3. Les nouveaux visages de la science-fiction

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3. Les nouveaux visages de la science-fiction

Avec le succès critique de 2001, A Space Odyssey, c’est toute la science-fiction qui est transformée. À partir des années 70, elle n’est plus considérée comme un genre destiné aux adolescents. Les studios surenchérissent financièrement dans les films du genre. Ils engagent des acteurs appréciés du public. Lorsque ce n’est pas le cas, il n’est pas rare de voir un film de science-fiction devenir la principale "carte de visite" d’un jeune acteur comme ce fut le cas d’Arnold Schwarzenegger ou celui de Mel Gibson. Quant au succès des films de science-fiction, sur les trente dernières années, il dépasse, sur le long terme, celui des films des autres genres.

Aux États-Unis, le cinéma est une industrie au même titre que l’automobile ou la pétrochimie. En 2003, le magazine Studio[1] a démontré que 16 des plus gros succès du Top 20 du box-office de tous les temps avaient été produits entre 1990 et 2003. Le recoupement des différents chiffres donnés par Variety, Le Film Français et Studio magazine de septembre 2003 montre que 50 films se distinguent en dépassant les 100 millions de dollars de recette sur le territoire américain[2]. Parmi ces films, 29 sont des films de science-fiction. Soit plus de la moitié de la liste. La science-fiction intéresse-t-elle particulièrement le public américain ?

Les présences de Titanic (1997), de James Cameron, à la première place du classement, de Forest Gump (1994), de Robert Zemeckis, et d’autres films à vocation familiale qui n’ont rien à voir avec la science-fiction indiquent que le spectateur n’est pas forcément en demande du genre. En revanche, la présence d’effets spéciaux, toujours plus puissants, peut expliquer cet intérêt, mais cela ne suffit pas. Ce qui pourrait favoriser la réussite financière de ces films, c’est la différenciation avec la production télévisuelle américaine. Sur ces 50 films, 46 ont dix ans et moins, et 34 sont postérieurs à 1999.

Dans les années 90, la télévision se partageait entre jeux, variétés, et séries. Ces dernières ne résisteront pas, durant cette décennie, à l’arrivée de la télé réalité. Le regain du public pour le cinéma est, en partie, le résultat de sa lassitude face à la programmation télévisuelle. Il est à parier qu'au cours de la prochaine décennie, il reviendra vers l’un ou l’autre de ces programmes télévisuels si ceux-ci parviennent à se renouveler. De même, ce classement évoqué ci-dessus connaîtra sans doute des bouleversements majeurs au cours des années 2010 et des décennies suivantes, mais parions encore que la science-fiction y sera très présente.

Le cinéma américain est considéré comme une industrie. Tout est fait pour que celle-ci soit rentable et compétitive. Contrairement à la France, la publicité télévisuelle pour un long métrage est autorisée en dehors des émissions consacrées au cinéma, et les grands studios sont compétitifs dans ce domaine. Le budget publicitaire est proportionnel au budget du film proprement dit (entre 10% et 15% de ce budget). Les affichages des façades de buildings sont une autre forme de publicité. Ces derniers sont utilisés comme supports de publicité. N’oublions pas les shows dans lesquels les réalisateurs et les acteurs promotionnent leurs films, parfois d’une manière qui est loin de la promotion publicitaire que nous, français, connaissons (participation à des shows comiques, interviews "mise à nu" ou intrusives : Muppet Show, Saturday Night Show, …). La presse reste un support privilégié, ainsi qu’Internet.

La stratégie des grands studios américain relève de la stratégie guerrière autant les uns envers les autres que tous ensemble contre les marchés étrangers, mais tout cela reste relatif comme l’écrit Vincent Le Leurch dans son article Les Maîtres de Hollywood : « Plus vite, plus grand, plus promotionnel ».

Envoyer un maximum de personnes dans les salles obscures, c’est s’assurer des bénéfices sur tout ce qui peut s’y vendre, du billet d’entrée au pop-corn, en passant par les glaces, les bonbons et les boissons pour passer un bon moment. Ce qui conduira le spectateur, aussitôt sorti de la salle, à se jeter sur la presse, sur le CD de la bande originale du film qu’il vient de voir, sur les jeux vidéo, sur les cartes à gratter et autres produits dérivés. Ajoutons à cela le plus important, l’achat du DVD ou de l'accès à une plateforme pour visionner à nouveau le film, ainsi que le coût de la plage publicité, lors des passages à la télévision, qui dépend du succès du film.

