Chapitre 19 - Azzoureau

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Mas-de-laine nous annonce une grosse journée de marche, au moins huit heures mais vu le nombre que nous sommes désormais, ce pourrait bien être plus. Il y a tellement de personnes dans la villa qu'une partie doit rester en dehors de la propriété. Tous veulent voir Skaross qui se fait attendre. Il finit par sortir sur le plus imposant balcon :

— Merci à tous d'être venus ! Je suis Skaross, fils de Sokars. Deltricien vous a menti, je n'ai pas tué mon père. C'est lui qui l'a sauvagement assassiné afin de me faire accuser et prendre ainsi le pouvoir. J'entends comme nombre d'entre vous sont malmenés par les taxes de plus en plus lourdes et sont effrayés par le monstre qui ravage les côtes de notre beau pays.

La foule crie le nom de leur prince puis chacun se met en branle pour suivre leur nouveau chef. Nous devons être quatre à cinq cents désormais dont une centaine de soldats venus de la base militaire la plus proche avec armes et chevaux.

J'ai l'impression de me trouver dans un film, voir de vraies épées de chevaliers et des masses n'a rien à voir avec les jouets que j'ai pu avoir étant petit. L'un d'eux accepte de m'en prêter une et j'ai beaucoup de mal à la tenir, alors je ne vois pas comment je pourrais frapper avec.

Je me cogne contre quelqu'un. Ce dernier se retourne et me lance énervé :

— Hé ! Fais attention nabot !

C'est le rouquin qui n'arrête pas de coller Chloé. Il sourit en me prenant de haut, il doit bien faire une tête de plus que moi. Je vois Chloé derrière, plutôt mal à l'aise. J'en suis soulagé. Pourtant, ce sentiment est de courte durée puisqu'il l'attrape par le bras et elle le suit pour repartir vers l'avant de la colonne. Je l'aime de moins en moins ce type.

Alors que le soleil brille haut dans le ciel, nous arrivons sur le chemin cotier qui permet de contourner les Rocheuses bien trop escarpées. Chacun est sur le qui-vive, la créature marine pourrait surgir à n'importe quel moment.

D'un coup, je vois Chloé tanguer, puis se tenir la tête entre les mains. Bleu-haie l'empêche de tomber alors que celui qui doit être son frère continue tout en parlant avec un camarade. Je me précipite vers mon amie qui chancèle à nouveau.

— Chloé ?!

— J'ai mal. Je sens... Je sens un appel là, en dessous de nous. Je...

Elle se dirige vers le bord de la falaise.

— Ici ! s'écrie-t-elle en pointant un amas de rochers entouré d'écume.

Le convoi humain continue sa route. On se fait bousculer.

— Il faut repartir, supplie Bleue-haie, angoissée à l'idée de voir surgir le monstre.

— Non, l'appel est de plus en plus fort. Je dois descendre.

Bleue-haie rejoint le convoi, elle a trop peur de rester en arrière et de se faire dévorer par le monstre.

Je distingue un petit escalier taillé dans la roche, je propose à Chloé de me suivre. Je me place devant, au cas où elle perdrai l'équilibre afin de pouvoir la rattraper. Nous descendons très lentement, concentré à poser nos pieds afin de pouvoir garder un maximum de stabilité. Arrivés près de l'eau, nous n'entendons presque plus les bruits de nos compagnons, sauf Orangeade qui vibre au-dessus de nous. Je perçois aussi la présence de Lisa plus haut, elle a choisi de nous attendre.

Chloé s'appuie de tout son poids sur moi, les élancements deviennent de plus en plus douloureux. Elle met un pied dans l'eau. J'ai envie de lui faire confiance mais j'avoue que ce n'est pas facile. Je m'accroche à l'idée que son pouvoir l'appelle.

Soudain, une vague d'écumes fond sur nous. Là, je panique. Nous glissons sur les rochers pour nous retrouver les fesses dans l'eau. La vague est très proche. Trop proche !

J'essaie de reculer mais mon corps est paralysé. J'ai envie de hurler mais aucun son ne sort.

— Il vient en ami !

— Comment ? Tu...

— Ne t'inquiète pas, je le sens.

— Je veux te faire confiance, Lisa, mais là, j'ai carrément la trouille !

Malgré tout, ma terreur se transforme en peur ce qui est nettement plus supportable. Je remercie mentalement mon amie. Chloé est aggrippée à moi, tétanisée.

Une tête immense émerge de l'eau : une gueule affinée pourvue de deux longues moustaches écailleuses et d'yeux vert comme la pierre de jade nous surplombe.

Un dragon d'eau, souffle Lisa dans ma tête. Je n'en ai vu qu'une fois, ils sont très rares par chez nous.

— VENIR EN AMI. AZZOUREAU ET TOI, PETITE FILLE ?

Malgré sa peur, Chloé ne peut s'empêcher de s'exclamer :

— Je ne suis pas petite !

À sa place je n'aurais pas osé. Elle m'impressionne !

— QUI ?

— Je suis Chloé.

— CHLOE, LA PITIE APPELLE ; TOI VENIR. MOI AIDER.

— Ou veux-tu m'emmener ? Qui est la Pitie ?

Elle ne semble plus avoir peur du tout, pourtant moi je ne suis pas rassuré alors que j'ai une amie dragon. Mais Météora est un dragon de feu, ceux d'eau sont peut-être complètement différents. Je préfère rester méfiant. Mon amie est vraiment courageuse, je crois que je suis encore plus amoureux.

— AU FOND.

— De l'eau ?!

— MOI AIDER.

Il ouvre la gueule, une algue est coincée entre son incisive et sa canine.

— PRENDS.

Chloé s'exécute.

— COUVRIR BOUCHE.

Elle hésite mais face à ce géant des mers, elle plie et pose l'algue sur son visage. Aussitôt la plante se gonfle pour former une poche d'air.

— SOUS L'EAU, RESPIRER ASSEZ LONGTEMPS POUR CHERCHER PITIE.

J'ose.

— Et moi ?

— PAS APPELÉ, ATTENDRE.

Je vois Chloé disparaître petit à petit sous l'eau, se placer sous la tête d'Azzoureau et attraper ses sortes de moustaches avant de disparaître dans l'immensité bleue. L'attente est interminable.

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