsi que je suis devenue sa secrétaire. Je lui apportais ses cafés, rangeais les papiers et m'occupais de temps à autre de la maintenance. Et la maintenance, cela sous-entend les systèmes de vidéo-surveillances.

 Et c'est grâce à cela que je t'ai vu. Toi et toute ta famille. J'ai alors creusé pour savoir ce qu'ils allaient faire de vous et j'ai trouvé ce dossier sur les rêves en réseau, la parentalité, les inconsciences. Je savais qu'ils allaient formater ta famille et je me doutais que toi, en temps que sujet de référence, tu allais essayer de les aider. Je t'ai alors épaulé. Ce jour-là, j'étais avec toi tout du long.

 Ayant accès au réseau informatique, je me suis détaché lors de leur réunion pour aller faire le café de Van Oaken, mais aussi et surtout pour glisser des indices dans les rêves des tiens, pour qu'ils comprennent qu'il s'agit d'un rêve et que, de façon lucide, ils puissent agir de leur plein gré. Quand George et Jade sont venus il y a onze ans dans mon bureau de shérif, j'avais remarqué que le crâne de cheval accroché au mur avait attiré leur attention. Je l'ai alors glissé dans leurs rêves. Pour Eleanor et Owen, c'était ce grand carrefour avec ce pont, là même où il y a treize ans je leur ai fait faire une descente en rappel qui les avait marqués. Pour toi, j'avais tout essayé, mais l'accès à ton profil était sécurisé par un programme à part.

 Mais ce même jour il y avait aussi ma fille Jessie et son correspondant Armand. Quel bonheur et quelle surprise de les revoir après tant d'années. Une fois de plus c'était un coup d'Ulrich. Ils les avaient certainement mis là pour me tester par rapport à mon passé de flic. Ce fut très dur, mais je n'ai rien fait pour eux, car je savais que cela me laisserait la chance de les revoir. Ce jour-là ils se sont infligé de très graves blessures, mais aujourd'hui ils sont toujours en vie. Je sais que George, Eleanor, Owen et Jade n'ont pas eu la même chance et que tu peux m'en vouloir d'avoir essayé de les aider pour qu'au final il fasse ce qu'ils ont fait, mais je suis venue te demander une faveur en échange de ta libération. Il faudra que tu t'arranges pour ne pas m'impliquer lorsque tu raconteras ton histoire, ce qui, je le sais, arrivera. Entre les interrogatoires de police et la presse... Il faut que tu dises que tu as réussi à t'échapper seule. En disant cela, personne ne se doutera que je suis impliquée dans ta libération et ma fille restera en vie ainsi que le jeune Armand. Tout n'est pas vain. Tu peux encore sauver du monde. Au moins ma famille. Tu le peux. Mais pour cela il faut que tu m'écartes de tous soupçons. Ulrich est puissant. Qui sait le nombre de taupes qu'il dissimule dans Cedar Valley ?

 Je vais te guider avec cette oreillette. Tiens, je te l'installe. Je m'occupe du système de surveillance. J'ai déjà enregistré une séquence pour qu'il me croie dans mon bureau actuellement donc je suis couverte. Pour ce qui est des gardes de la clôture, je m'en occupe. Quand tu seras passée, il faudra que tu fasses disparaître cette oreillette. Avale-la. Au moins jamais ils ne la retrouveront. Il ne te restera qu'à courir toujours tout droit.

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  Cela fait beaucoup d'informations, mais cet échange n'aura duré que quelques minutes.

  — Olga tu es prête ? C'est le grand jour pour toi.

 Viviane finit de la détacher, vérifie une dernière fois que l'oreillette est bien en place et qu'elle fonctionne, puis elle demande à nouveau :

  — Ça va aller ?

  — Oui, je crois, répond-elle à voix basse, émue. Merci. Merci beaucoup.

 Viviane s'assure que le garde est toujours assoupi, puis elle ouvre la porte. Elle tient Olga par la main, la guide ; puis la place devant une porte.

  — C'est ici que notre chemin se sépare. Soit prudente. Bonne chance Olga !

  — Merci Viviane, souffle-t-elle, déjà épuisée.

 Ainsi, Viviane regagne son bureau et communique les informations à Olga sur le chemin à prendre pour sa liberté. Très vite le garde se sera aperçu de la disparition du sujet de référence et aura déclenché le signal d'alerte. Viviane aura interrompu la conversation avec Olga, aura repositionné les caméras de surveillance et aura trafiqué les enregistrements pour que rien ne se remarque.

 Olga arrivera non sans peine à rejoindre la route et sera conduite par Sean à l'hôpital de Cedar Valley.

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