Jusqu’à ces cinq dernières années environ, Hollywood ne s’était pas inquiété des soubresauts du cinéma européen, considéré comme un territoire conquis. La cité du cinéma s’est seulement contentée de jouer les sirènes auprès de réalisateurs européens comme les frères Scott, Terry Gilliam, Luc Besson, Jean-Pierre Jeunet et bien d’autres encore. Les producteurs américains ont, depuis, compris la « leçon française de 2001 » que le cinéma français leur a donnée. Ils avaient alors vu triompher des films nationaux aux quatre premières places du box-office français : Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001), de Jean-Pierre Jeunet, La Vérité si je mens 2 (2000), de Thomas Gilou, Le Placard (2000), de Francis Weber et Le Pacte des Loups (2001), de Christophe Gans. Un nombre important de films français avaient également su trouver leur public cette année-là : Le Petit Poucet (2001), d’Olivier Dahan, Une Hirondelle a fait le printemps (2001), de Christian Carion, Vidocq (2001) de Pitof, Belphégor (2001), de Jean-Paul Salomé ou Un Crime au Paradis (2000), de Jean Becker. Le cinéma français occupait 42 % de part de marché et les films étrangers (hors US), 8%, ce qui ne laissait plus que 50 % des parts au cinéma américain, contre 68 % en 2000 et 59 % en 2002. Cela peut nous sembler bien peu, mais cela reste un manque à gagner pour les producteurs américains qui pourrait ne pas être sans conséquences par la suite. 

En 2003, la présence de superproductions américaines et l’absence de réels rivaux nationaux, ou même européens, sur le territoire français obligent à constater que la stratégie hollywoodienne fonctionne parfaitement. Mais il y a, pour les scénaristes américains, un prix à payer : celui de la créativité.

Mais revenons une dernière fois à la vitalité du cinéma américain : 2001 a été l’année de tous les dangers pour les États-Unis. Plus largement, la stratégie guerrière des studios hollywoodiens s’inscrit, depuis les événements de septembre 2001, dans la politique nationale du pays. Malgré tout, c’est le public qui choisit ce qu’il va voir en salle.

On peut railler une stratégie qui privilégie la certitude des suites et la préfère aux risques de la créativité. On peut aussi sourire de l’appartenance, à un moment ou à un autre[3], de cinq des sept plus grands studios à de grands groupes de communication (Colombia appartient à Sony[4], Warner Bros à AOL Time Warner[5], La Fox à Newscorp[6], Universal à Vivendi Universal[7], la Paramount à Viacom[8], et Disney[9] qui est un groupe en lui-même). Mais nous savons qu’aucun de ces studios ne pourrait assurer sa position, fragile, sans le facteur humain.

Ils se sont tous attachés les services de stars appréciées par le public pour un nombre donné de films, et sur plusieurs années. Dans les années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille, Tobey Mac Guire ou Will Smith sont sous contrat avec la Colombia, Ridley Scott et James Cameron avec la Fox, Ron Howard et Stephen Sommers avec Universal, Robert Zemeckis avec Dreamworks...

Ces studios n’entretiennent pas une exclusivité similaire à celle de l’Âge d’or des studios hollywoodiens. Ils laissent, au contraire, suffisamment de liberté à leurs acteurs et à leurs réalisateurs pour des projets intermédiaires. Et surtout, ces derniers ont désormais un poids financier et une armée d’avocats proportionnelle à celui-ci, gérant leurs contrats dans les moindres détails. Ce poids, ils l’acquièrent en fonction des succès obtenus au Box-Office au cours de leur carrière. D’où l’intérêt, pour un acteur de réussir rapidement, fortement, et ensuite de gérer, dans la durée, cette réussite. La demande du public lui crée alors une valeur. Il est intéressant de remarquer que les acteurs actuellement les mieux payés d’Hollywood sont ceux qui tournent le moins, tels Arnold Schwarzenegger (30 M$) ou Mel Gibson (25 M$).

D’autres noms sont indissociables de la science-fiction, et nous les retrouvons aussi parmi les acteurs les mieux payés d’Hollywood : Keanu Reeves (30 M$), Harrison Ford (20 M$), Will Smith (25 M$), Jim Carrey (25 M$), Bruce Willis (20 M$)… Il en va de même pour les réalisateurs qui touchent, en plus de leur salaire, un pourcentage sur leurs films. Sans évoquer leur salaire de manière précise, les noms des réalisateurs, actuellement les mieux payés (en centaines de millions de dollars pour les six premiers), ne nous surprendront pas : Steven Spielberg, George Lucas, Peter Jackson, Andy et Larry Wachowski, James Cameron, Sam Raimi, Ridley Scott, Chris Colombus, Robert Zemeckis, M. Night Shyamalan, Ron Howard, Tim Burton et Michael Bay.


[1] Studio, n°192, septembre 2003.

[2] Voir annexe : Box office américain au 1er septembre 2003.

[3] Années 1990 et début des années 2000.

[4] Sony : Play Station, équipement électronique, Sony Music…

[5] AOL Time Warner : Internet AOL, CNN, Newsline, publication de journaux, Warner Music…

[6] Newscorp : Fox News, Sky News…

[7] Vivendi Universal : Canal +, Cegetel, SFR…

[8] Viacom : CBS, MTV, Blockbuster…

[9] Disney : Miramax, ABC, parcs à thèmes…

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