3. La Mise en évidence des préceptes high fantasy dans The Lord of the Rings
3. La Mise en évidence des préceptes high fantasy dans The Lord of the Rings
Rares sont les films de fantasy qui soient parvenus à la hauteur de leurs ambitions avant la réalisation du Lord of the Rings de Peter Jackson.
The Lord of the Rings réussit là où d’autres tentatives d’adaptation ont échoué. Il fonctionne sur une alchimie à la fois simple et compliquée : une vision personnelle de l’œuvre, des moyens financiers exceptionnels, de bons acteurs, des décors magnifiques, une mise en scène intelligente, un respect de l’œuvre littéraire, et des effets spéciaux au service de l’histoire. Tout cela a coûté près de 300 millions de dollars à la principale société productrice, New Line qui a, depuis, largement récupéré sa mise de fonds.
Jackson voulait réaliser une œuvre qui soit aussi éloignée que possible des poncifs de l’heroic fantasy, ce qui ne l’a pas empêché de prendre pour modèle deux fleurons du genre : Conan le Barbare et The 13th Warrior. Son récit, Jackson l’a voulu réaliste à l’exemple de Tolkien pour qui cette histoire pouvait s’être passée en des temps obscurs et oubliés[1]. Le réalisateur a donc choisi l’axe historique. Évidemment, il ne s’agit pas de faire une chronologie historique de la Terre du Milieu, néanmoins des références apparaissent au cours des différents récits, le prologue de la première partie en est une, le Conseil d’Elrond en est une deuxième. Le reste se construit sur des analepses et concerne l’histoire d’un seul personnage : Aragorn.
Un autre aspect high fantasy de Lord of the Rings apparaît dans la pluralité des héros. Tous les personnages de la communauté sont importants même si deux d’entre eux se distinguent plus que les autres : Frodon le porteur de l’anneau, sur les épaules duquel repose l’avenir de tous les peuples de la Terre du Milieu, et Aragorn, le roi caché qui unira ces mêmes peuples afin de vaincre le mal.
Une fois encore, l’enjeu, c’est la bataille du bien contre le mal absolu, ou comme le dira plus ou moins Saroumane, la bataille de l’Homme contre la machine, de la nature contre l’industrie. Il est vrai que ses Uruk-hais, fabriqués à la chaîne, sont des machines à tuer. Ils entrent en parfaite contradiction avec les compagnons de l’anneau et leurs alliés pour lesquels la perte d’un proche est la plus terrible des défaites comme le montrent les réactions d’Aragorn à la mort de Boromir, de Gandalf ou de Haldir.
La dimension humaniste est fortement présente et donne une ampleur à l’aspect mythique de la high fantasy. Chaque personnage subit des pertes et ne peut y rester insensible. Même les Elfes, dont Legolas est le représentant au sein de la communauté, perçoivent la fatalité de cette mort qu’ils connaissent pourtant peu du fait de leur nature. Ils l’expriment au travers des regards ou des chants. Chez les hobbits, c’est la perte de leur territoire, la Comté qui est mise en évidence de plusieurs manières. La première, lorsque Sam remarque, au début de leur voyage, qu’il va dépasser les limites qu’il connaît de la Comté. La seconde, lorsque Frodon regarde dans le miroir de Galadriel : s’il échoue, la Comté sera irrémédiablement détruite et les Hobbits seront les prisonniers en sursis des Orques. Enfin, même Merry et Pippin entrevoient ce cauchemar alors qu’ils essaient de convaincre Sylvebarbe de leur venir en aide. Sans oublier, que les quatre hobbits regrettent tous à un moment ou à un autre d’avoir quitté leur « chère Comté ». Aragorn, lui, perd des compagnons qui comptaient sur lui pour les protéger (Merry et Pippin). Il perd des frères d’arme (Boromir et Haldir). Il croit perdre son mentor à plusieurs reprises (Gandalf,).
Aragorn est marqué par la perte dès le début du récit : il est un roi sans trône et sans royaume, et il voue un amour impossible à une Elfe dont il ne peut cependant se détacher tant physiquement (il porte le bijou d’Arwen à son cou) que psychiquement (ils communiquent dans leurs rêves). Même Arwen connaît la notion de sacrifice. Elle a la vision de ce que sera sa vie auprès d’Aragorn. Elle sait qu’elle le perdra car il est Humain, et donc mortel, alors qu’elle est une Immortelle. Elle peut néanmoins renoncer à son immortalité. Elle perdra cette part d’elle-même importante qui la relie à son passé, sa famille et ses racines. Enfin, il y a aussi Eowyn qui comprendra que son amour pour Aragorn est vain. Elle pense le perdre une première fois avant la bataille du Gouffre de Helm, mais ce n’est qu’à son retour qu’elle comprendra que jamais il ne pourra l’aimer, même s’il devait renoncer à l’amour d’Arwen. Aussi est-elle prête à se sacrifier physiquement, en partie pour lui, mais aussi pour que le monde qu'elle connait ne disparaisse pas sous le joug des forces du mal…
La perte est le point de départ du parcours intérieur de chaque personnage. Chacun va devoir savoir qui il est exactement afin de vaincre ses démons. Frodon va ainsi découvrir qu’il ne possède pas plus de qualités, ou de défauts, que n’importe quel autre de ses compagnons, car lui aussi subira l’influence de l’anneau. Il en va à l’inverse d’Aragorn qui découvrira qu’il peut être un roi, ou de Sam qui devient un héros, ou encore d’Eowyn qui parviendra à tuer le roi des Nazgûls tout en revendiquant sa féminité.
La quête de l’anneau symbolise toutes les quêtes. Cette multiplicité d’actions est intrinsèque à l’épopée et à la high fantasy. L’espace géographique et temporel inhérent au sous-genre est aussi respecté par le cinéaste. Il ne saurait en être autrement en littérature. Au cinéma, cela requiert des moyens. Peter Jackson a résolu ce qui pouvait se révéler être l'un des problème majeurs de sa trilogie en utilisant des vues aériennes des paysages, ainsi que des batailles. Il élève littéralement le point de vue du spectateur. Ces vues peuvent avoir autant pour fonction de détailler la géographie des lieux que de montrer la temporalité des actions. Il ajoute les effets climatiques. Les couleurs de la lumière, naturelle ou artificielle, et des atmosphères diffèrent d’un lieu à un autre et donne une œuvre qui est à la fois visuelle, impressionniste et sensitive.
[1] Le haut Moyen Age (fin du Ve s. et Xe s.) se révèle être une période propice : unification des peuples et expansion du christianisme.
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