Quand on la trouva froide et raide à l'entrée de la nef ce matin-là, ses lèvres si séduisantes écumaient de bave. On ne crut pas un instant au suicide. Il n'y avait pas de corde, ou quoique ce soit qui fasse penser à une mort choisie, mais il n'y avait pas de traces de violence non plus. Ni sur son cou, ni sur ses bras, ni sur ses jambes.

Ses formes généreuses offraient un beau spectacle. Une grosse Blanche-neige en robe crème étendue sur le sol, le buste légèrement tordu, sa chevelure noire éparse sur la pierre de taille usée par le temps.

On penchait pour le poison du côté du bureau des enquêteurs, mais qui aurait voulu se débarrasser d'une jeune femme solaire, charmante, qui rayonnait de tous les pores de sa peau, et dont un seul sourire faisait rendre les armes à une assemblée entière ? Elle était la guide préférée de l’abbaye de S.

Qui sait ? Peut-être que son succès dérangeait ? Mais son poste, bien qu'important lui rapportait du prestige et peu d'argent, et elle avait peu de concurrents. Personne n'avait envie de rester des années à S. Surtout s'ils étaient jeunes, ambitieux avec tout un avenir devant eux !

On lui chercha des amoureux, des prétendants. Après tout, c'était une jolie jeune femme, qui pouvait éveiller le désir sain, mais aussi malsain. Il y avait tant de prédateurs qui courraient dans les rues, mon expérience d'enquêteur me l’avait appris ces dernières années…

Étrangement, on ne lui trouva aucun amour ou aventure. On interrogea quelques jeunes hommes, qui s'étaient montrés pressants, ou qu'on avait vu en sa compagnie. Chaque fois, ils disaient qu'elle était trop belle, trop pure pour eux, et qu'elle avait toujours réussi à les convaincre de ne pas poursuivre leur vaine quête. Elle était promise à dieu leur avait-elle dit. Comme les discours des différents hommes concordaient, les soupçons que j'avais émis sur l'un d'entre eux tombèrent aussi. Qu'avait-il pu lui arriver ?

Était-elle en effet une 'folle de dieu' ? On me la décrivait comme une sainte Vierge, ou une illuminée de la foi chrétienne. Elle avait pu aussi éveiller la jalousie d'autres femmes éprises des hommes, qui lui courraient après, mais même cette hypothèse tomba à l'eau. Toutes les femmes que je rencontrai, qui avaient pu la connaître ou la jalouser ne parlaient d'elle qu'en termes dithyrambiques. A croire qu'on venait de perdre une deuxième sainte vierge !

On chercha du côté médecine. Peut-être avait-elle eu un souffle au cœur, une maladie rare, était-elle sujette à des crises d'épilepsie ? Même cette hypothèse tomba à l'eau. La technicienne médecin, en dépit de toutes ses recherches et bilans médicaux ne trouva rien, qui puisse faire penser à un décès lié à une maladie, un vice caché, etc. Cette jeune femme décédée était une vraie énigme.

Quand je fouillais avec plus d'attention sa chambre, je trouvais une pile de livres religieux anciens, avec de belles reliures, et des pages parcheminées. On voyait qu'ils avaient été parcourus, qu’ils n'étaient pas là pour faire joli. Est-ce qu'elle avait ingéré un produit nocif en tournant les pages ? J'avais le syndrome du Nom de la rose. Non, la technicienne n'avait pas trouvé de trace de poison, de cyanure ou de quelque poison naturel. (Digitale, ciguë, etc )

Finalement, c'est une lettre dans son petit bazar - elle était pieuse, mais pas une ménagère maniaque du tout- qui retint mon attention. C'était la troisième réponse négative, à ce que je compris d'un couvent, qu'elle avait sollicité. Elle voulait vraiment devenir nonne, mais on le lui refusait. Pour d'absconses raisons : vous êtes trop belle, vous êtes trop jeune, attendez un peu, mariez-vous, vous vous attireriez les foudres ou les concupiscences des moines et nonnes, etc.

Allais-je devoir faire remonter l'hypothèse du suicide ? Elle n'avait pourtant manifesté aucune baisse d'humeur, de dépression ces dernières semaines, et si elle était pieuse, le suicide n'était pas une option.

Peut-être devais je interroger sa famille, voir ses antécédents familiaux, mais à nouveau, je fis chou blanc. Elle n'avait quasiment pas de famille, ou alors peut-être en Slovénie. Elle avait été élevée en partie à l'orphelinat, en partie dans une famille d'accueil, mais son dossier ne relevait pas d'abus particuliers non plus, et la famille questionnée ne tarissait pas d'éloges sur cette enfant, puis cette jeune fille. C'était une nouvelle Marie. Elle s'appelait d'ailleurs Marie.

Depuis le temps, que j'enquêtais sur cette affaire, maintenant plusieurs semaines s'étaient écoulées, j'allais refermer ce dossier comme étant un dossier froid, quand un détail m'interpella. Sa logeuse m'avait dit que toute parfaite qu'elle fusse, à part le ménage, elle avait quand même un petit défaut. C'était une gourmande ! Elle l'avait vu se gaver de glace à la crème, et elle était obligée de lui dire de bien mettre à la poubelle ces bacs blancs, qu'elle retrouvait partout, même dans le jardin. On en avait même trouvé dans l'abbaye. Chut ! Ne le répétez pas !

Le mystère se résolut, lorsqu'en lui ouvrant la bouche, si belle que la technicienne médecin n'avait pas voulu la toucher, on trouva quelques perles de chapelet. En priant, son chapelet avait dû se briser et quelques perles étaient aller se perdre dans son bac de glace. Une des perles avait fait fausse route, et elle s'était étouffée avec. Glace à la crème et perles de chapelet, ça, c'était inattendu !

G

Glace à la crème et perles de chapelet, ça c'était inattendu

J

a crème et perles de chapelet, ça c'était inattendu

chapelet. En priant, elle avait dû manger de la glace, et s'étouffer avec une des perles du chapelet, qui s'étai

Glace à la crème et perles de chapelet, ça c'était inattendu !