Chapitre 23 - Deltricien

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Les deux jours suivants, les adultes sont surchargés de travail : entre les rebellions de certains nobles qui soutenaient Deltricien, le peuple à rassurer, les urgences diverses et variées. Avec Chloé, on a plus l'impression de gêner qu'autre chose, alors nous décidons de passer nos journées en forêt avec Lisa. Elle nous fait découvrir la faune et la flore locales, des coins extraordinaires comme cette gigantesque cascade aux reflets violets où nous plongeons avec délice, ou un amas de buissons couverts de baies juteuses dont nous raffolons. Une cuisinière du palais nous a proposé de faire des confitures alors nous faisons la compétition pour savoir qui en rapportera le plus.

Autant pour mes amis, ces jours sont synonymes d'épuisement et de stress intense, autant pour Chloé et moi, ce sont des moments inoubliables à discuter de tout et de rien.

Au matin du troisième jour, il règne une ambiance des plus étrange : un mélange de tension silencieuse et de frénésie, en vue de l'exécution de Deltricien.

Dans mon monde, la peine de mort est interdite. Je n'ose imaginer à quoi cela doit ressembler. Je passe la matinée à hésiter entre me réfugier auprès de la cascade et assumer ce à quoi j'ai participé depuis mon retour ici. Je toque à la porte de Chloé :

— Je te dérange ?

— Non, répond-elle d'une petite voix.

— Tu... Tu as déjà vu une exécution ?

— Non, c'est interdit chez nous même si ça existe encore dans d'autres pays. Et chez toi ?

— Pareil.

Elle ajoute, mal à l'aise :

— Je sais que Deltricien a fait beaucoup de mal... mais...

Je la vois chercher ses mots, emmêler ses doigts avec nervosité. Je crois que nous ressentons la même chose alors j'ose terminer sa phrase :

— Mais assister à sa mort te gêne.

— Exactement ! Je n'ai pas envie de le voir mourir, dit-elle en baissant les yeux.

— Même si on sait qu'il a fait des choses horribles.

Nous soufflons au même moment. On se regarde, et, étrangement cela nous fait rire. Une fois calmés, je lui expose ce qui me semble être juste :

— Je crois... Je crois que je dois y être. J'ai décidé d'aider Skaross et mes amis alors ce serait lâche de fuir au moment où ça devient difficile pour moi.

Un silence envahit la pièce. Elle est en train de réfléchir.

— Tu as raison. Tu... Tu voudras bien rester près de moi, s'il te plaît ?

Je la serre dans mes bras :

— Bien sûr !

La cloche du déjeuner résonne. Nous descendons et arrivons bon derniers. Malgré mon ventre gargouillant, je n'avale presque rien. Je me rends compte que le repas est particulièrement silencieux. La gravité de la situation pèse sur chacun d'entre nous. Je me sens encore plus en devoir d'être là pour soutenir mes amis.

À peine le déjeuner terminé, nous nous dirigeons vers l'extérieur du palais, aux abords d'une grande place munie d'une estrade avec, en son centre, une grande structure en bois où trônent deux énormes haches étincelantes. Nous devons nous asseoir sur des gradins face à une foule d'habitants venue constater la fin de leur calvaire.

Certains commencent à s'exciter :

— À mort tyran ! Tu n'as que ce que tu mérites !

— J'espère que tu vas souffrir !!

Je vois Skaross se lever et proclamer, sévère :

— Assez ! Deltricien a été jugé et sera condamné pour ce qu'il a fait à mon père et ancien souverain et pour ce qu'il a fait subir aux gens de Tenhyou. Cependant, je punirai durement tout manque de respect ou de tenue pour les derniers instants du condamné à mort.

Après cela, plus personne n'ose prendre la parole. Et tant mieux, cela me mettait mal à l'aise.

Le tyran déchu arrive, encadré de plusieurs gardes à la carrure impressionnante. On l'installe à genoux sous la structure de bois puis Skaross prend la parole :

— L'heure de la sentence a sonné !

Aussitôt, une corde est détachée et les deux haches glissent à toute vitesse vers le cou de Deltricien qui se détache dans une gerbe de sang. Je sens la main de Chloé écraser la mienne mais, courageux, nous regardons les derniers instants de cet homme qui a fait souffrir tant de gens.

Lorsque la tête atterrit dans le panier déposé par terre, la foule hurle :

— Skaross ! Skaross ! Longue vie à notre roi !

Puis, peu à peu, chacun quitte la place, le corps est emmené pour être brûlé et nous rentrons au château. Tout est désormais étrangement calme.

Une fois seul dans ma chambre, j'attrape une bassine qui traîne dans un coin et ressort mon déjeuner accompagné de bile.

Je repense à papa qui a affronté plusieurs jeunes qui agressaient une vieille dame, il n'a pas lâché et a été courageux jusqu'au bout.

Je suis rester jusqu'au bout.

Je n'ai pas lâché.

Je suis fier de moi.

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